Nous l’avions déjà rencontré sur le concept Citroën 19_19, Romain Gauvin a rejoint Dacia début 2022 en tant que responsable design avancé de la marque. Le Dacia Duster était déjà dans les cartons, qu’importe, Romain Gauvin a une personnalité qui colle bien à l’univers Dacia, et en prime, il nous a offert en exclusivité deux croquis du Dacia Duster.
Le Nouvel Automobiliste : Comment, en tant que designer, appréhende-t-on le renouvellement d’un modèle au succès fou comme le Dacia Duster ?
Romain Gauvin : Je dirais déjà avec beaucoup d’humilité parce que tout le monde a une histoire avec Dacia Duster. C’est une voiture qui est adorée par une grosse base de client maintenant. Nous avons déjà la culture chez Dacia d’être très à l’écoute des clients, de leurs attentes, de comment ils vivent avec la voiture tous les jours. Donc on prend toutes ces infos, c’est vraiment un super matériau pour nous, ce n’est pas une contrainte, ça nous aide à dessiner les voitures. Et forts de tout ça, on fait le lien aussi avec la réalité du groupe, ce qui est disponible en termes de plate-forme, d’innovation, et on essaie de lier les deux un maximum pour dessiner un produit comme celui qu’on découvre aujourd’hui.
LNA : Qu’est-ce que le retour client a apporté au Dacia Duster 3e génération par rapport à la seconde ?
RG : Je pense que c’est surtout dans son utilisation. C’est ce sur quoi on a beaucoup mis l’accent : sur la robustesse, tous les petits détails. Par exemple, j’aimerais accrocher ça dans mon intérieur, moi avec ma voiture je fais telles choses ou je vais chercher des trucs à la jardinerie ou ce genre de choses. Et ça s’exprime donc sur les accessoires YouClip qu’on a dessiné ; ça s’exprime sur les ouvertures de portes, l’ouverture de coffre, sur la visibilité à l’intérieur de la voiture, à la fois se sentir protéger dans sa voiture mais aussi bien voir. Ce sont toutes ces choses-là qui nous permettent de faire des choix sur Duster.
LNA : C’est plus de la subtilité d’usage que des éléments forts finalement ?
RG : Ce n’est peut-être pas valable sur toutes les voitures que l’on dessine, il y en a certaines qui sont nouvelles. Sur Duster c’est une saga, donc on part d’un matériau existant et on l’adapte, on l’améliore, on ne remet pas tout en cause.
LNA : Ce qui marque quand on voit le Duster c’est qu’on a l’impression qu’il a un peu évolué en gamme, un peu plus dessiné, un peu plus cossu dans les détails. C’est une volonté de le rendre plus qualitatif, une volonté industrielle ou une volonté de designer ?
RG : Je pense que c’est une volonté globale de construire. Comme c’est une nouvelle génération, évidemment on essaiera automatiquement de le rendre plus qualitatif ; en même temps on le fait à la Dacia donc on va jamais se lancer dans quelque chose qui n’est pas adapté en terme d’offre client, de prix, de choses comme ça.
On va toujours faire les bons choix, mais disons que, sur tout un tas de détails, on arrive à avoir le bon réglage. Je parlais des projecteurs par exemple en disant qu’en fonction des volumes qu’on a on peut se permettre d’investir plus à cet endroit-là. Et donc d’avoir quelque chose qui est plus qualitatif sur la myriade de choses qu’on dessine sur un nouveau produit comme Duster. On fait constamment ces choix là en essayant de trouver la bonne assiette, le bon réglage que cherchent les clients, comment peut-on faire mieux. Mais pour autant on le fait en se limitant, on n’ira jamais proposer un Duster qui sort de son prix, de sa base client.
LNA : Sur cette volonté de continuité, elle est très lisible à l’avant, un peu moins sur le profil parce que vous l’avez voulu un peu plus plein au niveau du capot, plus droit au niveau de la face avant. Cependant l’arrière évolue vraiment, on n’a plus l’impression de voir une Dacia, est-ce que ce n’est pas un petit risque ?
RG : Je pense que sur l’évolution de l’arrière elle est surtout en lien avec le reste du design. Duster est harmonieux à l’avant, et à l’arrière je pense que c’est une évolution. On ne cherche pas à singer le design des Duster précédents. Il est clair que c’est une nouvelle génération, donc par touches, à certains endroits, il y a des nouveautés. L’intérieur aussi évolue énormément par rapport à la génération précédente, mais pour autant je ne pense pas qu’on se dévoie, on ne s’éloigne pas des valeurs de Dacia. Ça fait partie du jeu de renouveler une voiture et de l’inscrire dans son temps, dans son époque.
