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Stellantis en Chine : Leapmotor à la rescousse ou loup dans la bergerie européenne ? (1/2)

Ca bouge fortement en ce moment pour Stellantis en Chine : en l’espace de quelques jours, les ex implantations de PSA ont changé de destin tandis que Stellantis a choisi d’entrer au capital de Leapmotor. Que s’est-il passé et qu’est-ce que ça va concrètement changer pour Stellantis en Chine comme en Europe ? On fait le point (partie 2 ici).

Stellantis en Chine : flashback

L’Histoire de Stellantis en Chine remonte à… Renault ! Vous avez bien lu, la marque pionnière du portefeuille du groupe franco-italo-américain n’est autre que Jeep et nous étions en 1983, alors qu’American Motors était la propriété de Renault. AMC a établi la toute première JV automobile en Chine, Beijing-Jeep, pour assembler le nouveau Cherokee XJ, dont la commercialisation a débuté dans l’Empire du Milieu dès 1985 pour se poursuivre sans grand changement jusqu’en 2005… et même jusqu’en 2014 après de profonds restylages. Mais voilà, à l’été 1987, Renault cède ses activités américaines à Chrysler… Puis en 1998, la « merger of equals » donne lieu à Daimler-Chrysler, une alliance douloureuse entre l’allemand et l’américain. Beijing-Jeep devient alors Beijing-Benz Daimler Chrysler Automotive. Lors de la séparation de Daimler-Chrysler, la JV est renommée Beijing-Benz. Exit Jeep, et, retournement de l’Histoire : la présence de Mercedes en Chine est étroitement liée à celle de Renault aux USA !

Seconde marque du groupe Stellanis à avoir atterri en Chine, Citroën écoule 2 500 CX aux officiels chinois en 1984… Mais ne produit rien sur place. C’est un one-off, en attendant 1992. Mais on y viendra plus tard.

Peugeot débarque en 1985 avec la JV Guangzhou Peugeot Automobile Company (GPAC et pas 2Pac), située à Canton (Guangzhou). Alors que Jeep produit un modèle dernier cri sur place, Peugeot aborde la Chine « à l’africaine » en y fabriquant des 504 et des 505 en CKD. Avec un pic de production de 20 800 voitures en 1993, la JV est loin de la cible des 150 000 voitures nécessaires à produire d’ici à 1997 pour ne pas être dissoute. Et dissoute elle sera en 1997. Honda récupère les restes avec le succès que l’on sait ! Peugeot ne retournera en Chine qu’en 2004 à travers une autre JV… dont on va parler ci-dessous.

Entre temps, en 1992, PSA se lance dans une nouvelle et prometteuse aventure avec Dongfeng (initialement baptisée Second Automobile Works, First Automobile Works étant associé à VW). Cette fois-ci, c’est la Citroën ZX qui est l’élue et est baptisée Fukang (prospérité). La production devient entièrement locale à partir de 1995 au sein de Dongfeng Citroën Automobile Company (DCAC). La JV est loin de tenir ses prévisions de ventes (7 200 voitures en 1996 vs 37 000 espérées, ou 52 000 en 2000 vs 150 000 prévues), mais le succès est tout de même honorable. D’autant que VW ne se prive pas d’imposer une curieuse réglementation aux autorités : les taxis doivent être des tricorps. La ZX qui se vendait alors beaucoup aux taxis devient invendable. Citroën réagit avec la Fukang 988, dérivé tricorps de la ZX. VW a largement pris le lead sur le marché chinois, mais Citroën reste une marque importante. Pour peu de temps : GM impose Buick avec succès, les japonais s’engouffrent dans la brèche avec d’importants volumes de vente puis, au milieu des années 2000, Hyundai devient un acteur majeur.

Dépassée la JV entre Citroën et Dongfeng ? Non, elle prend un nouveau départ au début des années 2000, en devant DPCA : Dongfeng Peugeot Citroën Automobiles. Nouveaux produits, versions spécifiques au marché local, comme la 307 tricorps, la JV devient enfin bénéficiaire en 2006. De nouvelles usines sont construites en 2009 et 2013, toujours dans la région de Wuhan. Mais PSA n’a de cesse d’accumuler les erreurs stratégiques en Chine (notamment). On peut citer une gamme vieillissante avec une Fukang qui n’en finit pas de vivre à travers quelques restylages. Pas un drame en soi, la VW Jetta ou même la Santana étant elles aussi des vieilleries, mais VW s’appuie également sur place sur une gamme enrichie de nouveautés. Quant aux nouveautés de DPCA, ça commence mal : PSA décide de lancer son monospace compact à succès, le Xsara Picasso. Monospace à succès… en Europe. Mais la Chine, pays de l’enfant unique, a-t-elle réclamé un monospace modulable à sièges indépendants ? Il y a 20 ans, les chinois consommaient massivement des berlines. Pas des monospaces. Ajoutez à ça une teinte de lancement en vert, à l’époque associée aux… cocus, et on comprend que PSA n’avait pas compris grand-chose ! Il est parfois bon de s’intéresser à un marché avant de l’aborder.

