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Alors que l’on a déjà traité dans ces colonnes de la Peugeot 405 (et même de son improbable destinée à l’Azerbaïdjan, un de nos articles les plus populaires, croyez-le ou non !), il est grand temps de se pencher sur le cas de sa remplaçante. Je vous le donne en mille (moins 594), c’est la Peugeot 406, sortie en octobre 1995. Je passais alors en cinquième, alors passons la première pour vous narrer son histoire. Ah, et pour vous épargner le calcul mental tout autant que pour vous donner un coup de vieux, c’était il y a 30 ans.

Peugeot 406 : au commencement fut le projet D8

Tandis que le restylage de la Peugeot 405 se profile, la marque de Sochaux renonce au marché américain, au grand dam de notre cher David, qui, quelques décennies plus tard, devra se contenter d’une 505 break de 1991 comme déplaçoir à Manhattan. C’est aussi en ce début des années 90 que le Lion cogite au remplacement de son best-seller européen (et iranien) qu’est la 405. Le programme D8 est lancé.

Pour cette future Peugeot 406, la recette se veut dans la continuité pour la berline mais évolue pour le break. Tandis que la 406 partage sa plateforme et ses moteurs avec la Xantia, comme la 405 le faisait avec la Citroën BX, elle renonce à la suspension hydraulique… que la 405 n’étrennait que sur le train arrière des versions 4×4. La 406 se contente, à l’image de la Xantia, d’être une traction. Et comme la Xantia ou la 405, elle mise sur l’élégance. De sa devancière, elle reprend la formule d’une berline tricorps bourgeoise et bien équilibrée tandis que le break est désormais plus grand que la berline dont il dérive et accueille en option une banquette de troisième rangée dos à la route comme pour conjurer la disparition du break 505 et tenter de grapiller des clients que le look (ou l’absence de look…) du monospace 806 rebuteraient.

Pour cette D8, future Peugeot 406, la maison sochalienne n’hésite pas à relever encore le niveau de son aïeule sur le plan des qualités routières, déjà fort appréciées par la presse comme par la clientèle : la 406 aura un train arrière multibras, et la publicité de lancement le fera savoir. Même si je doute sincèrement que 99% des clients savent de quoi il s’agit. On le verra, le compromis confort / tenue de route était de haut vol, au détriment d’un volume de coffre pâtissant de cet encombrante installation. La Peugeot 406 pouvait au moins se targuer d’une banquette rabattable, contrairement au modèle remplacé.

Les équipes de Peugeot menées par Gérard Welter tiennent une belle revanche sur l’inévitable rival italien : le design des berlines et break 406 est mené en interne mais en 1992, c’est bien Pininfarina, l’éternel concurrent, qui décroche le style du coupé 406. Celui-ci reprenant la plateforme de la berline, les équipes italiennes et françaises communiqueront de manière très rapprochée pour la genèse de ce futur -beau- dérivé.

Une anecdote concernant le développement de la Peugeot 406 : alors que la voiture est à un stade assez avancé dans sa conception, le chef de produit craint que le prix d’attaque du nouveau modèle effraie les clients des 405 de base. Forte de sa sophistication et d’un contenu plus riche (l’airbag conducteur sera livré de série), le prix de revient à la fabrication (PRF) est un peu plus élevé et il est alors demandé de proposer une version d’entrée de gamme dépourvue des vitres électriques et de la condamnation centralisée. Ce qui sera fait… Mais il est impossible de manipuler les manivelles avant sans heurter la planche de bord. C’est alors qu’une version de planche de bord spécifique est développée avec une partie basse un peu plus creusée…

Tous ces efforts pour à peu près personne puisque la quasi-totalité des clients de 406 de base optera pour l’option « pack électrique » ! Et tant mieux, car faute de loquet de porte accessible, déverrouiller les portes arrière depuis l’avant devait être une torture. La planche de bord « du pauvre » se reconnait à son absence de -fausse- boiserie et à son couvercle de boîte à gants moins large ; elle était montée sur les niveaux SL (puis S) et SR que l’on a connu sur le marché français.