LNA : Si on continue un tout petit peu sur l’arrière, il perd son côté un petit peu break, vertical, pour un profil avec un peu plus de volume. Est-ce uniquement de l’aérodynamisme, de l’efficience ou c’est également une volonté de lui donner un peu plus de caractère, de style ?
RG : Il y a une volonté évidemment de donner à Duster du caractère et du style. Après, selon les goûts, chacun y verra quelque chose de différent. Il y a aussi effectivement comme je le présentais, un certain nombre de choix qui ont été fait pour améliorer l’efficience de la voiture. Ça passe par des petites adaptations, notamment sur la partie arrière où on a baissé légèrement le spoiler. En fait chacun y gagne, c’est-à-dire que la voiture est plus efficiente en termes de consommation, c’est assez vertueux. Et puis en bout de chaîne c’est aussi quelque chose de vertueux en CO2, donc les choix qu’on fait ici nous permettent dans un budget global de CO2 de faire d’autres choix à d’autres endroits. C’était une volonté dès le départ de partir sur cette typologie de volume et ça nous a aidé à construire tout le reste.
LNA : Parlons un peu du plastique recyclé StarkleⓇ que l’on a déjà vu sur Dacia Manifesto de façon très graphique et même assumé sur le concept. Sur Duster, il est plus discret, est-ce une volonté de ne pas trop choquer ou bien un processus industriel qui donne ce résultat ?
RG : C’est plus le résultat du processus industriel. On a passé beaucoup de temps à régler ce matériau, à faire en sorte d’avoir les bonnes propriétés mécaniques dessus, d’avoir le pourcentage le plus optimisé de matériaux recyclés à l’intérieur. Donc effectivement quand on l’a annoncé sur Manifesto on était plus sur l’intention. Et puis on se dit aussi que la voiture est vue de plus loin, donc on a besoin de communiquer dessus, on a besoin que les gens le voit. Sur la version de production c’est celle sur laquelle on est capable de dire ça fonctionne très bien, ça résiste au soleil, ça ne se raye pas, c’est le résultat en production aujourd’hui.
LNA : Il y a quand même une teinte de la masse ?
RG : Tout à fait, c’est dans la masse, si vous coupez à travers vous retrouverez les mêmes matériaux de part en part.
LNA : Pourquoi ce matériau ne se retrouve-t-il pas à l’intérieur ? On voit qu’il y a des éléments personnalisables en termes de colorimètre, sur le tableau de bord, la planche de bord, les contre-portes, etc… est-ce une volonté de ne pas l’y avoir placé ?
RG : On va dire ce que tous les matériaux ne sont pas les mêmes à l’intérieur et à l’extérieur. StarkleⓇ en particulier qu’on a développé, est adapté à l’utilisation de protections extérieures, donc sur les passages de roues, sur les portes. On ferait des choix différents pour un plastique à l’intérieur et aujourd’hui on a fait le choix de ne pas avoir ce type de matériaux à l’intérieur.
LNA : StarkleⓇ se travaille comme un plastique ?
RG : C’est un polypropylène. Il y a un certain nombre de contraintes sur le fait qu’on utilise de la matière recyclée. Par exemple les couleurs ne vont pas être les mêmes en fonction du matériau que l’on utilise, des sourcings, etc… C’est donc un équilibre à trouver qui fonctionnait bien sur les pièces extérieures. Pour les harmonies intérieures, encore une fois, on a fait d’autres choix.
LNA : En ce qui concerne l’intérieur justement, vous proposez le YouClip qui arrive pour la première fois en série après Manifesto, Comment est venue cette idée sur le Dacia Duster ?
RG : L’histoire de YouClip c’est, je trouve, une idée de génie qui est arrivée. On se pose des questions différemment quand on dessine des Dacia, notamment sur la montée en gamme, sur les équipements qu’on met dans nos intérieurs. On est obligé de faire des choix. L’avantage avec YouClip c’est de se dire qu’on va juste avoir une attache, après libre aux clients de composer leur intérieur avec les choses qui le valorisent ou les choses dont ils ont vraiment besoin.
Donc cette idée finalement ultra simple, d’avoir juste une attache et puis de développer des accessoires, est partie en se disant qu’on pourrait dessiner notre planche ou notre console totalement purifiée, en n’essayant pas d’intégrer X fonctions à l’intérieur et après ajouter des accessoires.
