Une petite histoire de la rivale de la Renault 5
Le salon de l’auto parisien de 1972 est une date importante pour la marque Peugeot. C’est en effet ce jour-là que la marque au Lion lève le voile sur sa nouvelle 104. Petite citadine, cette dernière se targue d’être la voiture à quatre portes la plus courte du marché. Voici son histoire complétée par des extraits d’articles de presse publiés pendant sa carrière.
C’est en 1966 que Peugeot lance le projet M16, une petite citadine qui doit également avoir les qualités d’une routière. Conformément au partenariat qui unit alors Peugeot et Renault, il est décidé que cette future voiture ne devra pas gêner la diffusion de la citadine en cours de gestation chez Renault, la future R5 (lire aussi l’article présentant l’histoire de la Renault 5 en cliquant ICI) qui, elle aussi, ne devra pas faire de l’ombre à la future Peugeot !
Renault optera ainsi pour le développement d’une citadine à deux portes et hayon alors que Peugeot choisira la solution classique d’une quatre portes sans hayon.
Paris, septembre 1972 : voici la Peugeot 104
Au mois de septembre 1972, quelques mois seulement après la présentation de la R5, la nouvelle Peugeot voit le jour. Elle se prénomme 104 !
Dessinée par Pininfarina, elle présente des lignes très droites qui lui permettent de dégager un bel espace intérieur dans une longueur réduite de 3,58 m.
Sous son capot prend place un tout nouveau moteur conçu tout spécialement pour elle. Dénommé X, il développe la puissance de 46 chevaux. Il est implanté en position transversale et présente une inclinaison de 72° vers l’arrière ce qui permet de loger la roue de secours au-dessus de ce dernier.
Les dessinateurs de Sochaux se sont montrés très adroits en parvenant à loger quatre portes dans une carrosserie aussi courte.
André Costa, l’Auto-Journal – n°19 du 1er novembre 1972.
L’Auto-Journal présente l’essai complet de cette nouveauté dans son numéro du 1er novembre 1972. L’article est signé André Costa.
Ce dernier nous parle tout d’abord du dessin de la 104 : « Elle aurait pu être aussi laide qu’une R6 mais, heureusement, il n’en est rien […] les dessinateurs de Sochaux se sont montrés très adroits en parvenant à loger quatre portes dans une carrosserie aussi courte. […] Le volume intérieur est aussi suffisant à l’avant qu’à l’arrière, ce qui n’empêchera pas de regretter l’absence d’un hayon arrière, sans doute coûteux à la réalisation, mais tellement pratique avec une poupe de ce style. »
Le journaliste s’attarde ensuite sur la partie mécanique : « Techniquement parlant, la 104 n’est pas fade. […] Le moteur à proprement parler est bien équilibré et plutôt silencieux ; il n’en est malheureusement pas de même de la transmission qui sifflote allègrement entre ses dents […] La suspension parait avoir été étudiée avec beaucoup de soin et elle offre dans tous les cas un confort très supérieur à la moyenne : ce n’est pas la GS (lire aussi l’histoire de la Citroën GS en cliquant ICI) mais nous n’en sommes pas très éloignés quand même. […] L’adhérence est très bonne et la tenue de route permet une conduite rapide et décontractée, extrêmement peu fatigante. La vitesse maxi de la 104 n’est peut-être pas extraordinaire, mais on peut s’y maintenir très souvent et les moyennes réalisées sont flatteuses. ».
Visiblement séduit, il conclut son article en écrivant que « par son comportement général et compte tenu de sa qualité de conception, la petite Peugeot s’apparente à des voitures dotées d’un standing plus élevé : elle évolue aisément en ville mais elle enroule également les kilomètres avec la désinvolture d’une véritable routière. ».
La 104 est de ces êtres qui gagnent à être connus.
Marianne Antoine et Florence Rémy, l’Auto-Journal – n°19, 1er novembre 1972
Dans ce même numéro, les chroniqueuses Marianne Antoine et Florence Rémy donnent elles aussi, leur avis sur la nouvelle Peugeot : « Vue du trottoir, si j’ose dire, d’en face, elle fait bonne impression : comme une candidate au « Bal de déb’ », elle a bon ton, coupe élégante et sage, chromes discrets, catogan moral : aucune vulgarité. … On prend place, sachant qu’on n’est sans doute pas là pour se tordre de rire, mais pour converser agréablement. Pas là pour rire… oui, mais à ce point on n’aurait pas cru ! Bonjour tristesse. […] Quel dommage ! Car cette demoiselle mal fagotée révèle, dès que le contact est créé, du tempérament, de la répartie, et c’est un réel plaisir de la conduire, sur les petits et les grands chemins. […] On épousera sûrement cette jeune fille de bonne famille. Malgré son uniforme et ses dessous de skaï noir. Il y a des personnes, comme ça, d’aspect un peu ingrat de prime abord, qui révèlent des natures propres à vous attacher pour longtemps. La 104 est de ces êtres qui gagnent à être connus. ».