Un autre exemple frappant est la C5 II : alors que la génération précédente est importée au compte-goutte, la deuxième est enfin produite localement pour contourner les taxes d’importation. La cible est alors toute désignée : la Honda Accord, reine du segment en Chine. Empattement long, moteur 4 cylindres 2,5 l, l’Accord chinoise n’est pas l’Accord européenne. Citroën le sait… mais n’en fait rien. L’empattement de la C5 n’est pas allongé… mais les assises sont raccourcies pour faire croire à espace aux jambes plus grand qu’il ne l’est. Faute de moteur 2,5 l, PSA n’a qu’un 2,2 l à proposer… mais il est badgé 2,3 l pour tenter de se faire passer pour un plus grand moteur ! Vous l’avez deviné, la C5 chinoise ne sera pas un succès. Et les exemples ne manquent malheureusement pas.

Mais PSA croit toujours à sa bonne étoile en Chine et fonde une JV supplémentaire avec Changan, basée à Shenzen. C’est CAPSA (Changan PSA Automobiles), fondée en novembre 2011. Au départ, l’idée est de commercialiser des utilitaires de PSA, en adaptant des Jumpy et Expert… mais Dongfeng refuse de voir un rival commercialiser des Citroën et des Peugeot sur place. PSA change son fusil d’épaule et envisage de commercialiser les Citroën de la ligne DS en Chine. Vous connaissez la suite : la naissance de la marque DS a été précipitée par le refus de Dongfeng de laisser CAPSA vendre des Citroën ! Qu’à cela ne tienne et malgré une face avant arborant des chevrons au lancement, la DS 5 arrive en Chine en 2014.

Rappelons que la Chine était alors friande de berlines et de SUV, d’empattements longs, de toits ouvrants, d’intérieurs clairs et de dossiers de banquettes plus inclinés qu’en Europe. Inutile de préciser que le pseudo-monospace DS 5, avec son empattement court, son intérieur sombre, son toit fixe et son petit 1,6 turbo n’a pas fait de miracles. Pas plus que les autres modèles locaux, comme la DS 4, la DS 5LS et le SUV DS 6WR dont on se demande pourquoi il n’a pas été exporté en Europe pour tenter de sauver les volumes de production de l’usine de Shenzen. Dernière tentative avec la berline DS 9, mais la JV battait tellement de l’aile qu’elle a été dissoute avant le lancement de la voiture. Un flop retentissant : la DS 9 n’a jamais dépassé les 302 ventes mensuelles en Chine. Pire, depuis le début de l’année 2023, la voiture a connu un pic des ventes de… 58 exemplaires en avril ! Stellantis n’avait pas de succès en Chine avec les marques de l’ex-PSA. Quid de l’ex-FCA ?

Commençons par Fiat. En faisant l’impasse sur les 10 000 Polski-Fiat 126p achetées par les autorités locales pour en faire des taxis dans les années 80 (oui, une Maluch en taxi, ça étonne !), le géant italien n’est arivé en Chine qu’en 1999 avec la création de la JV Nanjing-Fiat. Début de la production en novembre 2001 avec les Fiat Palio, suivies l’année suivante par la Sienna. Le Doblo vient compléter l’offre (et expliquerait sa présence quelques années plus tard en CKD en Corée du Nord !). Fin 2006, Nanjing cesse de produire des Fiat, les outillages sont revendus à Zotye, qui en profitera également pour récupérer ceux du Multipla peu de temps après, tandis que Nanjing remplace Fiat par Roewe, réincarnation chinoise de feu Rover.

Mais l’aventure de Fiat ne s’arrête pas ici : en 2010, une nouvelle JV est crée entre Fiat-Chrysler et GAC. Le nom ? GAC-FCA. La production démarre en 2012 avec la Fiat Viaggio, dérivée de la Dodge Dart. Berline compacte tricorps, elle donne naissance à un dérivé bicorps, l’Ottimo. Les ventes ne sont pas étincelantes mais rapidement, les modèles Jeep viennent à la rescousse à partir de 2015 avec les Cherokee, Compass, Gand Commander et Renegade. Mais les ventes de Jeep, initialement prometteuses s’effondrent en moins de 3 ans. Stellantis, après avoir initialement cherché en vain à prendre contrôle de la JV, décide de s’en retirer. L’entité se déclare rapidement en faillite.

Finie CAPSA, Finie GAC-FCA, il reste DPCA, non ? En effet, il reste DPCA mais Stellantis retire progressivement ses billes (on l’évoquait déjà ici en 2019 !) : le groupe aux 14 marques a en effet annoncé la semaine passée sa décision de céder pour 220 millions d’euros à Dongfeng les 3 usines qui étaient jusqu’ici codétenues. Au-delà de ça, c’est désormais Dongfeng qui va gérer les ventes des marques Peugeot et Citroën en Chine pour Stellantis. Après un pic des ventes à 736 000 unités en 2015, DPCA s’est effondré à 262 000 véhicules en 2018 et n’a cessé de voir ses volumes reculer sur place. Stellantis se retire-t-il de Chine ? Pas si vite : quelques jours après cette annonce, voici que Carlos Tavares fait une annonce fracassante. Aurait-il ouvert la boîte de Pandore ?

La suite dans la seconde partie de l’article, dédiée à l’actualité entre Stellantis et Leapmotor !

Partie 2 : le futur de Stellantis en Chine… et en Europe.

Photos : Le Nouvel Automobiliste / Stellantis

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