Le Nouvel Automobiliste
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Une semaine d’essai en Honda e : Wasabi survolté

La Honda e ne manque pas de se faire remarquer. Que ce soit par les passants grâce à son design minimaliste, ou par ses occupants grâce à son côté high-tech tranchant avec la pureté de son design. Dans un marché automobile qui se cherche et peine parfois à se trouver, cette pétillante citadine japonaise électrique est définitivement remarquable et vient bouleverser nos habitudes automobiles. Mieux : la Honda e rafraîchit notre idée de la mobilité urbaine. Alors à quoi bon vous démontrer qu’il est impossible de rallier Marseille depuis Paris en autant de temps qu’une voiture thermique ? Non, la Honda e mérite bien plus qu’un ultime et énième test d’autonomie. D’ailleurs, elle n’essaie pas de se faire passer pour une voiture routière, alors voyons plutôt à son bord ce que donne une semaine d’usage tout à fait classique en Île-de-France quand on ne dispose pas d’alternative en transports en commun : « Honda e, boulot, dodo ».

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Rencontre du troisième type

Cette Honda e fait indéniablement partie des rares citadines qui ne passent que très difficilement inaperçues dans la circulation. Par sa rareté dans un premier temps, mais aussi par son design. Aucun doute, la face avant et ses deux optiques rondes nous ramènent indéniablement aux années 80. Pour autant, la clarté des feux LED contraste avec le bandeau noir et participe à ce subtil résultat néo-rétro.

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Là où la plupart des constructeurs se cherchent une identité visuelle en essayant de jouer sur des courbes sportives, incisives et modernes, Honda abat l’une des cartes les plus complexes du design : le minimalisme. Le contre-pied avec les tendances automobiles actuelles est total et ce clivage interpelle. Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas rester insensible devant le design de cette auto, même avec la couleur « acier moderne métallisé » somme toute passe-partout de notre modèle d’essai.

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Avec le recul, cette Honda e me fait de plus en plus penser à ce bon vieux Totoro : une boule de poils ronde, attendrissante et rassurante. Vous ne toucherez aucun angle sur cette carrosserie, pas même un rétroviseur. En lieu et place de ces derniers, vous trouverez en effet deux caméras, discrètes et bien intégrées, renvoyant leurs images à deux écrans placés aux extrémités de la planche de bord. Même si l’utilisation de cette rétrovision perturbe nos habitudes à la première prise en main, leur positionnement dans l’habitacle reste bien plus agréable qu’à bord d’une Audi e-tron.

Bigger on the inside

À l’intérieur on retrouve la même philosophie, des lignes simples et épurées. Aucune fioritures. Même si l’eau et l’électronique ne font pas bon ménage, la seule chose qui manque à ce jardin zen est une petite fontaine en bambou… D’ailleurs Honda, si vous lisez ces lignes, nous apprécierions un bonzaï en option ! On plaisante, mais pas tant que ça puisque le constructeur japonais nous permet de choisir entre un aquarium virtuel, une forêt de bambous ou des cerisiers en fleurs en guise d’arrière-plan des écrans de la planche de bord.

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La place aux jambes à l’avant est généreuse, que ce soit en position passager ou conducteur y compris si vous dépassez le mètre quatre-vingt. On ne manque pas non plus d’espace après avoir installé un volumineux siège enfant à jambe de force à l’arrière. Pour les grands gabarits, attention toutefois en sortant des places arrière : le montant de porte est assez bas. Le coffre quant à lui est tout de même très étriqué avec un volume de seulement 171 l.

Malgré cette première apparence zen de l’intérieur, il apparaît rapidement évident qu’il se montre plus complexe que les lignes extérieures. Encore une fois Honda fait la part belle à l’alliance entre modernité et nostalgie. Les interactions les plus simples, comme le chauffage ou les aides à la conduite, se font en mode analogique. Cela permet de garder une planche de bord simple, sublimée par des effets de boiseries du meilleur effet. Les autres interactions se font par le biais d’un des deux écrans, idéalement situés au centre de cette planche de bord.

Un cockpit de Spinner

L’info divertissement, parlons-en. Son utilisation est proche de celle d’un smartphone, ou plutôt de deux tablettes, tant ses écrans sont grands, et est relativement simple, que ce soit pour le conducteur ou le passager. Ces dalles fourmillent néanmoins d’options et réglages, et il faudrait plus qu’une semaine pour naviguer dans tous les menus et maîtriser ce que l’on peut clairement appeler un ordinateur, aux faux airs de Blade Runner.

