Vous l’avez remarqué, on aime vous faire voyager avec nous, sur Le Nouvel Automobiliste. Alors après le Japon, la Corée, la Malaisie, la Chine, les Etats-Unis, l’Europe centrale et Israël, on vous emmène en Australie, à la découverte du marché automobile local. Un peu d’Histoire, des spécificités locales et les classements des marques et modèles les plus populaires : c’est au menu de notre article du jour. Embarquez avec nous à bord d’un big jet plane en direction de l’Australie !
Australie : un bref aperçu du pays
Avec une population totale de 26 500 000 habitants pour un territoire vaste de 7 741 200 km², l’Australie n’est ni densément peuplée, ni très peuplée tout court. A titre de comparaison, l’Union Européenne dispose d’une population de 448 000 000 d’habitants pour une superficie de 4 194 431 km². Ainsi, même si l’UE n’était peuplée que par les Pays-Bas, elle serait quand même plus densément peuplée que l’Australie.
Détail qui ne vous aura pas échappé : les australiens roulent du « mauvais » côté, à l’image de nombreux pays du Commonwealth. Et gardez à l’esprit qu’il faut circuler à gauche en toutes circonstances et pas uniquement sur la route. En tant que piéton, bien entendu, mais aussi si vous faites du vélo en forêt ou si vous nagez dans votre ligne d’eau : pensez à vous mettre à gauche ! Fichus anglais, va…
Comment se passe l’homologation des voitures en Australie ? Sans entrer dans le détail, sachez que quelques différences avec l’Europe existent. Et non des moindres : la norme de dépollution en vigueur en Australie correspond à Euro 5 alors que l’Union Européenne impose Euro 6d à l’heure actuelle. L’Australie accuse donc une bonne dizaine d’années de retard sur nous de ce point de vue ! Le passage sans palier intermédiaire à Euro 6d serait prévu au premier janvier 2025, pour limiter les émissions polluantes « INXS », comme on dit là-bas. 2025 verra aussi l’arrivée des premières cibles d’émissions moyennes de CO2 sur place… Attendons-nous donc à quelques changements concernant l’offre automobile en Australie l’an prochain.
Pour le reste, quelques détails plus ou moins futiles pour votre culture générale : l’Australie fait partie de ces pays qui ne connaissent ni le brouillard ni les fortes pluies à en juger par le fait que le feu arrière antibrouillard n’est pas obligatoire. Quant aux sièges enfants, vous ne pouvez pas les installer à l’avant d’une voiture, contrairement à ce qui est conseillé en Europe pour les nouveaux nés, vous ne trouverez par ailleurs aucun crochet Isofix à l’avant d’une voiture en Australie mais le pays impose le Top Tether (l’ancrage au dos des sièges arrière) à toutes les places de la seconde rangée. Vous dormirez moins bêtes.
L’automobile en Australie : clé d’ute et gros muscles
De nos jours, l’Australie ne compte malheureusement plus un seul producteur de voitures particulières en son sol. Avant d’expliquer la raison de ce déclin, abordons l’histoire des automobiles fabriquées en Australie.
Tout commence en 1901 avec la première voiture fabriquée entièrement sur le sol australien : la Tarrant. De nombreux petits acteurs locaux entrent en scène au fil des ans tandis qu’un fabriquant de selleries pour chevaux fondé en 1856 puis de calèches se met à s’intéresser de près à la carrosserie automobile : Holden, c’est le nom de la firme, se convertit à ce nouveau mode de transport au point de produire des carrosseries pour Ford, arrivé en 1925 au pays des kangourous. General Motors devient aussi un important client de Holden au point de s’en porter acquéreur en 1931.
Il a fallu cependant attendre 1948 et l’arrivée de la… Holden 48 FJ pour que l’Australie dispose enfin d’une voiture de grande série réellement originale et non dérivée d’un modèle américain ou européen. Dans les faits, cette Holden est en réalité une proposition non retenue par Chevrolet aux USA et recyclée pour devenir une Holden. C’est alors le début de l’aventure automobile australienne faite de véhicules originaux. La riposte de Ford se fera un peu attendre avec l’arrivée de la Falcon dans les années 60 et la voiture s’écarte rapidement de ses origines américaines pour s’adapter au marché australien au fil des millésimes. Idem pour le Pentastar qui finit par y lancer sa Valliant sous la marque Chrysler.
A partir de la fin des années 60, l’Australie comme à se lasser de ses 6 cylindres en ligne et se met à greffer des V8 sous le capot de ses voitures : l’ère des muscle cars australiennes débute et la course à la puissance semble sans limite. Les muscle cars australiennes vivront d’ailleurs jusqu’au bout de l’industrie automobile locale.
