Les fêtes de fin d’année approchent, il est donc venu le temps des bonnes choses : chocolats, cadeaux, raclette (au fromage, mais aussi sur le pare-brise)… Côté actualité automobile, nous sommes également servis ! Celle que l’on n’attendait plus, celle que l’on a longuement espéré, celle qui va relancer une marque disparue depuis plus de 20 ans est enfin là : la nouvelle Alpine A110 débarque, et nous avons eu la chance de pouvoir en prendre le volant pour vérifier si l’attente en valait la peine. Si vous avez lu le titre de cet article, un indice concernant la réponse à cette question s’y est glissé…
1991 : Alpine lance l’A610. 1995 : fin de la production, fin de l’histoire. La marque entre dans un sommeil profond. Divers projets sont évoqués pour la faire revivre, nous les avions évoqués ici-même, mais aucun n’aboutit. Quand en 2012 la renaissance d’Alpine est annoncée officiellement, une vague d’enthousiasme gagne les amateurs et passionnés, mêlée toutefois de doutes : verra-t-on vraiment cette fois-ci une nouvelle Alpine sur nos routes ?
Le concept A110-50 célébrant les 50 ans de la marque porte avec lui tous les espoirs. Lorsqu’en 2014 Caterham quitte le projet lancé en commun avec Renault, on pense que tout est à nouveau terminé. Ne restera-t-il alors que le nom sur le proto LMP2 engagé en WEC depuis la saison 2013 ? Non ! Le Losange n’abandonnera pas, et présentera en juin 2015 en ouverture des 24 Heures du Mans le concept Alpine Célébration, préfigurant très fidèlement l’A110 nouvelle génération, suivi en février 2016 par l’Alpine Vision, show-car encore plus proche de la série. Puis, enfin, en mars dernier l’A110 de série devient la star du Salon de Genève. Il aura fallu 22 longues années avant de voir la marque au A fléché renaître de ses cendres, et nous pouvons enfin prendre en main le modèle qui va avoir la lourde tâche de faire renaître l’un des mythes de l’industrie automobile française.

Alpine A110 : Héritage assumé
Rien de tel qu’une découverte à la lumière du jour pour faire plus ample connaissance avec la petite-fille de l’icône des années 60 et 70, j’ai nommé l’A110 Berlinette première du nom. Mais comme chez Le Nouvel Automobiliste nous sommes originaux, nous allons plutôt le faire à la lumière de la nuit, mais aidés par des spots lumineux quand même.
La filiation est évidente, et il va sans dire que n’importe quel amateur d’automobile verra immédiatement que l’équipe du design d’Alpine s’est inspirée directement de la Berlinette pour dessiner l’A110 deuxième du nom. Connue sous le nom de code AS1, notre version 2017 s’est longtemps vue appeler A120 un peu partout dans la presse et sur le web avant que son patronyme officiel ne soit dévoilé. Il faut dire que l’on était loin d’imaginer qu’Alpine réutiliserait le même nom que son illustre ancêtre pour sa nouvelle création. Eh bien si ! Lorsqu’on évoque la marque, qui a pourtant commercialisé plus de 20 modèles différents, celui qui revient en majorité est celui d’A110, c’est pourquoi il a été décidé de le ré-utiliser et de s’inspirer de la Berlinette des années 60 pour concevoir le nouveau modèle, tant en matière de style que de philosophie générale.
Quel que soit l’angle sous lequel on observe l’A110 cru 2017, on y retrouve un petit –ou gros– quelque chose de son aïeule.
A l’avant, l’identité de l’auto ne fait aucun doute avec les 4 phares qui arborent une signature lumineuse ronde. C’est LE gimmick de style le plus emblématique de la Berlinette, il était donc essentiel pour les stylistes de le reprendre pour bien marquer l’héritage de l’ancêtre sur la nouvelle. Les clignotants se situent dans le rond à leds des phares principaux et prennent la place des DRL lorsqu’ils sont utilisés (les deux ronds du côté concerné s’éteignent alors). La nervure centrale sur le capot est également reprise, agrémentée de part et d’autre de deux autres lignes de style rappelant les anciennes charnières du capot. Le reste de la face avant est inédit, avec en partie basse une large entrée d’air entourée par deux ouïes latérales. Ces dernières ne sont absolument pas factices et permettent d’optimiser le flux d’air en réduisant les perturbations aérodynamiques autour des roues de manière à réduire la traînée. Au centre, Alpine est inscrit de manière bien visible, comme à l’époque, et ne cherchez pas de logo Renault ici, il n’y en a pas !
