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Conflit Russie/Ukraine : les conséquences sur l’industrie automobile

Cela ne vous aura pas échappé, il y a « un peu d’agitation » sur le sol ukrainien en ce moment. L’objet de l’article n’est pas de remonter aux origines des relations entre les actuelles Russie et Ukraine, pas plus qu’on ne fera l’historique des évolutions territoriales, politiques et démographiques depuis plusieurs décennies, pas plus que nous ne nous étalerons sur le conflit et ses ramifications sur les idéologies de l’Est et de l’Ouest. Nous nous contenterons de faire le point sur ses implications sur le secteur automobile.

L’Ukraine comme la Russie disposent d’un large éventail de constructeurs et d’équipementiers, ainsi que d’activités commerciales. Par ailleurs, les matières premières, nerf de la guerre en temps de paix, deviennent d’autant plus cruciales en temps de guerre. Voici un petit récapitulatif après une semaine de guerre et de sanctions.

Photographie des industries russe et ukrainienne

Commençons par un état des lieux de l’industrie russe, plus connue en France grâce à la célèbre marque Lada. Filiale à 100 % du Groupe Renault depuis 2016 (le français avait acquis 25 % du groupe russe dès 2008), Lada n’est pas le seul constructeur historique en Russie (on se souvient des Moskvitch, ZIL…) mais il est le seul de l’ère soviétique a avoir traversé la crise et à poursuivre sa route. Outre Renault, Lada et Nissan, présents notamment à Saint-Pétersbourg (Avtoframos), Togliatti ou Izhevsk, de nombreux constructeurs étrangers sont arrivés en Russie après la chute de l’URSS et notamment à partir de la fin des années 90.

Si certains en sont repartis comme GM ou Ford (qui n’y produit plus que des VU), le Groupe VW, Mitsubishi, Toyota, Mazda, Great Wall Motors ou Chery font partie des fabricants locaux, ainsi que divers constructeurs de poids lourds comme AB Volvo. C’est également dans le secteur des utilitaires qu’on trouve l’autre acteur russe : GAZ, qui fabrique notamment son célèbre utilitaire GAZelle.

Le secteur automobile russe emploie directement et indirectement 600 000 salariés et l’importance de cette industrie est parfois capitale comme à Togliatti, fief de Lada, dont 1/7ème des 700 000 habitants de la ville travaillaient dans le secteur en 2009 ! En 2019, la production automobile russe avoisinait les 1 500 000 voitures (hors VUL et poids lourds), la Russie était 13ème producteur automobile mondial en 2018.

L’Ukraine, terre d’équipementiers

En Ukraine, on se souvient des voitures de l’ère soviétique comme les ZAZ 968 ou Tavria (brièvement importées en France du temps de Poch) ou du 4×4 LuAZ 969. Aujourd’hui, outre les équipementiers installés en Ukraine (dont beaucoup fabriquent des faisceaux électroniques), le pays produit des véhicules à travers diverses marques. On peut citer Bogdan Corporation qui assemble en CKD la JAC J5 chinoises ainsi que des bus et des véhicules militaires sur châssis Dodge (le Bogdan Bars-8).

De son côté, la société Electron produit des trolleybus, des bus électriques et des véhicules d’entretien. La société PJSC Eurocar assemble des Skoda Octavia et Superb près de la frontière avec la Slovaquie et la Hongrie, KrAZ se spécialise dans les poids lourds et véhicules militaires (comme le KrAZ Spartan), véhicules militaires également produits par NVO Praktyka et Dozor-B. La société LAZ produit des bus (notamment sur châssis Mercedes ou MAN).

Enfin, on y revient, l’entreprise ZAZ existe encore après diverses pérégrinations avec le coréen Daewoo dont d’anciens modèles comme l’Aveo sont encore en production ainsi que le camion chinois Sinotruck Howo G5X sous le nom de ZAZ S701. Au global, l’industrie automobile ukrainienne est fortement sur-capacitaire, la production locale ayant baissé de 98 % entre 2008 et 2018.

Des activités à l’arrêt pour beaucoup

Premier impact du conflit ? Rien n’est prouvé quant à la cause mais Toyota a été victime d’une cyberattaque au Japon, mettant à l’arrêt la fabrication de certains modèles. La production a repris depuis hier, cependant. En revanche, Toyota, comme ses compatriotes Honda et Mazda, a suspendu la production de voitures en Russie jusqu’ nouvel ordre. Le site de Saint-Pétersbourg, produisant notamment le RAV4 pour le marché russe et d’autres pays d’Asie, se voit donc mis au chômage technique après avoir fabriqué environ 80 000 voitures l’an passé.