Peugeot 406 : emphase sur la première phase

Nous voici à l’automne 1995, une campagne de pub un peu naze, désolé par avance à tous ceux qui ont œuvré dessus, lance la Peugeot 406… contre un mur. Mais les mannequins le contournent (wow, la tenue de route !) et préfèrent s’éclater au volant plutôt que de l’éclater. Prévisible à souhait…

Bref, la gamme française se compose de trois finitions, SL, la fameuse version sans vitres électriques de série, mais bénéficiant toutefois d’un airbag, de pare-chocs couleur carrosserie (ça peut sembler dérisoire de nos jours mais une Laguna de base n’y avait pas droit… pas plus qu’à l’airbag) et de trois ceintures arrière à trois points. Direction le niveau ST pour bénéficier de poignées de portes peintes, d’enjoliveurs en « imitation 205 GTI », de vitres avant électriques, du verrouillage centralisé, d’une sellerie en velours (grise ou beige) et de faux bois sur la planche. La SV vous offrait royalement la clim, les boiseries sur les garnitures de portes, les vitres arrière électriques, l’ABS et les antibrouillards. Curiosité : la 406 a fait partie des rares berlines tricorps à avoir eu un optionnel essuie-glace arrière.

Côté moteurs, en essence, l’offre se compose au lancement de la famille XU : 1,6 l 90 ch, 1,8 l 16V 112 ch et 2,0 l 16 V 135 ch. En diesel, le 1,9 l 92 ch a été rejoint quelques mois après par le 2,1 l 110 ch en provenance de la 605. Il faut attendre le printemps 1996 pour voir débarquer le 2,0 l turbo 150 ch déjà présent sous le capot des Xantia, XM, 605, 806 et Evasion et la rentrée 1996 pour que la 406 soit disponible en V6 (ES9, 194 ch), aussi bien en berline qu’en break. Car oui, c’est aussi à ce moment qu’apparaît cette carrosserie, sonnant le glas de la 405 en Europe, accompagnée d’une finition haute, SVE, dotée de série du cuir et des lave-projecteurs, notamment. L’arrivée du V6 est aussi l’occasion pour Peugeot de proposer l’option suspension pilotée. En bas de l’échelle, un 1,9 diesel 75 ch doté d’un turbo basse pression ouvre la gamme.

Mais je doute que ce soit ce qui a accaparé votre attention sur le stand Peugeot du Mondial de l’Automobile de Paris en 1996. En effet, le Lion profitait de l’occasion pour présenter le coupé 406 alors unanimement salué pour son design. Les clients devront toutefois patienter jusqu’à la fin du printemps 1997 pour passer commande.

Curieusement, au salon de Genève 1996, Pininfarina présentait le concept Toscana, basé sur la berline 406, plutôt déséquilibré à mes yeux et ne préfigurant absolument pas le coupé à venir !

Bon, je vous passe sur les nouveautés de l’été 1997 avec les rétroviseurs modifiés sur la berline et le break, l’arrivée d’une version SR, venant s’intercaler entre SL et ST. Quant à la version de base, elle a été rebaptisée S quelques semaines après et s’est vue dotée de série des vitres électriques à l’avant si vous vous posiez la question. Enfin, le 1,6 l cède sa place à un 1,8 l de même puissance.

La rentrée 1998 est l’occasion pour Peugeot de rappeler au monde qui est le roi du diesel : après avoir été inaugurée par le groupe Fiat sur l’Alfa Romeo 156 l’année d’avant, l’injection par rampe commune de Bosch débarque sur le tout nouveau 2,0 l HDI de PSA, développant 110 ch et remplaçant le 2,1 TD. C’est un hit et ça sera le dernier coup d’éclat de la 406 avant de passer par la case chirurgie esthétique.