Enfin et surtout, entre la fin des années 70 et les années 2010, les productions locales de Holden et de Ford donnent l’impression d’être dans un monde parallèle qui fabriquerait des Opel et des Ford étranges. Un peu comme les interprétations de « vraies voitures » dans le jeu GTA. Les Holden Commodore semblent être d’étranges Opel Omega, par exemple, tandis que les dernières Ford Falcon ressemblaient à des sortes de Mondeo propulsion : très exotique à contempler !
Les Ute, cette spécialité australienne
Match de sportives : Holden en tête devant Ferrari !
Comment évoquer l’Australie sans évoquer les Ute ? Ute, c’est le diminutif de Utility Vehicle, les australiens étant grands fans de diminutifs… et de Ute, donc. Nés chez Ford dans les années 30, de la volonté d’avoir un véhicule pour aller endimanché à l’église comme pour travailler à la ferme en semaine, il s’agit ni plus ni moins que d’un pick-up à châssis-échelle doté d’une cabine emprunté à une grande berline. Imaginez une Chevrolet El Camino sans carrosserie monocoque et vous avez une idée précise de la chose.
On trouve ainsi des Holden et des Ford parmi les Ute, dotés de cabines plus ou moins luxueuses, simples ou doubles, de bennes drop-side ou habillées, de moteurs « sages » (tout est relatif, les 6 cylindres ayant presque toujours constitués les blocs de base…) ou de gros V8 débordant de couple et de puissance ! Un vrai art de vivre. Holden Commodore Ute ou Ford Falcon Ute, choisissez votre camp. Et bien entendu, avec l’arrêt de la production en Australie, les Ute ont disparu du monde automobile, bêtement remplacés par des pick-up. En tous cas, les véhicules en circulation sont bichonnés par leurs propriétaires et leur cote en occasion reste élevée.
Le début de la fin de l’automobile en Australie
Jusqu’au début des années 80, d’importantes taxes d’importation rendaient le marché plutôt hermétique à la concurrence venue d’ailleurs. On a ainsi vu de nombreuses marques assembler des voitures localement afin de pouvoir exister sur le marché, à l’image de Toyota mais aussi de Continental & General qui a assemblé des Citroën (voir notre article sur la fin de Citroën en Australie) mais aussi des Renault localement. Plus étonnant : des Goggomobil ont été assemblées à Sydney par Buckle Motors, dotées de carrosserie en fibre de verre spécifiques à l’image de la Dart ou de l’utilitaire Carryall. Et le plus étonnant ? C’est qu’on en a croisé à Uluru en plein désert, au beau milieu du pays. Et leurs conducteurs avaient fait 2000 km depuis Darwin à leur volant. Courageux !
Reste que l’Australie souffre d’un marché intérieur limité et de coûts de production élevés ne facilitant pas les exportations. C’est alors que le ministre travailliste John Button entre en scène. Il propose un programme industriel visant à réduire le nombre de modèles produits en Australie, favoriser les cross-badging (commercialisation d’une même voiture par plusieurs marques) pour augmenter les volumes d’un même modèle et de diminuer les taxes d’importation dans le même temps. Le plan entre en application dès 1985.
L’idée semble assez saugrenue au premier abord. Mais dans les faits… ah oui en fait, c’était une mauvaise idée : les politiciens ont le chic de ruiner l’industrie automobile, visiblement. En effet, d’une part, la clientèle n’était pas dupe des simples changements de calandres entre deux marques, d’autre part, l’arrivée de modèles produits à l’étranger et désormais compétitifs a clairement bénéficié aux japonais en entrée de gamme et aux allemands en haut de gamme. Bien joué, monsieur Button… L’Australie qui produisait environs un demi-million de voitures par an dans les années 70 a depuis vu sa production décliner depuis.
Premier à s’en aller : Nissan, au début des années 90, qui a préféré se contenter d’importer ses voitures du Japon. Second de cordée : Mitsubishi. La firme aux 3 diamants produisait sur place depuis 1980 et le rachat des activités de Chrysler. La Magna (un nom on ne peut plus automobile !) et sa version de luxe, Verdana y étaient fabriquées. Deux véhicules dont les ventes se sont érodées dès le début des années 2000. Leur remplaçante, la Mitsubishi 380 était présentée comme le véhicule de la dernière chance pour l’usine. Après 3 millésimes et des ventes trop faibles, Mitsubishi cesse de produire en Australie en 2008.
