Une nouvelle fois, notre ami Le Driveur Ambulant prend sa plume et partage avec nous sa passion automobile. Direction New York pour avoir ses impressions à bord d’une de ses dernières voitures de location. Résidant de l’autre côté de l’Atlantique, il nous permet ainsi de nous projeter au volant de voitures inconnues en France. En l’occurrence, la Cadillac CT4. Et avant de passer à ses lignes, je vous propose une petite remise en contexte.
Cadillac CT4 : fille de l’ATS
Après l’échec de la BLS, une Cadillac européenne qui n’était autre qu’un reskin de la Saab 9-3, dont la carrière n’a pas été reluisante avec à peine 8 000 exemplaires écoulés, la marque premium américaine décide de prendre enfin le segment D au sérieux. Cette fois-ci, Cadillac revient avec une voiture mondiale (à l’échelle de Cadillac, n’est pas Toyota qui peut), produite aux USA sur une excellente plateforme compétitive : la Cadillac ATS naît en 2012 forte de son style flamboyant, acéré, musclé, moderne et de sa technologie aboutie à l’image du Magnetic Ride Control, de son HUD ou de son multimédia à la pointe. Suis-je objectif ? Propriétaire d’un modèle restylé, j’aurais tendance à dire oui. Après tout, je lui ai mis près de 60 000 km dans les pattes. Promis, je vous en ferai un texte un jour !
Mais voilà, 150 000 exemplaires plus tard et à peine 670 écoulés en Europe (ouch !), l’ATS a manqué son rendez-vous, bien que pétrie de qualité. Le problème n’était pas vraiment dans le produit, abstraction faite de l’absence de diesel en Europe. Pour autant, Cadillac n’a pas renoncé à une « petite » sport sedan : vous souvenez-vous du passage de la Golf V à la Golf VI ? Par la magie d’un très profond restylage, l’ATS se mue en Cadillac CT4, la surface vitrée étant un évident stigmate de ce renouvellement sous forte contrainte budgétaire. La parole est à Le Driveur Ambulant, découvrons la Cadillac CT4 grâce à lui !
Essai Cadillac CT4 : une excellente berline victime de son image
« Elle a tout d’une Cadillac, et son contraire. Une excellente berline, mal-aimée, elle aurait mérité mieux. Quand la course à l’image fait des ravages.
C’est une location qui commence comme on les aime : une assez rare Cadillac CT4 noire aux magnifiques jantes, millésime 2024, 211 miles au compteur et étriers de frein brillants, très bel intérieur en cuir noir et toutes les options qui vont bien… C’est parti pour un road trip new yorkais assez prometteur. L’essai sera très concluant pour une excellente voiture à la fois très attachante, très bien conçue, et finalement passée inaperçue dans un marché en pleine transformation où Cadillac continue à chercher ses marques et traverse une crise identitaire avec un repositionnement « luxury » qui reste encore assez hypothétique. Le premium lui va pourtant déjà si bien… Pourquoi prétendre à plus ?
A l’image des Alfa Giulia, Acura TLX, ou même Volvo S60, Cadillac avec sa CT4 perpétue la tradition des berlines dynamiques traditionnelles et un peu décalées, pour le plus grand plaisir des conducteurs qui recherchent une expérience de conduite plus qu’une mode. En revanche, à l’instar des Infiniti Q50, Nissan Maxima, ou Dodge Challenger, il vient un temps où les restylages et les changements de gammes successifs ne peuvent plus grand chose pour cacher les années. Même en passant de l’ATS à la CT4, la remise au goût du jour de la berline Cadillac ne suffit plus à faire la différence dans un segment très compétitif.
Dès la première prise en main, c’est l’impression de légèreté qui vient à l’esprit : direction précise, suspensions bien calibrées, plutôt directe, moteur très vif, boite rapide, sièges excellents et position de conduite parfaite, et même contre-portes assez fines et bonne visibilité…retour à une époque révolue ! Il y a en fait beaucoup de rigueur germanique dans l’ensemble et je ne serais pas surpris si les ingénieurs d’Opel s’étaient à l’époque un peu penchés sur son berceau. Il faudrait peut-être juste un freinage légèrement plus mordant mais l’ensemble est d’un niveau rare. L’état et la diversité des routes new-yorkaises ne font pas de cadeau et donnent un très bon aperçu des qualités dynamiques par tous les temps. Le niveau de confort est également assez exceptionnel pour un véhicule désormais plus typé sport sans être trop sec. Petit plus qui mériterait d’être plus présent sur le reste du marché : les alertes de sécurité active génèrent de légères vibrations du siège. Pas de sonneries intempestives, pas de coups de volant déstabilisants, juste ce qu’il faut.