Mazda, implanté du côté de Vladivostok met en pause sa production. Idem pour les importations de ces trois constructeurs. Du côté du Groupe VW, implanté à Kalouga et Nijni Novgorod, même décision avec la mise au chômage partiel de ses deux usines et la suspension des importations en Russie. Le groupe JLR (Jaguar Land Rover) cesse également d’importer ses véhicules au pays des tsars jusqu’à nouvel ordre.

Stellantis, présent à Kalouga prend le même chemin que VW, alors même que le groupe franco-italo-américain comptait sur son usine russe pour produire le Fiat Scudo et exporter vers l’Europe -l’usine française d’Hordain étant arrivée à saturation. De son côté, Magna International, troisième équipementier mondial, met en pause ses activités en Russie. Ford, présent à travers la production locale de VU arrête temporairement sa production russe (le constructeur américain avait quitté le marché des VP il y a quelques années).

Enfin, le principal constructeur étranger, Renault, ferme deux de ses trois sites de production russes et non des moindres, puisqu’outre Saint-Pétersbourg (Arkana, Kaptur et Duster), c’est le site historique de Togliatti (berceau de Lada) qui ferme temporairement ses portes. Seule l’usine moscovite d’Avtoframos reste en activité : y sont produits les Duster, Kaptur, Arkana mais aussi le Nissan Terrano.

Lada Togliatti

Plusieurs exceptions à cette tendance perdurent à l’heure où nous écrivons l’article : Mitsubishi poursuit la fabrication de ses voitures à Kalouga avec Stellantis, tandis que Nissan continue également de produire en Russie à Izhevk. Du côté de la Corée du Sud ou de la Chine, pas de changements à signaler pour Hyundai, Kia, Geely, Haval ou Great Wall Motors.

Du côté de l’Ukraine, la production de nombreux équipementiers est à l’arrêt, notamment les fournisseurs de faisceaux, massivement implantés dans le pays (et quasiment absents d’Union Européenne à cause du coût de la main d’œuvre). Les fournisseurs Yazaki, Leoni, Nexans et Fujikura voient leurs usines arrêtées du fait du conflit et leurs clients, notamment BMW, Porsche et Volkswagen font déjà face à des ruptures d’approvisionnement.

Des coûts de matières premières impactés

Inutile de mentionner le gaz russe, sujet évident et point fort de ce grand pays en termes de négociations. On se souvient des coupures d’approvisionnement de certains pays d’Europe à l’hiver 2009, lorsque l’Ukraine s’était vue privée de gaz russe. Par ricochet, le prix des énergies comme l’électricité, indexé sur celui du gaz augmente en conséquence, et vous l’avez sans doute douloureusement constaté à la pompe ces derniers jours, le carburant n’est pas au plus bas.

Gazoducs vers l'Europe

De nombreuses matières premières sont nécessaires à la production de biens manufacturés, et concernant l’automobile, on peut citer les dérivés d’hydrocarbures, l’acier, l’aluminium mais aussi des matières « moins visibles », utilisés pour des pièces comme les pots catalytiques, comme le palladium (dont la production russe représente 40 % de la demande mondiale), le platine (17% de la production mondiale) ou le ruthénium (15%). La Russie est par ailleurs le deuxième producteur mondial de cobalt, le troisième producteur mondial de nickel et le septième producteur mondial de cuivre. Autant d’éléments indispensables à l’électrification des véhicules.

Quant à l’Ukraine, elle produit 70 % de la demande de néon, utilisé pour produire des lasers… nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs : la boucle est bouclée, on en revient à cette crise ! En outre, l’Ukraine, comme la Russie sont deux pays non négligeables en termes de production de caoutchouc synthétique et de noirs de carbone, employés par les manufacturiers de pneumatiques. Enfin, l’aluminium désormais est proche de son pic de 2008 à 3 000 € la tonne.

Aux coût des matières premières, il faut ajouter également les impacts sur le fret terrestre (ferroviaire ou routier), ainsi que la modification des couloirs aériens qui impacteront négativement les coûts et délais de transport dans les semaines à venir.

Autant de raisons de s’inquiéter pour une industrie automobile très fortement malmenée ces dernières années par des politiques manquant de réalisme eu égard aux contraintes de l’industrie et des clients, le contexte sanitaire, les restrictions de circulation, et l’instabilité de certains endroits du monde. A suivre de près dans les jours à venir.

Sources : Wikipedia, Autoblog, Le Journal de l’Automobile

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