Le profil lui aussi est directement inspiré par le passé, avec une forme de vitrage similaire, ainsi qu’une lunette arrière courbée sur les côtés, mais le clin d’œil principal viendrait plutôt du flanc creusé de la même manière que sur la Berlinette, un hommage évoquant aussi la recherche de la légèreté. Entre la custode et la lunette arrière on trouve un écusson tricolore aux couleurs du drapeau français : oui môssieur, l’Alpine est made in fabriquée en France, elle est bien de chez nous, alors on l’affiche clairement ! Cocorico motherf****r cher ami ! Vous noterez également la présence de logos Alpine sur les ailes avant, celui de droite étant posé sur un étrange rond. What is it ? It’s a trappe (à carburant) ! En effet, le réservoir est situé à l’avant pour une meilleure répartition des masses (la batterie 12V également). Nous reviendrons sur ce point un peu plus tard. Les passages de roues arrière ne sont plus aplatis comme autrefois, et la monte pneumatique subit une belle cure de croissance puisque l’A110 repose sur des jantes de 18 pouces remplissant bien lesdits passages, on est bien loin des 13 pouces de (super)mamie ! Les entrées d’air du moteur sont dissimulées habilement derrière les custodes, de quoi éviter de placer de disgracieuses ouïes sur la carrosserie.
L’arrière est sans doute la partie où les différences sont plus marquées entre les 2 générations, néanmoins les galbes de la partie haute entre la lunette arrière et les feux restent assez similaires. Ces derniers arborent une signature lumineuse du plus bel effet en forme de X ainsi que des clignotants à défilement. En partie basse, on trouve une sortie d’échappement centrale à la forme originale et plutôt bien intégrée dans le diffuseur, qui n’est pas là que pour la déco puisqu’il agit conjointement avec le fond plat pour générer un effet de sol et donc de l’appui, permettant de se passer d’un béquet.
Et comme j’étais sûr que vous alliez vous demander « mais à quoi ressemble le fond plat ? », j’ai pris mon courage (ou plutôt mon appareil photo) à deux mains pour vous proposer ce cliché renversant :
Pour parfaire le tout, voici une vidéo montrant des traits bleus au-dessus et en dessous de la voiture :
Vous l’aurez compris, l’aérodynamique a été particulièrement soignée sur l’A110 : le Cx est de 0.32, le SCx de 0.621 et la surface frontale de 1.94 m².
L’extérieur est plaisant, qu’en est-il à l’intérieur ?
Un habitacle à la hauteur
Si le style néo-rétro de la carrosserie emprunte beaucoup à la Berlinette, l’habitacle se veut quant à lui inédit et ultra moderne.
Lorsqu’on le découvre, la première impression est immédiatement gratifiante, avec une ambiance intérieure sportive et accueillante. L’effet « waouh » vient en premier lieu des superbes sièges baquets signés Sabelt. Leur dessin respire la compétition et la recherche de l’allégement maximum, avec de larges zones ouvertes, mais le confort est aussi largement suggéré avec les inserts latéraux en cuir matelassé de losanges du plus bel effet. Faut-il y voir un salut amical aux équipes de Renault ? Pas vraiment, plutôt un autre hommage à la Berlinette qui optait aussi pour des motifs similaires sur sa sellerie. L’assise et le dossier sont quant à eux réalisés en Alcantara, de quoi limiter la glisse du postérieur. Les arrêtes sont joliment surlignées de surpiqûres bleues, la couleur « traditionnelle » de la marque. Les parties ajourées au niveau du dos et des épaules sont ornées d’inserts en aluminium, tandis que la structure est réalisée en matériaux composites.
Résultat : une masse extrêmement contenue puisque chaque siège ne pèse que 13.1 kg, une prouesse quand on sait qu’un siège de Mégane 4 RS accuse le double sur la balance ! Il a néanmoins fallu faire des concessions pour arriver à ce résultat : aucun réglage n’est possible, hormis le traditionnel avant/arrière. Pas de panique, leur forme et leur inclinaison devraient satisfaire la grande majorité des gabarits, et tout le monde devrait réussir à trouver une position de conduite idéale, d’autant que le volant réglable en hauteur et profondeur dispose d’une grande amplitude de mouvements. Sachez tout de même que sur la finition Légende qui sera disponible fin 2018 de nouveaux sièges feront leur apparition et proposeront des réglages plus complets. Il reste néanmoins possible ici de changer la hauteur du siège (3 positions possible via des vis de fixation amovibles) mais il faudra pour cela les démonter, pas très pratique ! Une bonne excuse pour ne pas prêter sa voiture ceci-dit…
Une fois bien calé dans le baquet de gauche, on découvre une planche de bord au dessin simple mais efficace, dont la partie haute évoque celle de la Clio 4. Il ne s’agit que d’un faux air de famille, les deux étant sans lien de parenté. Derrière le volant, on trouve une instrumentation 100% numérique de 10 pouces avec un affichage personnalisable en fonction du mode de conduite choisi. Trois sont disponibles : Normal, Sport et Track, les deux premiers offrant une disposition plutôt classique à base de 2 compteurs ronds (vitesse et compte tours), le dernier étant plus orienté compétition avec un compte tour représenté sous forme horizontale prenant la majorité de la taille de l’afficheur. Dans chacun des modes on peut faire défiler les diverses informations de l’ordinateur de bord (conso, GPS…) grâce aux deux petits boutons situés sur le bout du commodo droit.