Un petit mot sur le magnifique coupé : disponible en 2,0 l ou en V6, finition de base à peu près équivalente à la SV ou Pack, notamment caractérisée par le cuir et l’audio JBL de série, il reprend certes la planche de bord de la berline dans une inédite harmonie noire, associée à des compteurs cerclés de chrome, des décors gris et de belles selleries encore peu vues sur une française à l’époque : 3 coloris de cuir étaient proposés (noir, Abricot et Amarante), tandis que la sellerie velours/tissu de base était proposée en gris et en bleu.

Peugeot 406 : yes we CAN

A quelques jours du salon de Genève 1999, la Peugeot 406 s’offre une cure de jouvence signée… Pininfarina. Mais n’espérez pas retrouver le look du coupé sur les berlines et breaks, ces derniers s’offrent un inédit visage, et, pour la berline uniquement, une face arrière remaniée corrigeant un peu la faiblesse du volume du coffre. Le coupé reste visuellement inchangé et c’est tant mieux.

La nouveauté la mieux cachée et pourtant perceptible est l’arrivée du multiplexage par réseau CAN qui s’immisce dans la 406. Mais au fait, qu’est-ce que le réseau CAN ? C’est l’acronyme de Controller Area Network et il s’agit d’un protocole de communication reliant les boîtiers électroniques (ECU). Principaux avantages du CAN : la réduction du câblage (un seul bus de communication remplace des milliers de fils individuels, allégeant le véhicule, facilitant l’assemblage et réduisant les coûts). En outre, sa faible latence bénéficie aux équipements de sécurité et cette architecture électronique se prête bien plus facilement aux évolutions.

A bord, l’airbag passager, désormais de série, est caché sous la coiffe de planche de bord, la console centrale est remaniée, tout comme les garnitures de portes avant (désormais symétriques et disposant d’un accoudoir rehaussé), les sièges avant sont redessinés, la banquette arrière se déverrouille désormais depuis le coffre sur la berline, les harmonies intérieures sont mises à jour avec la planche de bord du riche (avec boiserie en vrai plastique de série) sur tous les niveaux. L’ambiance beige, victime d’un peu de rationalisation hérite des crosses de portes noires de l’ambiance grise, et de la planche de bord noire du coupé. Ce dernier bénéficie des mises à jour qui peuvent le concerner…

… à commencer par l’arrivée du nouveau bloc essence EW 2,0 l 138 ch. Les berlines et break héritent également de ce bloc tandis qu’ils perdent le 2,0 l turbo non encore remplacé dans la gamme. Côté diesel, le HDI se décline en version 90 ch et remplace le 1,9. Et plus anecdotiquement, l’option essuie-glace arrière disparaît, mais une option acoustique JBL 10 HP fait son apparition sur les berlines et breaks, à l’image de ce que proposait le coupé. Enfin, la version SVE disparaît sans disparaître : c’est désormais une option dispo sur SV (le pack SVE). Parfois, on se demande pourquoi ils s’embêtent à brouiller les pistes !

L’année suivante (on venait de survivre au bug de l’an 2000, vous les jeunes n’avez jamais rien affronté de votre vie…), voit enfin la remplaçante de la motorisation 2,0 l turbo : c’est un 2,2 l atmo 160 ch qui débarque sous le capot de la 406 emportant avec lui une inédite version ST Pack Sport (en sus de la SV… et de la SV pack SVE). Celle-ci propose d’inédites jantes de 16 pouces (oui, en dehors du coupé V6, la 406 se contentait de 15 pouces, voire de 14 sur les petits moteurs en phase 1), une jolie teinte Bleu Piana optionnelle, une harmonie intérieure reprenant la planche de bord noire et les cerclages chromés des compteurs, associée à des décors bleus, une sellerie cuir/TEP noire avec un textile bleuté. En diesel, le 2.2 HDi FAP 136 ch de la 607 débarque aussi sur la 406 en ST Pack Sport et SV… mais aussi sur le coupé. Inutile de préciser que les ventes du coupé connaissent alors un point d’inflexion !