1973, le coupé Peugeot 104 est présenté
En septembre 1973, la gamme 104 évolue avec la commercialisation d’une version coupé. Cette dernière bénéficie d’un hayon et d’une calandre différente grâce à l’adoption d’optiques rectangulaires plus larges. Si la mécanique du coupé est identique à celle de la berline, son empattement passe de 2,74 m à 2,23 m, ce qui réduit très sensiblement l’habitabilité aux places arrière.
La conduite est un véritable plaisir.
L’Auto-Journal Spécial Salon – septembre 1975
Deux ans plus tard, le coupé accueille en version haute une finition dénommée ZS qui bénéficie d’un moteur plus puissant. Ce dernier fait l’objet d’un essai pour le compte de l’Auto-Journal spécial Salon publié en septembre 1975 : « La 104 ZS, c’est avant tout un moteur, serions-nous tentés de dire. La conduite est un véritable plaisir, on s’amuse beaucoup au volant à jouer avec le levier de vitesse, à écraser l’accélérateur. … Ce coupé peut séduire de jeunes couples sans enfant ou, comme seconde voiture, des personnes d’âge plus mur qui regrettent leurs voitures de sport. ».
1976, la Peugeot 104 adopte un hayon. Renault 5 prend garde à toi !
A l’été 1976, la berline évolue en profondeur avec l’arrivée tant attendue d’un hayon. Ce dernier remplace avantageusement le petit volet de coffre des origines. A cette occasion, la banquette devient rabattable sur tous les modèles. Les finitions supérieures adoptent les optiques rectangulaires du coupé.
En 1978, la berline reprend les éléments issus du coupé ZS : c’est la 104 S ! Avec ses 66 chevaux, la 104 devient plus sportive et dispose de performances brillantes. D’après Bernard Carat (l’Auto-Journal n°19 du 1er novembre 1978), « la berline 104 a bien changé de vitesse et, dès les premiers kilomètres à son volant, le conducteur le moins averti s’aperçoit de la différence. Les montées en régime sont rapides, les accélérations franches et la quatrième tient ses promesses même après un fort ralentissement. Sur autoroute, la vitesse de pointe est facile à atteindre et à conserver. ».
Vous voulez du sport ? Voici la ZS2 !
En janvier 1979, Peugeot présente la sportive de la gamme : le coupé ZS2. Vendue à 1000 exemplaires seulement, la ZS2 hérite d’un moteur de 93 chevaux et d’une silhouette plus sportive. Elle fera le bonheur des sportifs qui pourront l’engager dans quelques courses automobiles.
D’après André Costa (Auto-Journal n°8 du 1er mai 1979), la ZS2 est peut-être « la meilleure voiture de sport française ». Il faut dire que « pour parler chiffres et en prenant comme base la Golf GTI dont on connait les possibilités – au moins la réputation -, le coupé 104 ZS a été plus que convaincant. Alors qu’une GTI tourne sur le routier mouillé en 4mn 52s, les mêmes 9 km ont été digérés par la petite Peugeot en 4 mn 50 s. […] En dépit de son prix relativement élevé – 38000 F, c’est-à-dire 2500 F de moins qu’une GTI – cette voiture est promise peut-être à un certain avenir. ».
Pour le millésime 1980, la gamme 104 évolue une nouvelle fois avec de nouvelles dénominations et des évolutions mécaniques. La 104 S adopte un moteur plus puissant et des jantes larges. A l’extérieur, elle arbore une décoration spécifique sur les flancs et la custode.