Le volant à méplat est très agréable à prendre en main avec un diamètre raisonnable et une jante pas trop épaisse, mais le choix de la disposition des matériaux est étrange. En effet, les côtés sont en cuir tandis que le haut et le bas sont en Alcantara. L’inverse aurait été plus logique, non ? Le cuir ayant plus tendance à se montrer glissant comparé au « grip » qu’offre l’Alcantara, j’aurais à titre personnel préféré que l’agencement des matières soit inversé. Les uniques commandes présentes sur ses branches concernent le régulateur de vitesse, et on trouve en partie inférieure un bouton rouge magique qui ne sert pas à démarrer le moteur mais plutôt à alterner entre les différents modes de conduite : une pression courte et on passe en mode Sport, une pression longue et c’est le mode Track qui est enclenché.
Juste derrière, on trouve des palettes de changement de vitesse en aluminium solidaires de la colonne de direction, avec en dessous… Oh, ah, non, NON ? Si, c’est bien lui, l’éternel, le légendaire, le commodo de commande radio que l’on retrouve un peu partout dans la gamme Renault depuis… un certain temps. Il n’est pas très beau, mais on ne le voit pas en conduisant, donc, au final, ça n’est pas bien grave ! Autre élément issu de la banque d’organes du Losange : les commandes de climatisation en provenance de la Clio 4. Certains râleront peut-être de cet emprunt, mais objectivement l’intégration dans l’A110 est plutôt correcte et si on ne sait pas qu’ils viennent d’une Clio on pourrait aisément penser qu’ils ont été réalisés pour l’Alpine car ils ne dénotent pas vraiment avec le reste de la planche de bord.
Au centre, la partie multimédia et son écran de 8 pouces se situent au-dessus d’une rangée de 5 pushes type aviation du plus bel effet permettant dans l’ordre : de désactiver le Stop&Start, de désactiver l’ESP, d’enclencher les warnings, de verrouiller la voiture et enfin de, euh, eh bien de rien du tout puisque le dernier bouton n’est pas fonctionnel. Il ne fait aucun doute que si les concepteurs ont prévu un cinquième bouton, c’est parce qu’une fonction l’utilisera un jour, non ? Alors ouvrons les paris pour deviner à quoi il servira !
En attendant d’avoir la réponse à cette question existentielle, revenons une minute sur notre interface multimédia. Très honnêtement, j’ai connu mieux… Au vu de la taille de la tablette, on pouvait déjà s’attendre à une diagonale un peu plus généreuse, mais au final de très larges bords noirs sont présents donnant un afficheur un peu « perdu » au milieu. Ensuite, la réactivité du système laisse franchement à désirer, la navigation dans les différents menus n’étant en plus pas des plus aisées ni intuitives avec des fonctions cachées sous les « + » de chaque côté qui sont de surcroît de très petite taille obligeant vraiment l’utilisateur à être une fine lame du doigt pour réussir à les viser du premier coup sans prendre appui sur les côtés.
Pour achever le tout, nous avons eu droit lors de l’essai à plusieurs plantages menant à un reboot pur et simple du système en roulant, avec perte de la navigation en cours à chaque fois… Agaçant ! Espérons que ces bugs soient résolus d’ici les premières livraisons ! Pourquoi ne pas avoir adopté le R-Link au lieu de cette interface pas vraiment au niveau ? Mystère et boule de neige ! (c’est de saison, et ça colle bien avec le nom Alpine). N’espérez pas non plus un quelconque Mirrorlink, Apple CarPlay ou Android Auto pour dupliquer l’écran de votre smartphone et utiliser vos applications, aucun de ces systèmes n’est disponible.
