Le Nouvel Automobiliste
Jetta VS5 Tim Chine

Essai décalé : we go chez les Ouigours en Jetta VS5

Une fois n’est pas coutume, on essaye une voiture non commercialisée en France sur Le Nouvel Automobiliste. Inconnue chez nous, comme dans le reste du monde, exception faite de l’Empire du milieu. La marque ? Jetta. Je vous vois venir : on ne parle pas de Volkswagen Jetta mais bien de la marque Jetta, ici avec son SUV le Jetta VS5. Et quitte à verser dans l’exotisme, quittons les grandes mégapoles chinoises pour la province du Xinjiang, à l’Ouest du pays. C’est grâce à notre ami et globe-trotteur Tim que nous nous y rendons.

Euh, il y a une marque qui s’appelle Jetta ?

Oui.

Parle-nous de Jetta…

OK. Il n’aura échappé à personne que la Chine est un marché capital pour le groupe VW et pour la marque Volkswagen en particulier. On ne va pas vous refaire l’Histoire mais un peu quand même : le constructeur de Wolfsburg a été un des premiers à investir le marché chinois, en octobre 1984, quelques mois après AMC avec Beijing-Jeep. La JV Shanghai Volkswagen Automotive Co., Ltd (rebaptisée SAIC-VW quelques années plus tard) produit ses premières voitures en 1985, dont la mythique (là-bas) Santana. Une seconde JV est formée avec First Auto Works : FAW-Volkswagen Automotive Company Ltd. et démarre sa production le 5 décembre 1991. Sa première voiture ? La Volkswagen Jetta II. Pendant un quart de siècle, Volkswagen a été le leader incontesté du marché chinois. De nos jours, une troisième JV est également formée depuis 2017 afin de produire des véhicules électriques avec JAC Motors. VW est devenu majoritaire en 2020 et l’entité est désormais baptisée VW Anhui (les voitures allemandes seraient-elles si ennuyeuses ?).

Parmi les modèles à grand succès de VW en Chine, on peut notamment citer la Santana, produite 36 ans durant en Chine, mais aussi la Jetta, dont la seconde génération (première en Chine, donc), a été maintes fois restylée entre 1991 et 2013, date à laquelle une nouvelle mouture de Jetta chinoise est apparue, cette fois dérivée de la Skoda Rapid de l’époque. Egalement produite par FAW-Volkswagen, cette nouvelle Jetta s’est écoulée à près de 1,9 million d’unités en Chine jusqu’à sa fin de vie en 2020. Auxquelles s’ajoutent les 2,4 millions de la génération précédente. Joli score donc… Et de quoi donner des idées à Volkswagen.

A noter que la Jetta III (Vento en Europe) n’a pas connu de destinée chinoise, contrairement à la quatrième version, dénommée Bora, comme elle l’a été sous nos latitudes, et toujours produite dans une nouvelle version basée sur la plateforme MQB, aux côtés de la Sagitar, nom donné à la Jetta V en Chine, ainsi qu’aux générations suivantes, l’Empire du Milieu produisant donc chez FAW la Jetta VII sous cette nouvelle et inédite appellation.

Jetta, New Bora, Bora (plus moderne que la New Bora, allez comprendre…), Sagitar, Lamando, Lavida, Passat, Magotan, Phideon : la gamme des berlines VW en Chine est proprement impressionnante et difficile à hiérarchiser pour un novice, d’autant il faut séparer les produits SAIC-VW de ceux de FAW-VW !

Ca ne me dit toujours pas ce qu’est Jetta

On y vient : fort du succès de la Jetta en Chine et surtout désireux de capter une partie de la clientèle qui lui échappe, le groupe Volkswagen décide de créer une marque. Celle-ci doit attirer les clients des marques locales, qui poussent comme des champignons, très souvent plus abordables que Volkswagen ou Skoda en Chine. Au vu du nombre de concurrents chinois et de leur part de marché, l’allemand a une carte à jouer pour ne pas laisser filer ces prospects vers les marques nationales, surtout en ces temps où la Chine incite à la défiance vis-à-vis de l’Occident.