Et puis de manière assez organique c’est une histoire qui s’est construite, car ce n’est pas quelque chose que l’on avait l’habitude de faire avant. On a donc essayé de regarder, si on fait ça, quelle était la réglementation derrière ? Est-ce qu’on a le droit de faire ça ou est-ce que c’est uniquement des gens qui vendent des accessoires ?
Après nous être un peu documenté on s’est rendu compte qu’on avait le droit de le faire. Mais il y avait telle ou telle contreparties qui devaient être prises en compte en termes de crashs, est-ce qu’on pouvait y arriver ? La réponse était oui… Voilà, ça se construit de manière organique.
On arrive à ce qu’on a aujourd’hui avec 8 accessoires qui sont lancés au début sur YouClip, et jusqu’à huit points d’accroche dans la voiture. C’est le début d’une histoire en fait, en se disant que c’est quelque chose sur lequel, sur d’autres modèles, on pourra avoir une continuité de cette histoire de YouClip. Et peut-être que d’autres accessoires vont arriver. On va aussi le confronter aux clients avec leurs retours en se disant « ah oui c’est intéressant ».
Sur la génération d’après on pourra dessiner ça autrement. On n’avait peut-être pas pensé à accrocher telle chose ou à telle fonctionnalité. Et on proposera aussi à la communauté Dacia d’y réfléchir parce qu’on a la chance d’avoir chez Dacia, une forte communauté autour de la marque avec beaucoup d’échanges entre nous et les clients. Donc voilà, c’est le début d’une histoire qui commence avec un truc tout simple, juste une accroche et puis pleins de possibilités derrière.
LNA : Est-ce que l’idée derrière ce n’est pas de rendre YouClip Open Source, par exemple pour des gens qui veulent imprimer en 3D leur accessoire ?
RG : Non, là c’est plus une politique globale de groupe. Après je pense que la communauté, on l’espère en tout cas, va fatalement s’approprier YouClip. Aujourd’hui ça n’est pas Open Source c’est un système propriétaire mais on ne sait pas comment ça va évoluer.
LNA : YouClip peut être mis en parallèle avec d’autres solutions d’accroche, par exemple dans le monde du vélo. N’y a-t-il pas un intérêt que le système YouClip se retrouve dans d’autres activités de loisir, Dacia incarnant plus facilement que d’autres cette notion de loisir ?
RG : Exactement, l’idée derrière YouClip, c’est de le développer, c’est un nouvel écosystème.
Donc évidemment, on trouvera des partenaires dans d’autres gammes de produits ou des endroits où nous on n’est pas pour étendre cette innovation. C’est à construire dans la suite du projet, mais on sera totalement ouvert à faire ce genre de chose.
LNA : là on parle de petits accessoires, or aujourd’hui pratiquement tout le monde doit faire ses courses avec sa voiture, et se dit souvent que son coffre n’est pas toujours pratique. Est-ce que dans le coffre justement il n’y aurait pas la possibilité de rendre les choses un peu plus modulables avec un YouClip en format XXL, je pense à des cagettes de bouteilles, des cagettes pour faire ses courses ?
RG : C’est exactement ce dont je parlais, on va le confronter aux expériences de chacun, à la vie de tous les jours. C’est exactement le genre d’idée qui nous séduit, pour nous en tant que marque et designer. C’est une super discussion à avoir, c’est un super matériau pour se dire ah oui effectivement on n’y avait pas pensé et l’année prochaine on va essayer de le faire, c’est tout à fait l’objectif.
LNA : Dernière question, de quoi êtes-vous le plus fier sur ce Dacia Duster ?
RG : C’est une très bonne question, et je dirais que la chose dont je suis le plus fier c’est l’égalité de traitement de la voiture. Il n’y a aucune zone qui ait été oubliée et tout est harmonieux : design extérieur, design intérieur. Je trouve que c’est très à l’image des gens qui ont fait cette voiture, il y a une énorme cohésion entre les équipes qu’on soit design, communication, produit, marketing, etc.
On est un peu un village gaulois chez Dacia, et je trouve que ça se sent dans les produits à la fin où tout est logique. On sent que les voitures ne se font pas dans le conflit, elles se font en bonne entente avec toutes les fonctions et finalement je trouve que c’est ce qui fait les meilleurs produits.
LNA : Merci Romain Gauvin pour cet échange.
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