« La berline 104 S est plus agréable à conduire que le modèle précédent grâce à sa nervosité et surtout grâce à sa souplesse à bas régime. Elle a aussi beaucoup progressé en matière de tenue de route et de précision de conduite ce qui est à porter au crédit des gros pneus sur des jantes larges. »
L’Auto-Journal – Salon 1980 – n°14/15 septembre 1980
La 104 S nouvelle version est essayée par Robert Séjourné pour le magazine L’Automobile (n°404 – février 1980). Voici ce qu’il écrit : « La 104 S n’est pas, en soi, une nouvelle voiture. La première version fit son apparition en 1978, avec le moteur 1124 cm3, le même, avec 2 ch de plus, que celui de la Renault 14 TS. Du coup, la puissance passe à 72 ch à 6000 tr/min. […] Le train avant a été adapté en conséquence. […] Pour le décor, nous avons droit à une série de bandes peintes sur la carrosserie, dynamisant ainsi la voiture, tandis qu’à l’intérieur, les sièges, au demeurant très confortables, avec des dossiers suffisamment hauts et pourvus d’appui-tête, sont agrémentés de deux bandes de couleur. […] La vraie personnalité de la 104 S nouvelle version ressort dans son comportement routier. Le travail effectué sur le train avant et les pneus larges l’améliorent nettement sur ce point. Le caractère sousvireur est moins marqué. En virage, la voiture s’accroche mieux sur la roue extérieure, ce qui provoque un léger délestage de l’arrière et apporte une mobilité nouvelle. ».
Jean-Pierre Malcher publie dans L’Action Automobile et Touristique (n°230, janvier 1980) un rapide essai de la gamme 104 : « La 104 offre toujours un très bon rapport encombrement / habitabilité, son hayon et sa banquette rabattable sont très pratiques et son comportement routier est, d’une manière générale, très sain. […] Le coupé ZS demeure par ailleurs une petite voiture élégante, maniable en dépit d’une direction trop lourde et remarquablement sûre, que la route soit sèche, mouillée ou même enneigée. ».
Pour le millésime 1982, toutes les 104 adoptent une nouvelle calandre grise à 11 barrettes accompagnée d’optiques rectangulaires. La S perd ses marquages latéraux.
En 1983, la toute nouvelle Peugeot 205 fait son apparition (lire aussi l’article consacré à la 205 en cliquant ICI). Dessinée par le bureau de style Peugeot sous la houlette de Gérard Welter, la 205 s’éloigne fortement de la 104 par son design et ses liaisons au sol. On retrouve néanmoins sous son capot le célèbre moteur X de la 104.
Résister coûte que coûte…
Malgré l’arrivée de la 205, la 104 poursuit vaillamment sa carrière et continue d’évoluer. C’est ainsi qu’en juillet 1984, les berlines et coupés bénéficient d’une toute nouvelle planche de bord. En 1986, leur dessin change une dernière fois avec l’adoption d’une calandre à trois barrettes semblable à celle de la 205.
En 1988, le rideau tombe et la Peugeot 104 quitte la scène automobile, 16 ans après son lancement.
Jalon essentiel dans l’histoire de la marque et du groupe PSA (aujourd’hui Stellantis), la 104 a donné naissance à de nombreux autres véhicules. Son soubassement a été repris sur les Citroën Visa, la LN et la LNA ainsi que sur la Talbot Samba.
Son moteur a été utilisé sur les premières générations de Citroën BX (lire aussi l’article consacré à la BX en cliquant ICI) et de Peugeot 205 ainsi que, avec son train avant complet, sur la Renault 14.
Malgré la concurrence féroce de la Renault 5 et une carrière localisée principalement sur la France et les pays frontaliers, elle a été produite, toutes versions confondues, à 1 624 992 exemplaires.
Pour aller plus loin
La Peugeot 104 sur mes étagères
Norev a décliné au 1/18ème la Peugeot 104 dans différentes finitions et couleurs. De beaux modèles qui séduiront les fans de Youngtimers, de Peugeot et de 104 !
La Peugeot 104 dans ma bibliothèque
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette petite lionne, je vous conseille de vous procurer le seul ouvrage existant sur le sujet. Intitulé La Peugeot 104 de mon père, il est écrit par Aurélien Charles et publié aux éditions Sophia Editions / ETAI.
C’est un ouvrage de référence qui présente, avec de nombreux détails, l’ensemble de la carrière de la 104.
Ses cousines ont également fait l’objet d’ouvrages dédiés dans la collection De mon père. Des livres passionnants à plus d’un titre !
Enfin, le numéro 387 (1er avril 2022) du magazine Rétroviseur présente un dossier complet sur la 104. Ce dernier est encore disponible sur le site de l’éditeur.
📸Peugeot | Stellantis, archives de l’auteur