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Le GPS est simple et efficace, la navigation est fluide mais la connectivité USB pèche un peu en dépit des 4 ports USB disponibles dans l’auto. Après avoir trifouillé pendant 5 bonnes minutes l’ordinateur de bord, on se résigne à prendre la route en écoutant la radio mais impossible de jouer les mp3 de la clé USB. En effet il faut viser juste puisque sur les 2 ports USB présents à l’avant, un seul est à même de transférer des données. L’autre n’est qu’un simple port de recharge, ce qui signifie que l’on ne peut malheureusement pas lire de musique sur une clé USB en utilisant Waze par le biais d’Android Auto. Avec un téléphone sous Android vous êtes contraint d’écouter de la musique par le biais d’Android Auto. Cela n’était pas particulièrement dérangeant à l’époque de Google Play Musique mais son remplaçant, YouTube Musique, rend à présent la pratique assez désagréable.

L’expérience est en tout cas déroutante et aura demandé à se plonger dans le manuel d’utilisation de plusieurs centaines de pages pour comprendre pourquoi on ne pouvait pas écouter de musique sur clé USB, tout en profitant des services Android Auto.

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Geek oui, métalleuse non

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D’ailleurs puisqu’on évoque la musique, parlons d’un des petits défauts de cette Honda e : le son. En réalité les enceintes sont plutôt bonnes… mais ne sont pas adaptées à tous les styles. La musique classique est plutôt bien rendue. Si vous tentez l’écoute plutôt chill d’un Untamed de Marcus Miller vous ne serez pas déçu du voyage, tout comme ce qui concerne la Pop. L’écoute de métal ou hard rock à volume élevé laisse très largement entrevoir des médiums et des tonalités aiguës plutôt brouillons. Le constat est le même si vous vous laisser aller à la modernité avec l’excellent Turbo Killer de Carpenter Brut.

Au volant, relaxation et kilowatt-heure

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Turbo Killer, justement. Sous le capot, ce n’est pas ce type de pièces que vous découvrirez : vous ne trouverez que des câbles à haute tension. L’absence de bruit de moteur à explosion (qui, soit dit en passant, est bien plus souvent désagréable que musical et doux à l’oreille) est très largement compensée par les performances. Les reprises sont vives et le couple est enivrant, tant et si bien qu’on en vient à attendre avec impatience une opportunité de dépassement pied au plancher. La direction est aussi parfaite qu’une direction moderne pourrait l’être, tout comme la liaison au sol qui est fidèle à un toucher de route très « Honda ». La répartition du poids est maîtrisée et si vous déconnectez le contrôle de traction, vous pouvez même vous retrouver avec un train arrière joueur, sous la pluie en tout cas. Attention toutefois lorsque les aides sont désactivées, puisque la distribution du couple instantanée propre aux moteurs électriques peut se montrer surprenante. Tranquillisez-vous ceci dit, avec le contrôle de traction actif, même sous la pluie, la voiture n’a pas un soupçon de comportement dangereux.

Cette Honda e invite donc tantôt à avoir le pied lourd et tantôt une conduite zen et calme. Nos trajets d’essai quotidiens comptaient au moins 60 km en ville, sur le périphérique parisien et en zone limitée à 110 km/h sur l’A4. Tous ces trajets ont été réalisés dans les pires conditions possibles pour un véhicule électrique : il faisait systématiquement froid, sombre et il pleuvait. Les feux étaient donc activés en quasi-permanence, tout comme les essuie glaces et la climatisation… Climatisation qui d’après l’ordinateur de bord « coûte » 30 km d’autonomie. D’une manière générale, on peut donc démarrer les journées avec 130/140 km d’autonomie.

Sans jamais mettre le pied au plancher et en ne dépassant pas 90 km/h, on atteint une consommation moyenne de 17 kWh aux 100 km, ce qui est tout à fait honorable. En faisant moins attention et après un parcours de près de 90 kilomètres de conduite endiablée, le tableau de bord affichait 23% d’autonomie restante (soit 29 km d’autonomie avec ce rythme de conduite). Néanmoins, après une nuit de recharge sur une classique prise domestique 230V, la batterie affichait 93% de charge au matin. Cela représente donc 122 km d’autonomie d’après la consommation moyenne de cette journée où aucun watt n’a été épargné.

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L’éléphant dans l’angle mort

Au-delà du sujet de l’autonomie, il y a quelque chose de très particulier à voyager dans une voiture électrique comptant plus d’écrans que la plupart des voitures thermiques ne comptent de cylindres sous le capot. D’autant plus lorsque l’on évolue en silence à travers des volutes de condensation et autres gaz d’échappement idéalement illuminés par l’éclairage public matinal. Au lendemain de la sortie nocturne du jeu vidéo Cyberpunk 2077, on se prend très vite à s’imaginer en pleine science-fiction… Pourtant certains côtés high-tech de cette Honda e demandent à mûrir.

