Paddock des 24 Heures : Peugeot Sport est de retour
C’est un logo qu’on n’avait plus vu dans les paddocks manceaux depuis 2011. A l’époque, la 908 à moteur V8 HDi avait tenu le public en haleine par sa lutte avec l’Audi R18 avant d’échouer à quelques secondes, dans un infime écart de seulement 13 secondes 854. Un crève-cœur d’autant que l’année suivante, bien que les prototypes soient prêts et que même la future 908 HYbrid4 soit déjà conçue, le programme de compétition était annulé début 2012 face à la crise que traversait PSA.
En 12 ans, tout a changé, ou presque. Seul le nom Peugeot Sport est resté, mais la motorisation Diesel a été remplacée par un V6 essence hybride biturbo, de 2,6 l de cylindrée et 680 ch thermiques + 200 kW de puissance électrique sur l’essieu avant à partir de 120 km/h. Le Lion a changé de faciès, de même que ses couleurs : la 9X8 porte fièrement le blason et le vert kryptonite, même si les protos #93 et #94 du Mans ont eu le droit de troquer leur triste robe grise pour une déco façon art car signée J. Demsky. Ce beau camaïeu de couleur sera conservé pour toute la saison 2023 de WEC.
Les équipes elles aussi ont changé : Bruno Famin est passé chez Alpine, remplacé par Jean-Marc Finot à la tête de Stellantis Motorsport, la structure qui chapeaute toute la compétition dans le groupe, et Olivier Jansonnie pour diriger Peugeot Sport en Endurance. Aucun pilote de l’ère 908 n’est reconduit pour la 9X8, à l’exception du français Loïc Duval qui roulait dans la 908 Oreca privée en 2010 et 2011. Et puis, enfin, le design puisqu’il n’aura échappé à personne que 908 et 9X8 ne partageant rien, surtout pas… l’aileron ou plutôt l’absence d’aileron sur la dernière-née !
Rendez-vous à la tanière du Lion
Aux 24 Heures du Mans 2023, Peugeot Sport n’est pas resté discret : une hospitalité face à la passerelle Dunlop, un large espace d’exposition dans le Village, une maquette de 9X8 chez son partenaire TotalEnergies et une autre dans la boutique Lego, sans oublier dans les paddocks un motorhome et un stand complet. La présence du Lion est à la hauteur de ses ambitions et se remarque à sa haute façade blanche lardée de traits gris. Garé devant, le quad Liberty grimée au nom 9X8 est là pour le transport des trains de pneus jusqu’aux camions Michelin, ainsi que celui des pilotes jusqu’aux zones de repos.
De ce qui se passe derrière la façade vous ne verrez rien : confidentialité totale est imposée sur l’intérieur du stand. Logique, mais nous pouvons quand même vous en raconter l’allure : le paddock est divisé en deux zones, la première mécanique pour les réparations et les arrêts au stand, l’autre technique avec le camion motorhome servant de réserve de pièces et de centre informatique. Dans le stand, chaque ordinateur est connecté en direct avec les équipes restées à Vélizy, pour une analyse en temps réel des paramètres, des indicateurs et de l’état des voitures.
Sur la partie droite sont stockées les pièces neuves : fond plat, carrosserie, tout ce qui est en fibre de carbone mais aussi en kevlar. Cet alliage a été choisi car le kevlar vient éviter au carbone de se briser en morceaux. La face avant est complète, capot-ailes-phares, et c’est aussi la plus lourde pièce du prototype : 58 kg ! Les optiques à elles-seules pèsent 10 kg, tandis que la face arrière sans aileron totalise 30 kg. Une 9X8 complète pèse 1030 kg à peine et plusieurs jeux de pièces sont prêts au cas où il faudrait réparer. Ce qui fut nécessaire à 2h25 du matin lorsque la 9X8 de tête dut intégralement remplacer sa face avant : une opération sauve-qui-peut réalisée en 30 minutes, une fois le proto revenu au stand.
Etroite collaboration avec Michelin et TotalEnergies
En face du stock de pièces, c’est un mini-atelier que Peugeot a monté pour réparer tout ce qui est réparable : trains roulants, amortisseurs, télémétrie, boîte de vitesses… Les servantes sont alignées les unes aux autres et les pièces déjà prêtes pour certaines. Un espace de quelques mètres carrés est attribué à TotalEnergies : même si le pétrolier français est partenaire titre de l’écurie, chaque écurie d’Hypercar possède un ingénieur de Total pour analyser à chaque arrêt l’état des fluides notamment les huiles, avec une centrifugeuse, pour prévenir toute défaillance mécanique.
Les pneus fournis par Michelin occupent une large place du paddock aussi : de trains complets sont prêts à être déplacés jusqu’au garage en cas d’arrêt ou de modification météo, et un analyste a en charge durant toute la course de déterminer le meilleur choix de gomme entre les 5 proposés (slick pour le sec, wet pour le mouillé, et trois gommes medium, soft et hard). Contrairement à Spa où la polémique avait enflé, les couvertures chauffantes sont de retour et conditionnent les enveloppes à 90 degrés avant d’être montées. Les pneus sont ainsi directement en température, et ce sera spécifique aux 24 Heures du Mans.
Nous passons un étroit couloir où les casques des 6 pilotes sont alignées, moins les 2 de deux qui sont en piste. Puis nous arrivons dans le garage proprement dit. Assis sur des chaises pliantes, les mécaniciens patientent avant d’intervenir sur les voitures. Chacun connaît son rôle : ils sont 5 à pouvoir toucher la voiture, à raison d’un dédié à la boîte de vitesse, 1 au remplissage d’essence, 1 aux éléments de direction, et 2 pour intervenir sur le châssis. Un sixième homme est là pour panneauter : reconnaissable à son brassard rouge, il accueille la voiture à son entrée au stand et lui indique le départ. On notera la présence de souffleurs pour refroidir les batteries et le moteur. Au total, ce sont 90 personnes que Peugeot Sport a dépêché aux 24 Heures du Mans.
Bientôt la victoire ?
Si la fiabilité de la 9X8 a rassuré, le chemin reste long vers la victoire. Face aux autres Hypercars, un déficit de puissance est patent et l’aérodynamique si spécifique de la 9X8 ne peut convenir qu’à des circuits rapides comme Le Mans, et non comme Sebring par exemple. L’équipe demeure en phase d’apprentissage et va devoir transformer ses faiblesses en forces. Après les 3 courses de 2022, l’année 2023 compte 7 échéances puis 8 en 2024, année où une troisième 9X8 devrait rouler sous les couleurs de Pescarolo Sport.
Il a fallu un an à la 905 pour convaincre entre 1991 et 1992, deux éditions à la 908 avant de triompher en 2009 : la concurrence était à l’époque moins féroce, et le Lion paraissait plus rapide et prêt à dominer. Avoir assuré l’arrivée des deux prototypes au bout du double-tour d’horloge paraît un pis-aller, c’est pourtant la démonstration d’une réelle solidité mécanique, qu’envient certainement Porsche ou Vanwall. Reste à optimiser -dans les limites de ce que la base permet- tous les paramètres de performances pour espérer triompher !
Le stand Peugeot Sport vu de l’intérieur :
Remerciements à l’équipe Peugeot pour l’invitation à découvrir son stand de l’intérieur
Photos : François M. – Le Nouvel Automobiliste