Histoire de relever tout de même un peu le niveau de l’ensemble, l’interface propose divers affichages télémétriques à l’image du R.S. Monitor des sportives Renault : températures, pressions, temps au tour, G-mètre, courbes de performances… On se croirait en F1 (ou sur Playstation, au choix) ! Certains verront ça comme un gadget, d’autres comme des indications utiles, notamment lors de track days par exemple. Le système audio est quant à lui de très bonne facture : réalisé par Focal, il est composé de 2 haut-parleurs de 40 W et 2 tweeters. La puissance peut sembler faible sur le papier, mais au final elle se révèle très suffisante et la qualité sonore est appréciable. Focal a développé le système complet spécialement pour l’A110 en se focal-isant sur la masse de l’ensemble : afin de la réduire le plus possible, la peau des enceintes est réalisée en fibre de lin, matière extrêmement légère, combinée à de la fibre de verre pour assurer sa rigidité. En sus, l’aimant est en néodyme ce qui permet de réduire fortement sa taille et surtout sa masse comparé à un métal plus traditionnel. Au final, l’ensemble du système audio pèse moins d’un kilogramme !
Sous l’écran, on trouve un aérateur central non réglable, contrairement aux deux latéraux décorés ici par des éléments en fibre de carbone, matière noble et aux accents de sport que l’on retrouve également sur la casquette au-dessus des compteurs ou encore sur la console centrale. Celle-ci regroupe les commandes de la boite de vitesse avec 3 boutons qui ne sont pas sans rappeler ceux que l’on trouvait dans la Ferrari 458 Italia (il y a pire comme référence !), les commandes de vitres électriques, le bouton de démarrage/arrêt du moteur, le frein à main électrique et enfin les boutons permettant de choisir entre limiteur ou régulateur de vitesse. À l’autre extrémité, un petit réceptacle en carbone permet de ranger la carte de démarrage, fournie dans un joli étui, mais cachant un simple morceau de plastique noir avec des boutons. On aurait aimé un objet un peu plus sexy !
Pièce maîtresse de l’habitacle, cette console est vraiment très réussie, avec une exécution très « aérienne » du plus bel effet et qui permet par la même occasion grâce au vide ainsi créé de gagner de précieux grammes sur la balance, un point très important sur cette nouvelle A110. Elle permet également de créer le seul rangement de l’habitacle, avec un petit bac entre les deux sièges nous autorisant à poser notre téléphone ou un stylo, mais pas grand-chose de plus !
N’espérez pas délester vos poches dans l’A110, car à part ce bac, aucun autre rangement n’est disponible : pas de boite à gants, pas de bacs dans les portes, pas de quelconque filet derrière les sièges (mais il se peut qu’ils fassent leur apparition dans le futur), ni de tiroir caché. On nous force donc à voyager léger, et ça tombe bien, car light is right, non ? Cet argument me semble recevable… Puisqu’on parle de voyage, si vous souhaitez partir en weekend à 2 avec votre A110 il faudra bien optimiser vos bagages : l’auto possède bien 2 coffres, mais leurs volumes sont relativement restreints avec 100 l devant et 96 l derrière, avec en plus des formes intérieures tarabiscotées pour ce dernier.
Revenons un instant dans l’habitacle pour évoquer encore quelques détails, à commencer par les très jolies contre-portes reprenant la teinte de carrosserie dans leur partie haute, et ornées du même cuir matelassé que les sièges ainsi que d’un écusson bleu-blanc-rouge. Cette partie est vraiment très réussie, mais seule la version Première Édition ici présente bénéficiera de ce type de cuir, les futures déclinaisons auront d’autres motifs (qui restent aussi jolis, je vous rassure).
En revanche, le reste de la contre porte est réalisé dans un plastique dur, tout comme la partie basse de la planche de bord, mais le rendu visuel reste très correct et le toucher pas si désagréable que ça. Ce qui est plus gênant en revanche c’est que la partie entre le pare-brise et le haut de la planche de bord est également faite de la même matière, causant d’importants reflets dans le champ de vision.
Terminons le chapitre vie à bord en évoquant l’accès à l’habitacle qui se révèle aisé malgré le petit 1,25 m de hauteur, il n’y a pas ici de « seuil » à enjamber comme dans une Alfa Roméo 4C ou une Lotus Elise. La visibilité périphérique n’est par contre pas son gros point fort, avec une rétrovision via le miroir central quasi nulle (il n’aurait pas été là, ça n’aurait pas changé grand-chose !), on aurait d’ailleurs pu espérer une caméra de recul pour combler cette lacune mais cet équipement n’est pas disponible. Reste le coyote, pardon, le bip-bip qui lui est de série… C’est déjà ça ! Attention également lors des premières manœuvres, car étant assis très bas et avec un capot assez plongeant il est assez difficile de bien juger le gabarit de l’auto notamment vers l’aile avant droite. Gare aux bornes et autres bordures fourbes !