Dans nos essais, nous aimons les confrontations, et l’idée nous est venue de comparer l’innovation automobile de luxe de la fin du XXe siècle à celle d’aujourd’hui. L’évolution technologique et les attentes des consommateurs ont transformé l’industrie, et il est fascinant d’observer comment le concept de luxe a évolué.
Dans les années 90, luxe et innovation allaient déjà de pair, mais sous une forme très différente. Les constructeurs proposaient des berlines puissantes, mêlant ronce de noyer et cuir, dotées de technologies alors révolutionnaires. Ces « grosses berlines » du segment F, véritables porte-étendards des marques, incarnaient un luxe sophistiqué et conservateur, conçu pour impressionner par leur esthétique et leur puissance.
Aujourd’hui, le luxe automobile prend une autre direction. Bien que les matériaux de qualité restent essentiels, l’accent est désormais mis sur la technologie, avec des options qui sont souvent devenues de série. Les avancées dans l’électrique, les systèmes d’assistance à la conduite et l’infodivertissement redéfinissent le luxe, en mettant toujours en avant l’innovation et le confort.
Alors, quel modèle choisir ?
Le choix est difficile, mais notre attention s’est portée sur un constructeur qui, dès la sortie de ces modèles en 1994 et en 2023, a marqué l’univers automobile : BMW. L’objet de notre comparatif : la BMW Série 7 (E38) face à la BMW i7 (G70).
Lorsque le constructeur bavarois a lancé la Série 7 E38 avec de nombreuses innovations, l’effervescence fut immédiate. Cette Série 7 représentait alors la troisième génération de cette lignée prestigieuse, initiée en 1977 avec la E23, et qui se poursuit aujourd’hui avec la septième génération : la i7.
La Série 7 incarne le modèle phare de BMW, un véhicule vitrine qui met en avant les technologies les plus avancées de la marque. Chez chaque constructeur, il existe un modèle qui représente le sommet de sa gamme et qui sert de référence pour l’innovation et le luxe. Dans notre comparaison, la E38 et la G70 (leurs noms de codes respectifs) illustreront comment, en près de 30 ans, BMW a fait évoluer l’automobile de luxe à son plus haut niveau.
BMW i7 G70 vs Série 7 E38 : double personnalité ?
Ce comparatif est un véritable choc de générations : nous opposons une BMW Série 7 750iL V12 de 1995 à la BMW i7 xDrive60 de 2024, entièrement électrique. Eh oui, en 30 ans, l’électrification a fait son chemin, au grand désarroi des passionnés de moteurs thermiques. Avec cette dernière génération de Série 7, BMW propose encore un compromis entre les deux mondes avec la version hybride xDrive50 (que nous avons essayée ici) équipée d’un 6 cylindres. Mais ici, nous avons décidé de pousser la comparaison entre deux extrêmes.
Au-delà de la motorisation, l’effet de surprise est saisissant en voyant ces deux voitures côte à côte… La E38 semble presque appartenir au segment E de la Série 5 ! Sommes-nous montés d’un cran ? Non, c’est simplement que l’évolution automobile, en 30 ans, a sans cesse agrandi les dimensions des véhicules, pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des questions de style.
Il y a tout de même un point commun : malgré le décalage générationnel, on retrouve dans ces deux voitures le même caractère feutré et un certain plaisir de conduire. La E38 offre une puissance réactive, tandis que dans la i7, cette réactivité est démultipliée, parfois même de manière brutale.
Ce contraste entre douceur et brutalité confère à ces voitures une double personnalité. Ce ne sont pas des véhicules conçus pour la piste, loin de là, mais certains conducteurs pourraient être surpris par leur réactivité cachée.
BMW i7 G70 vs Série 7 E38 : Puissance et puissance
Oui, la puissance et le couple sont bel et bien au rendez-vous dans ces deux véhicules d’exception !