Reste à trouver un nom populaire permettant de capter ces clients tout en laissant entendre que la bonne réputation locale de VW est toujours au rendez-vous : la marque Jetta est ainsi née en 2020, offrant d’emblée une gamme de 3 modèles. Volkswagen décrit la marque Jetta comme “young, fresh, confident, optimistic, straight forward and authentic”. Quand on voit les produits, ça donne une idée du concept allemand de joie de vivre. La force par la joie, une valeur fondatrice de la marque VW, après tout… “Proud past, bright future”, disaient les affiches au lancement. Heureusement qu’on parle de l’Histoire de Jetta et pas de celle Volkswagen ! Pour simplifier, la démarche derrière Jetta rappelle celle qui a présidé à la création de Baojun pour General Motors en Chine, mais avec un nom venu de l’Ouest.

Bref, trois modèles, vous disais-je : la VA3, qui n’est autre que la dernière VW Jetta à peine restylée et qui poursuit sa carrière sous sa nouvelle marque, le VS5, un SUV compact dérivant du Seat Ateca que l’on connaît en Europe (et aussi, du VW Tharu chinois), et le VS7, lointain cousin du Seat Tarraco. Quant à la promesse d’une gamme abordable ? Jugez plutôt : la Jetta VA3 débute à 65 800 CNY (9 500 €), contre 91 000 CNY (13 120 €) pour sa cousine de chez SAIC-VW, la Skoda Rapid. Et elle est bien placée face à la concurrence chinoise d’une Geely Emgrand : 69 900 CNY (10 050 €).

Même topo pour la Jetta VS5, vendue à partir de 89 800 CNY (12 950 €), très loin des 194 800 CNY (28 000 €) demandés pour un Volkswagen Tharu, basé sur la même plateforme. Quant à la concurrence, un Baojun 530 est accessible à partir de 78 800 CNY (11 350 €), encore plus agressif que la Jetta VS5. On ne va pas entre dans le détail des autres concurrentes mais le tarif de la gamme Jetta doit probablement beaucoup à la simplification des voitures par rapport aux VW équivalentes. Il est temps de faire un tour dans le Xinjiang à bord de la Jetta VS5 de notre ami Tim.

Jetta VS5 : la parole est au globe-trotteur

Jetta VS5 Tim Chine

« Commençons par faire le tour du propriétaire : elle a un petit look de « voiture de GTA », cette Jetta VS5. Un sérieux air de déjà vu sans pour autant coller à 100% à une Seat Ateca, à une Skoda Qaroq ou à une VW Tharu. Ajoutez à ça le logo « J » qui ressemble à une mauvaise imitation de l’ancien emblème Dacia et on se renforce dans l’idée qu’il s’agit d’une voiture d’un monde parallèle singeant le nôtre. Le profil semble être un copier-coller de la version Seat, tandis que l’arrière s’en écarte un peu au niveau du hayon, mais la face avant est propre à la marque Jetta à défaut d’être vraiment personnelle.  

A bord, vous remarquerez une planche de bord et des panneaux de portes simplifiés par rapport aux dérivés vendus en Europe : moins de chromes, moins de décors, moins d’airbags. Pas non plus de capteur de pluie et de luminosité. Clim manuelle et frein à main à l’ancienne de rigueur, il faut bien différencier la Jetta VS5 d’une VW de riche. A l’arrière, un port USB sera votre principale distraction, les passagers sont privés d’aérateurs, tandis que les sièges sont recouverts de simili-plastique. Notez les tapis de sol à la mode chinoise.  

La voiture est facile à conduire, la maniabilité est très bonne, mais manque un peu de reprise même en mode sport. Lorsqu’il s’agit de faire descendre les rapports pour gagner en puissance c’est un peu lent surtout sur les routes montagneuses du Xinjiang. Sous le capot, on trouve le 1.4 TSI que vous avez déjà pu retrouver à l’essai de l’Ateca en 2016 sur Le Nouvel Automobiliste. J’ai apprécié les caméras de recul dans un pays où il est facile de toucher quelqu’un en reculant.  