Coup de tonnerre en mai 2013 : c’est Ford qui annonce qu’il cessera ses activités de production en Australie en raison de coûts de fabrication trop élevés. Le constructeur cesse de fabriquer sur place en 2016 avec la fin des Ford Falcon et Territory. Il ne reste alors plus que Holden et Toyota sur le terrain. C’est alors que General Motors emboîte le pas de Ford et annonce quelques semaines plus tard que Holden cessera de produire en Australie à la fin de l’année 2017. Une campagne de publicité tente de rassurer en indiquant que Holden reste « engagé en Australie » à travers son centre de R&D, et son réseau. Bref, GM tue la marque à la fin de l’année 2020… Enfin, Toyota, désormais seul en lice, annonce qu’il ne pourra plus être compétitif sur place sans concurrence : les dernières Camry et Aurion quittent les chaînes australiennes en 2017 également, marquant la fin de l’aventure industrielle automobile en Australie. Une page se tourne tristement.
Automobile et Australie : le point sur le maché
Regardons les données de ces 6 dernières années, soit après la désindustrialisation automobile du pays. Le marché automobile australien n’est donc pas énorme au vu de la faible population mais s’établit toutefois à 1 050 000 voitures par an en moyenne (vs 1 775 000 en France). Et vu l’immensité du pays, la voiture est quasi indispensable.
Premier constat : Toyota est non seulement le leader incontesté du marché, mais en plus il s’arroge généralement une part de marché deux fois supérieure à celle de son plus proche rival, Mazda ! Autre remarque : les japonais sont clairement les rois du marché en représentant selon les années plus de la moitié des ventes en Australie. Comme quoi, faire des voitures de qualité et adaptées aux goûts de la clientèle, ça paye…
Les coréens ne sont pas en reste, Kia et Hyundai se distinguant régulièrement par de belles positions au sein du top 10, voire carrément du top 5. A noter que les Hyundai Tucson et Kia Sportage vendus sur place sont les versions à châssis long, contrairement à celles que l’on connaît en Europe.
Mais les belles performances japonaises et coréennes ne doivent pas occulter la réalité de la menace chinoise : les constructeurs du pays de Winnie l’Ourson sont passés de presque rien à 11% de parts de marché en l’espace de 5 ans, SAIC étant très présent dans les véhicules utilitaires, MG intègre le top 10 depuis quelques années, tandis que BYD et Great Wall sont devenus populaires. La progression des chinois s’est semble-t-il faite essentiellement au détriment des japonais.
Le marché australien est clairement un marché de grosses voitures : outre les pick-ups, les grands SUV y sont rois. Dans quel pays voyez-vous le Toyota Land Cruiser Prado dans le top 3 ? Et le gros Land Cruiser « tout court » est systématiquement dans le top 30 du pays. Il faut dire que les australiens adorent le sport et les loisirs en plein air : leurs voitures sont donc le reflet de leurs besoins.
Quid de Holden ? La marque qui a longtemps rebadgé tout ce qu’elle pouvait rebadger (Opel, Isuzu, Daewoo, Chevrolet, GMC mais aussi Nissan et Toyota !) en plus de ses produits spécifiques a très vite coulé : encore sixième au classement en 2018 avec près de 61 000 unités, la marque s’est effondrée en 2020, sa dernière année avec moins de 17 000 voitures vendues. Et General Motors s’est contenté qu’un quasi-abandon du marché (les Corvette et Silverado sont encore importées en petite quantité, à l’image du quasi-abandon de GM en Europe et des ventes anecdotiques de Cadillac et de Corvette depuis la cession d’Opel à PSA).
Ford, en revanche n’a pas renoncé au marché australien et se situe généralement dans le top 5, essentiellement porté par son pick-up Ranger et, dans une moindre mesure, par l’Everest. Les autres modèles de la gamme y sont nettement moins diffusés et représentent à peine 10% des ventes de Ford là-bas. A noter que le Kuga s’appelle désormais Escape sur place, comme aux USA.
Et les français ? On a déjà abordé le malheureux cas de Citroën dans cet article, on constate aussi que Peugeot est sorti du Top 30 depuis quelques années. Seul Renault y figure encore, porté par ses utilitaires et par le Koleos, plutôt adapté au marché avec son grand gabarit et son moteur Nissan 2,5 l. Les Clio et Megane RS étaient relativement populaires, toutes proportions gardées, en leur temps, et la plus petite Renault vendue sur place est désormais le Captur. Quant à DS, la marque n’a jamais été vendue en Australie à l’exception de l’époque où la « ligne DS » était intégrée à la gamme Citroën. On se consolera en se disant que les Mitsubishi Express sont made in Sandouville, à l’image des Renault Trafic.