Commençons par la BMW E38, un modèle légendaire. Dans notre version d’essai, elle est équipée du célèbre V12 de 320 chevaux, un moteur ayant fait ses preuves dès la génération E32 et qui reste emblématique de l’ingénierie BMW de l’époque. La question qui se pose presque immédiatement est celle de l’espace sous le capot, tant ce moteur impose sa présence et ne laisse pratiquement aucune place autour de lui. Ce V12 affiche une cylindrée de 5,4 L et une consommation qui varie de 11 L/100 km en conduite souple jusqu’à 18 L/100 km en conduite plus dynamique.
À l’époque, son réservoir de grande capacité impressionnait, offrant une autonomie d’environ 600 km, selon le style de conduite adopté.
De l’autre côté, avec notre « Bertha » électrique, la BMW i7, c’est une toute autre surprise qui nous attend. Le moteur électrique, extrêmement réactif et presque brutal en mode sport, délivre une puissance instantanée, sans le bruit typique du V12, mais avec la symphonie numérique de Hans Zimmer. Ces nouveaux sons de moteurs surprennent et évoquent une expérience futuriste, comme si l’on se retrouvait à bord de la navette spatiale d’Interstellar…
La question de l’espace moteur est ici bien différente : sous le capot, tout semble vide, bien loin de l’impressionnante présence des douze pipes d’admission de la E38.
Sur la i7, le « réservoir » à essence a disparu, remplacé par un réseau de batteries réparties sur toute la longueur du châssis. Ces batteries, bien que technologiquement avancées, ajoutent un poids non négligeable à cette i7, qui atteint ainsi 2 800 kg, un chiffre colossal pour une berline.
Ce poids reste, évidemment, l’ennemi numéro un de l’efficience, car il exige davantage d’énergie pour être déplacé. Cependant, BMW a fait le choix assumé de privilégier une autonomie réelle de 500 km, ce qui fait de cette i7 une alternative crédible pour les longs trajets. La recharge rapide en courant continu sur voie publique type autoroute avec une puissance admissible de 195 kW permet de passer de 20 % à 80 % en moins de 35 minutes.
BMW i7 G70 vs Série 7 E38 : Confort ? Dans les nuages ?
Ces deux berlines incarnent l’essence même du confort et de l’élégance pour le voyage et notre essai le confirme amplement. Côté conducteur, la position de conduite se trouve naturellement, même dans cette dernière génération qui, bien que plus imposante, se laisse manier avec douceur et précision.
Dans l’i7, la quiétude qui s’installe dès la fermeture des portes est impressionnante. L’isolation sonore coupe immédiatement tout bruit extérieur, offrant une atmosphère sereine, presque une bulle de tranquillité où disparaissent les soucis et le tumulte environnant. Ce silence, allié à l’ergonomie des sièges et à la qualité des matériaux, crée un luxe invitant au repos.
Même si la place du conducteur est agréable, c’est à l’arrière que l’on découvre toute l’attention portée aux passagers. Dans ce type de grande berline, la question se pose : vaut-il mieux conduire ou se faire conduire ? La place de l’invité à l’arrière est très séduisante. Sur la version longue de la E38, les sièges arrière sont électriques et chauffants, une rareté en 1995.
Quant à l’i7, BMW a placé la barre encore plus haut en intégrant un écran géant orienté vers l’arrière, transformant l’espace en une véritable salle de cinéma. Avec une qualité d’image et un son exceptionnel, les passagers bénéficient d’une expérience immersive qui rend le trajet aussi plaisant que la destination.
La BMW Série 7 E38 : le pullman des années 90
Cette berline a quelque-chose de magistral, héritant du savoir-faire acquis avec la génération précédente. Elle propose des moteurs performants, des finitions soignées, et un esprit plutôt sportif. Extérieurement, ses lignes sont élégantes et affinées, tout en conservant la continuité du style du modèle antérieur. Sa silhouette élancée, sa calandre fine et ses lignes fluides soulignent un aérodynamisme amélioré, avec un coefficient de pénétration de 0,30.