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Les caméras de rétrovision sont malheureusement un vrai défaut au roulage de cette Honda e. Autant il n’est pas possible de leur reprocher quoique ce soit dans des conditions idéales, en conditions de lumière suffisante, autant leur lecture est parfois difficile de nuit où du grain apparaît sur l’image, en particulier sous la pluie. Le rétroviseur central est particulièrement difficile à lire dans ces conditions, et des halos lumineux apparaissent à chaque voiture qui vous suit. Fort heureusement il est possible de couper l’écran de ce rétroviseur intérieur et de s’en servir comme d’un bon vieux rétroviseur classique à miroir. Même si l’auto n’en est pas pour autant dangereuse à conduire, les caméras ont une sensibilité trop faible pour renvoyer une image nette de nuit. Les écrans latéraux deviennent alors assez fatiguant à déchiffrer, et plus encore lorsque le halo des feux des autres usagers de la route est amplifié par les reflets du bitume détrempé.

Ode à l’automobile et à la technique

Et donc, pourquoi ? Pourquoi choisir cette Honda e ? Si vous êtes arrivés jusqu’ici, vous avez déjà une bonne partie de la réponse, et cette voiture vous plaît. Si vous avez directement zappé vers cette conclusion c’est que vous cherchez probablement une liste concentrée de ses défauts. Au risque de vous décevoir, ni l’autonomie, ni le manque de coffre ou le prix n’apparaissent vraiment comme des défauts rédhibitoires puisque ce sont des partis-pris de Honda clairement assumés par le constructeur. En clair, si vous maîtrisez vos trajets et faites peu de kilomètres par jour, l’autonomie est largement suffisante pour vous déplacer, vous et votre éventuelle progéniture. Le volume réduit du coffre est malheureusement le prix à payer pour une place assise étonnamment agréable sur ce format compact de véhicule.

Mais, au moins, on bénéficie d’une réelle banquette accessible facilement avec des portes arrière, contrairement à la Mini Cooper SE ou à la Fiat 500e (qui fait l’effort d’un original portillon antagoniste dans sa version 3+1). Le prix quant à lui, bien qu’élevé (38 090 € dans cette version équipée, avant bonus écologique) est celui à payer pour cette Honda e ultra techno qui sort du lot en termes de design et de motorisation. À ce tarif, la Mini apparaît comme une option avec, finalement, bien plus d’inconvénients : le coffre est certes plus grand, mais l’habitabilité arrière est moindre et l’autonomie quasi identique. Et, soyons honnête, on trouve déjà des Mini plein les rues… Si cette Honda e entre dans des cases budgets, plaisir et autonomie qui vous correspondent, il n’y a aucune raison de ne pas la conseiller.

Postscriptum, ou réelle conclusion ?

Enfin, revenons sur un point marquant de cet essai. Étrangement, il ne concerne pas directement la Honda mais le retour à un véhicule du quotidien après cet essai. Un véhicule thermique bien entendu. C’est une voiture tout à fait classique fabriquée en 2018, avec un moteur turbo essence de 1,4 l. Après une semaine en électrique, le choc du retour au thermique est rude. Le véhicule pouvant apparaître maintenant comme d’un autre siècle. Quel manque de couple à bas régime… Le but, le pourquoi et l’intention de cette Honda e semblent donc encore plus clairs. Il ne s’agit pas uniquement d’une ultra-citadine électrique, encore une. C’est aussi un amuse-bouche, un premier aperçu du potentiel de ce genre de motorisation électrique. C’est une lettre d’amour de Honda à ses irréductibles aficionados qui propose une première solution de mobilité électrique pour vous accompagner dans cette transition technologique.

Les amateurs de sportivité seront également servis : votre envie de faire des burns et de perdre le train arrière sur un rond-point, le sourire aux lèvres, ne disparaîtra pas avec le sans-plomb 98. Merci en tout cas à Honda d’avoir montré au monde, aux sceptiques, et aux autres constructeurs qu’une « banale » citadine électrique ne signifie pas la mort du plaisir de conduite.

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Est-ce que cela pourrait même créer des rêves de future sportive électrique japonaise ? Dites-nous, Honda, ce que nécessite cette prochaine étape : une cagnotte participative, une pétition, des gencives de porcs… ? Avec ce genre de possibilité de comportement routier sur une citadine, on peut s’attendre à une digne succession électrique de la S2000. Mais pour le moment ce n’est encore qu’un rêve d’enfant passionné…

Photos : Le Nouvel Automobiliste

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