Au fil des miles, il y quand même un truc qui me chiffonne sans trop savoir quoi… Ca y est j’y suis : cette « luxury car » telle qu’elle est décrite sur le site Cadillac ressemble à l’intérieur à un puzzle de pièces General Motors : un petit peu de Chevrolet Camaro, une pointe de Buick Regal (Opel Insignia), un zest d’Impala voire Malibu des grandes années. Fond vert turquoise et compteurs analogiques, la CT4 puise généreusement dans la banque d’organes GM pour un résultat plutôt bien fini et cohérent, mais pas super premium et encore moins luxury. Les exemples cités étaient de très bonnes voitures, mais illustrent la difficulté pour Cadillac à se différencier vraiment à partir de rebadgées divers et chaines d’assemblages communes [la Cadillac CT4 partage son usine avec la Chevrolet Camaro notamment]. Cette recherche d’un luxe illusoire est-elle vraiment nécessaire, et dans quel but ? La clientèle Cadillac sait parfaitement à quoi s’attendre, mais comment prétendre concurrencer les premiums allemands et Japonais sur ce segment avec du rebadging ?
Pourtant une Camaro quatre portes, ce serait le bonheur ! Avant le restylage profond qui a donné naissance à la Cadillac CT4, l’ATS et sa grande sœur la CTS (devenue CT5) avaient une vraie personnalité, typées très confort mais avec un excellent comportement et un style Cadillac caractéristique, très anguleux. Depuis le restylage, la mode du « Vroom Vroom » et du look sport est passée par là et le compromis initial ne s’y retrouve pas. Publicités en mode « burn out », amplificateurs de son moteur, suspensions raffermies, sièges plus durs, et places arrière sacrifiées sont autant d’artifices qui ne collent pas au modèle et font pièces rapportées. Le changement complet du design arrière est assez inhabituel, reprenant les lignes de la très grande XTS qui n’aura vraiment pas marqué les esprits par son style, et tentant d’adopter à l’avant le look des SUV de la marque sans vraiment y parvenir. Cette CT4 pourrait être de n’importe quelle marque, et une Cadillac doit être une Cadillac.
Pour finir, difficile de vraiment reprocher quoi que ce soit à la CT4, mis à part le manque de place à l’arrière ou le manque de soin apporté aux finitions dans l’ensemble comme l’habillage du coffre. Un test assez révélateur en général sur l’ensemble du marché. Il y a peut-être aussi ce problème très actuel de positionner le déconnecteur d’ESP juste à côté de la sélection des modes de conduite…meilleur moyen de se retrouver sans ESP par erreur ! Vu aussi sur les Jeep et 3008 récentes. En soi la CT4 est une voiture plaisante et sans défaut majeur, ça devient une vraie prouesse dans le paysage actuel. Mais dans une gamme de prix comparable la compétition est sévère, et surtout l’image de marque et du réseau devient un handicap. Cadillac se réinvente assez pour perdre une image premium plus grand public et détourner une clientèle disposant d’un budget suffisant qui se réoriente vers le « access premium », et sans pour autant s’imposer vraiment dans le luxe ou les motivations d’achat restent très différentes et liées à l’image. La remise automatique actuelle de $5,000 dollars sur les CT4 neuves est assez révélatrice du challenge. N’est pas le luxe qui veut, et finalement est-ce vraiment essentiel pour l’avenir de la marque ? En tout cas, l’attrait pour les youngtimers Cadillac ne risque pas de s’arrêter tout de suite ! »
Cadillac CT4 : remise en contexte bis
En complément de cet essai, on vous met les chiffres de vente aux USA sur le segment D concernant les sport sedan. Cadillac est malheureusement loin derrière, Alfa Romeo fermant tristement la marche en dépit des très grandes qualités de la Giulia. Sans surprise, Mercedes et BMW se battent pour la première place, loin devant le reste de la meute, Lexus se défendant honorablement.
Une remarque de notre ami Le Driveur Ambulant à la vue des chiffres : « les scores de la Cadillac CT4 sont à rapprocher de ceux de la Peugeot 505 aux USA ». Oui, vous avez bien lu. C’est plus ou moins ce que faisait la 505 chez l’Oncle Ronald, passé son pic de 16 000 unités au sommet de sa carrière.
La Cadillac CT4 350T Premium Luxury de cet essai était équipée d’un 2,0 l turbo 240 ch associé à une boîte automatique 10 vitesses. Comptez 40 840 $ pour le modèle que vous voyez à l’image. C’est nettement moins cher qu’une Alfa Romeo Giulia Sprint Q2 280 ch (44 935 $ vs 56 900 € en Q4 en France !) ou qu’une Mercedes C300 avec option cuir (53 120 $… ou 64 450 € en France en version C300e Business Line hybride, faute d’équivalent). La Cadillac CT4 350T est la moins puissante de la gamme, la version 450T proposant un 2,7 l turbo de 329 ch commun au Chevrolet Silverado, tandis que la version V-Blackwing vous gratifie d’un V6 biturbo de 472 ch disponible en BVA10 ou BVM6.
Merci encore à Le Driveur Ambulant pour son essai et son texte.
Texte et photos : Le Driveur Ambulant pour Le Nouvel Automobiliste