L’habitacle est spacieux et luxueux, utilisant des matériaux de haute qualité pour l’époque, avec des ajustements impeccables. En 2024, cet intérieur conserve un charme indéniable. Conçu pour le confort et l’ergonomie, il offre des finitions en cuir, des boiseries en ronce de noyer, et une ergonomie centrée sur le conducteur.
La E38 proposait une gamme de moteurs caractéristiques de BMW, incluant des six-cylindres en ligne, des V8 et le puissant V12 de la 750iL (notre version d’essai). Ce V12 de seconde génération allie souplesse et puissance, avec une gestion optimisée du couple et une consommation réduite. Moteur et boîte de vitesses sont montés sur des blocs hydrauliques, empêchant la transmission des vibrations à l’habitacle, offrant ainsi un confort acoustique rare à l’époque. Cette génération n’excède pas les 2 tonnes, un poids conséquent mais pas aussi extrême que les presque 3 tonnes de notre i7 actuel.
Réputée pour sa stabilité et son équilibre, la E38 se distingue par sa qualité de conduite, notamment grâce au train arrière multibras emprunté au coupé. Sur la 750i/iL, le système DSC (Dynamic Stability Control) améliore la sécurité en surveillant en continu la trajectoire et en intervenant automatiquement pour éviter les dérapages.
Dotée des équipements les plus avancés de son temps, la E38 proposait notamment un système de navigation par satellite, une première chez BMW. Cependant, cette technologie des années 90 peut se révéler complexe à entretenir aujourd’hui. Le propriétaire actuel résume cette avancée avec humour : « c’est un véritable ordinateur roulant des années 90 ».
Aujourd’hui, la Série 7 E38 est devenue un vrai « youngtimer », avec une cote d’amour en constante augmentation. Elle bénéficie d’une électronique relativement fiable et d’une mécanique robuste. Son prix varie entre 8 000 € pour les modèles de base et peut atteindre 15 000 € pour les exemplaires bien conservés.
La BMW Série i7 G70, la Rolls de Dubaï ?
Cette BMW Série 7 incarne une avancée technique et technologique majeure, comme l’avait déjà montré notre essai en version hybride. En version 100 % électrique, l’i7 xDrive60 développe 544 ch (400 kW) pour une autonomie de 625 km (WLTP). En conditions réelles, l’autonomie affichée ne dépasse pas les 500 km, avec une consommation réaliste (nous avons relevé une moyenne de 23,2 kWh/100 km).
Le design extérieur marque une rupture avec la génération précédente. Sa calandre rétroéclairée LED BMW Iconic Glow et ses phares ornés de cristaux Swarovski (en option), ajoutent une touche lumineuse quelque peu « bling bling« .
La structure de la carrosserie renforcée améliore la stabilité, avec une suspension pneumatique sur les deux essieux et les quatre roues directrices ActiveDrive de série, idéales pour les parcours urbains. Le châssis et la suspension assurent ainsi une tenue de route impressionnante malgré le volume imposant de la voiture.
À l’intérieur, le style futuriste est accentué par les inserts rétroéclairés BMW Interaction Bar, créant des ambiances lumineuses variées. Le système iDrive 8 combine un écran incurvé de 12,3 pouces pour le conducteur et un écran central de 14,9 pouces. Cependant, l’interface reste complexe, avec de nombreux sous-menus qui peuvent dérouter le conducteur.
À l’arrière, tous les réglages sont accessibles depuis des écrans intégrés dans les portières, tandis que le spectaculaire BMW Theatre Screen, un écran tactile 8K de 31,3 pouces, transforme les sièges en véritable salle de cinéma, accompagné d’un système audio Bowers & Wilkins.
Côté technologie, l’i7 est bien dotée, avec une connectivité complète via l’application BMW, commune à d’autres modèles de la marque, pratique et sécurisante.