Pour ce qui est de la conduite dans le Xinjiang, quelques anecdotes locales: tout d’abord il faut présenter sa carte d’identité et se faire enregistrer pour pouvoir entrer dans une station-service (j’en déduis que c’est probablement pour le traçabilité du carburant ou plutôt de la population qui pourrait s’en servir comme munitions), et au niveau de la vie ici, c’est deux ou trois policiers à chaque croisement armés et en tenue de CRS en prévention dont on ne sait pas trop quoi puisque les derniers attentats remontent à 11 ans et depuis les autorités chinoises ont largement repris la main sur tout ce qui se passe ici. Ceci est encore plus accentué quand on voit qu’il y a un poste de police tous les 100 m de manière à pouvoir être chez vous en moins de 45 secondes, pratique si vous avez affaire à des voleurs (ce qui n’existe probablement pas ici puisqu’il y a des caméras partout) ! On peut observer facilement les contrôles de police quotidiens des étales du bazar (échoppe par échoppe). Et oui le Xinjiang, bien qu’étant une province autonome, n’en reste pas moins une province de Chine et il est hors de question pour Pékin de relâcher la surveillance de provinces si lointaines si culturellement différentes et surtout si proche de l’Afghanistan ou du Pakistan.

C’est d’ailleurs la province la plus étendue de Chine, elle représente environ 20% du territoire. La population locale ne comprend pas ou ne sait pas lire le chinois ici, étant donné que leur langue principale et maternelle est l’ouighour (proche du turc), sauf pour les plus jeunes pour lesquels le chinois est la langue (unique) et officielle à l’école. D’autres minorités peuplent la région comme les Kirghizes, les Kazakhes et les Tadjiks. La province est réputée pour sa nourriture (agneau, mouton) et son coton comme on a pu en entendre parler récemment… Côté topographie, on trouve aussi bien de la neige dans les montagnes (dont les pics avoisinent les 7000 m comme sa province voisine le Tibet) que des déserts à 40 degrés distants d’une dizaine d’heures de route. Oui, le Xinjiang est vaste ! Sa capitale Urumqi est proche de la Russie, et sa capitale culturelle Kashgar est proche du Pakistan. Cette dernière recèle même la plus grande mosquée de Chine, bien que fermée pour cause de politique zéro Covid. Quant à la zone tampon frontalière, elle n’est accessible que via un permis spécial. Tout est sous contrôle dans le Xinjiang, outre la barrière de la langue il est très difficile de savoir ce que pensent les locaux qui ne dorment pas tranquille.

Mais au fait, quid de la suite de l’essai de la Jetta VS5 ? Ca s’arrête là : nouveau confinement sévère. Bien qu’il n’y ait pas de cas de Covid sur place et que le premier cas soit à plus de 1500 km, les autorités ont soudainement et arbitrairement décidé de fermer le county puis la ville et enfin, les rues en moins de 24 heures, non sans avoir pris soin de couper tout axe autoroutier, ferroviaire et aérien. Plus de mouvement de population possible pendant 7 jours et ce sans notice préalable. Il n’était donc pas possible d’aller acheter de la nourriture ou à boire avant l’application de la règle (laquelle ne répond à rien puisque la politique nationale ne le demande pas ; le mode d’application est laissé à liberté des autorités locales). Il faut savoir que les chefs de communautés (représentants du parti) ont pouvoir équivalent voire supérieur à police locale et décident unilatéralement des règles de management de la population. Bref, plus de Jetta, plus de mouvement : fin de l’essai (pour le moment) ! »  

Texte et photos : @djtimotheeb / Le Nouvel Automobiliste

Jetta VS5 Tim Chine

Sources : Bestsellingcars, Car Data Analysis, Wikipedia

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