Il y a une rumeur qui circule selon laquelle Luca de Meo ne serait pas insensible à l’idée d’une R5 thermique. Y a-t-il un fond de vérité ?
Ce n’est qu’une rumeur : on vient tout juste de lancer la R5. Nous avons constaté, d’une part, qu’elle a amené du monde en concession et d’autre part qu’elle a fait s’intéresser des gens à l’électrique.
Je pense qu’il faut laisser la Renault 5 faire son travail “d’électrification” de la gamme Renault et laisser aussi la R4 arriver. La suite, on verra mais pour l’instant, il n’y aucune raison de dévier de notre trajectoire.
Le prix de vente des voitures électriques est encore dissuasif. Quel est selon vous le prix maximal que l’on ne peut pas dépasser pour espérer toucher le “grand public” ?
Les “régulations” effectuées au niveau européen font que les prix des thermiques et des électriques se rapprochent. Sur l’électrique, il y a deux leviers à actionner :
- – Le passage des entreprises au segment C. La Belgique, par exemple, est pionnière là-dessus, grâce à une régulation adaptée ;
- – Proposer une offre “consistante” sur le segment B, pour les particuliers. Ici, il est primordial d’avoir un prix de vente et un coût d’usage compétitifs. Je pense pouvoir dire que Renault 4 et Renault 5, en termes de coût d’usage, sont équivalents à d’autres véhicules hybrides Renault. On sera encore meilleurs, bientôt, avec l’arrivée de la nouvelle Twingo.
Il y a eu des portes ouvertes, début octobre. Quid du démarrage commercial de la R5 et quid, également, des gens initialement acheteurs de thermiques qui seraient prêts à passer à l’électrique, avec la R5 ou autre chose
On a remarqué qu’il y avait beaucoup de monde aux portes ouvertes et beaucoup de gens qui voulaient l’essayer. Les essais ont été concluants car les personnes ont remarqué que l’autonomie de 400 km était suffisante, que le niveau d’efficacité était très bon et que la batterie se déchargeait très lentement. De quoi les faire passer, potentiellement, à l’électrique. En revanche, je n’ai aucun chiffre…
Ce que je peux vous dire, en tout cas, c’est que les gens dans les show-rooms, pour ces portes ouvertes, n’étaient pas que des clients Renault !
A quelle échéance pensez-vous que les prix à l’achat entre thermiques et électriques vont s’équilibrer ?
On avait annoncé d’ici deux – trois ans. Ce qui est intéressant, toutefois, c’est de travailler sur le coût total. De ce côté-là, on n’est plus très loin des voitures hybrides.
Nous avions en tout cas déjà conscience et connaissance, il y a trois ans, des impératifs CO2 à venir. C’est pour cela que nous avons décidé de :
– Proposer un maximum de motorisations hybrides sur nos modèles. Les résultats sont là : un nouvel Espace, c’est 105 g de CO2 / km alors que l’ancien, c’était 165 g de CO2 / km. Le Captur, il y a trois ans, c’était 140 g. Aujourd’hui, avec l’hybridation, c’est moins de 100 ;
– Lancer des véhicules électriques sur des plateformes dédiées, pour avoir des véhicules plus légers et pleinement adaptés à l’électrique.
Globalement, Renault s’est préparé à la “bascule” de 2025. Nous avons néanmoins besoin d’une action collective entre notre offre, le régulateur et les flottes pour continuer de s’inscrire pleinement dans la trajectoire de l’UE.
Vous êtes donc sereins quant à 2025 ?
La gamme Renault est faite pour atteindre les objectifs, voire même pour les dépasser !
Il faut toutefois que l’on continue de faire le nécessaire pour que les clients puissent sereinement passer ne serait-ce que d’un Diesel à un hybride.
Hors hybride, pensez-vous mettre l’accent sur d’autres technologies, comme le GPL ?
Sur nos modèles du segment B (Clio, Captur), on a une motorisation GPL, qui est un bon complément pour Renault. En revanche, notre motorisation “phare”, hors électrique, restera l’hybride.
Renault semble effectivement bien lancé sur l’électrique, au même titre que d’autres constructeurs. Que pensez-vous de “l’écosystème de la mobilité électrique” dans sa globalité ? Du réseau de recharge, notamment ?
Il faudrait bien-sûr que ça aille encore plus vite en termes d’infrastructures. Malgré tout, beaucoup de choses ont été faites ces derniers mois. C’est rare de voir d’énormes queues aux abords des stations de recharge, par exemple.
Côté Renault, nous avons des objectifs d’installation de bornes de recharge rapide chez nos concessionnaires, tant en France que dans le Benelux. A nous, aussi, d’aider à la croissance de l’infrastructure.
Ce qui est important c’est aussi – et surtout – la pertinence de la localisation.
Parlons design : Renault 5, Renault 4, R17 “restomod”… Renault joue à fond la carte de la nostalgie. Est-ce un moyen d’inciter les acheteurs à passer à l’électrique ?
Ce n’est pas pour faire passer la “pilule” de l’électrique ! Ce qui va aider, pour cela, ce sont les caractéristiques intrinsèques du véhicule, dont l’autonomie.
Nous n’avons pas été les premiers à nous lancer sur le registre esthétique de la “nostalgie”. En revanche, cela nous a semblé intéressant de le faire sur trois véhicules (R5, R4, Twingo) car ce sont des voitures qui ont amené, à leurs époques, un autre regard sur la mobilité.
Au-delà, ces véhicules “coup de coeur” sont des véhicules qui en termes de technologies, de connectivité, etc. sont à la pointe. Ce n’est pas du “néo-rétro pour faire du néo-rétro”.
Cela ne nous empêche pas de réfléchir pleinement au futur : regardez le concept-car Emblème. Ce n’est pas une nouvelle Renault 17, par exemple. C’est quelque-chose de totalement nouveau.
Quid des valeurs résiduelles, notamment de vos véhicules électriques ?
La valeur résiduelle, c’est un tout : il faut avoir un mix des ventes extrêmement équilibré entre tous les canaux de vente, particuliers comme professionnels. Ca c’est vrai pour le thermique comme pour l’électrique. Nous devons également être totalement en phase avec les attentes de nos clients, sur chacun des segments.
S’agissant expressément des véhicules électriques, je pense que nous avons bien réussi avec la ZOE, par exemple, qui est trouvable sur le marché de l’occasion sans qu’il y en ait des tonnes. Cela veut dire que l’on a bien réussi la “balance”, même si les voitures électriques ont encore aujourd’hui une valeur résiduelle moins forte.
Deux questions sur les véhicules hybrides :
– L’Arkana est un grand succès, presque surprise en Europe. Quels enseignement en tirez-vous ?
– Le Rafale a débuté sa carrière commerciale. Commence-t-elle bien ?
Nous avions vu, en Corée, où l’Arkana a été lancé en premier,qu’il arrivait à attirer des clients à mi-chemin entre le segment des B-SUV et des berlines compactes du segment C. C’est ce que nous avons remarqué en Europe ensuite également. C’est pour cela que nous gardons Arkana même si nous avons Symbioz maintenant.
Concernant le Rafale, nous doublons l’offre, avec un hybride “simple” et un hybride rechargeable. Dans les deux cas, les niveaux de consommation sont bien meilleurs que la concurrence. Ça montre ce que l’on sait faire. Et pour répondre à votre question : oui, les premiers retours clients sont bons.
Photos : Guillaume AGEZ
Propos recueillis par Guillaume AGEZ