406 parenthèse personnelle

« Safrane, laissez le plaisir conduire », « Peugeot, pour que l’automobile soit toujours un plaisir ». En tous cas, en cette rentrée 2000, mon père a eu le plaisir de troquer sa Safrane RTE 2.2 dT contre une Peugeot 406 SV HDI 110. Et pas n’importe laquelle : outre l’option JBL et ses 10 HP, dont 6 implantés au forceps sur la plage arrière lors du restylage, d’où une répartition sonore perfectible, nous bénéficions surtout d’une combinaison ô combien rare dans l’Hexagone : une teinte de caisse Rouge Lucifer associée à l’intérieur Terre de Cassel (ou beige, en français).

A une époque où pullulaient les 406 HDI gris Alu à intérieur gris, la nôtre avait une sacrée gueule. Au point qu’un jour, quelqu’un a demandé à mon père, alors à un feu rouge, s’il avait l’intention de la vendre. Et comme toutes les 406 phase 2, la nôtre avait vu son coffre se faire forcer à plusieurs reprises à cause d’un défaut de conception trop tardivement corrigé. Une fois la faille révélée par Auto-Plus, les voitures se faisaient fréquemment dévaliser ! Dommage, c’était un des rares défauts du véhicule.

Choc de complexification

Et puisqu’on aborde les évolutions : en 2001, l’ESP fait son arrivée en option et la suspension pilotée disparaît. Le niveau SV devient ST Pack Confort (sans autre changement) pour faire écho à ST Pack Sport. Et comme les gens du marketing ne sont jamais à court d’idées, l’ancien niveau SVE devenu SV Pack SVE se nomme alors ST Pack Confort Pack Cuir Confort par effort de simplification (ils l’ont vraiment fait…). Le V6 en profite pour monter à 210 ch. Une éphémère version essence à injection directe HPi 143 ch vient végéter dans la gamme, sans tenir ses promesses d’agrément et de consommation.

Dernier remaniement de gamme ? Une très discrète phase 3 en 2002… discrète mais pas sur le coupé qui se dote d’un pare-chocs avant inédit et de nouvelles jantes. Les berlines et break changent peu, donc, la principale évolution à l’extérieur consiste en des pieds de rétroviseurs noir brillant au lieu de grainé, et des jantes de 16 pouces partagées avec le coupé sur le niveau Confort Pack… nouveau nom de ST Pack Confort. Et ST Pack Sport s’appelle Sport Pack. Il y en a qui ont un métier passionnant. A bord, l’équipement peut s’enrichir de l’allumage automatique des projecteurs tandis que l’ambiance beige disparaît. Un cuir marron fait son apparition en option.

Parmi les séries spéciales marquantes, la très jolie série spéciale Peugeot 406 Coupé Settant’anni en l’an 2000, limitée à 1305 exemplaires, célébrant, comme son nom l’indique, les 70 ans de la maison Pininfarina. Au menu, de belles jantes « Nautilus », évoquant celles du concept car éponyme, une teinte grise associée à l’intérieur Alezan ou une teinte bleu clair associée à un inédit cuir blanc cassé. L’année précédente, un très rare break Roland Garros disposait d’une sellerie et de fonds de compteurs inédits. Et bon courage pour trouver des clichés de cette dernière, même Peugeot ne nous en a pas fourni !

Début 2004, la Peugeot 407 est dévoilée et fait sa première apparition publique à Genève. Le coupé suivra l’année d’après (Gil vous en a parlé ici). Et la 407 arrive trop tard pour que mon père passe commande pour remplacer sa 406 : une Mondeo dont vous avez lu les aventures ici lui a succédé. Au total 1 667 334 exemplaires produits. Et sans aucun doute la dernière berline de Peugeot à connaître autant un succès d’estime qu’un succès commercial. Le Lion a dû attendre le duo 3008/5008 de 2016 pour renouer avec un tel succès dans la catégorie des familiales.

Sources : archives de l’ami Guillaume B.