Le modèle d’essai, une i7 xDrive60 finition BMW Individual Dravitgrau métallisé, est proposé autour de 200 000 €, un tarif visant principalement les marchés asiatiques, du Moyen-Orient et nord-américains. BMW avait déjà innové en 1997 en lançant une L7 E38 rallongée pour ces marchés, avec une longueur de 5,37 m, soit seulement 3 cm de moins que notre i7 actuelle.
Avec ses dimensions imposantes, cette i7 dépasse largement les standards pour un stationnement facile en ville. Pour la manœuvrer ou se déplacer en milieu urbain, un chauffeur est donc recommandé. Pour ceux qui recherchent un modèle mieux adapté à l’Europe, la dernière Série 5 que nous avons testée semble davantage incarner l’esprit de la Série 7 européenne.
L’i7 se distingue par des matériaux et des finitions de haute qualité : sellerie en cuir Merino, sièges massants et ventilés à l’avant et à l’arrière, ainsi qu’un toit panoramique Sky Lounge. Cette version propose également des portes automatiques, une innovation inédite chez BMW qui renforce le caractère élitiste du modèle.
Ces éléments rappellent la qualité et l’attention aux détails habituellement associées aux Rolls Royce, également sous le giron du groupe BMW. La proximité entre BMW et Rolls Royce laisse penser que certaines inspirations de luxe contemporain se sont partagées entre les deux marques.
BMW i7 G70 vs Série 7 E38 : deux opposées mais des gènes BMW
Vous l’aurez compris, cet essai révèle deux philosophies opposées en matière de motorisation. Cette BMW i7 s’inscrit dans la grande lignée des Série 7, héritant d’un savoir-faire unique qui permet à BMW aujourd’hui de rivaliser avec la Mercedes Classe S ou l’Audi A8.
Bien que ces deux modèles soient opposés, on retrouve des caractéristiques typiquement BMW : posture de conduite, sensations et plaisir de conduite. Nous avons fait tester cette dernière génération à Romain, propriétaire d’une E38.
Malgré les 30 ans d’évolution, il ne s’est pas senti perdu face à l’ergonomie et à la technologie de l’i7. Il a même été surpris par la puissance électrique, malgré les 2 800 kg, et le confort qu’il a comparé à un « tapis volant ». Il a également été frappé par la profusion d’écrans et de commandes tactiles dans l’habitacle. Cela nous amène à nous questionner pour l’avenir : comment ces écrans et technologies tactiles vieilliront-ils dans 30 ans ?
BMW i7 G70 vs Série 7 E38 : hâte de voir la prochaine génération…
Ce comparatif nous a permis de constater l’évolution des dimensions, des motorisations et du poids en 30 ans.
Ces deux grandes berlines restent impressionnantes par l’aura qu’elles dégagent. La E38 demeure une voiture de prestige malgré son âge, avec des matériaux de qualité qui ont bien vieilli.
Quant à la dernière génération, elle est un véritable cocktail de technologies qui peut presque donner le tournis. Ce qui saute aux yeux, c’est l’intégration massive de la technologie : GPS, conduite semi-autonome, motorisation électrique, écrans… mais avec un peu moins de connexion authentique pour le conducteur comparé aux générations précédentes.
La BMW i7 G70 incarne bien l’esprit de la marque avec un niveau de détails poussé à l’extrême, même si seulement 5 à 10 % de ces options sont réellement utilisées au quotidien.
Lancée en 2023, la BMW i7 affiche déjà un an de présence sur le marché tout en restant au goût du jour. La grande question pour les passionnés de la marque est de savoir ce que BMW nous réserve pour la prochaine génération. Sera-t-elle encore plus longue ? Plus large ? Aura-t-elle un distributeur de café intégré ? Ces idées poussées à l’extrême soulignent que cette i7 incarne aujourd’hui une vitrine de l’innovation et de l’équipement.
Un grand merci à Romain, le propriétaire de la Série 7 E38, pour nous avoir prêté sa voiture le temps de notre comparatif.
Photos : Sébastien Huille