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Ford Focus

Ford Focus : la surprise du Salon de Genève… 1998 !

Ford Focus

Un projet automobile est une mécanique complexe et bien huilée où rien n’est laissé au hasard. Mais à quelques heures de sa présentation, la Ford Focus avait tout… sauf un nom ! C’est la veille du Salon de Genève en 1998 que tout s’est joué. La Ford Focus, qui fête cette année ses 20 ans, a failli s’appeler différemment. Récit d’une soirée peu banale, au cours de laquelle la Focus en devenir aurait très bien pu s’appeler différemment.  

Ford Focus : rupture dans la globalité

Avant de revenir sur cette singulière veille de Salon de Genève 1998, commençons par rappeler le contexte de la genèse de la Ford Focus, première du nom. Pour cette nouvelle voiture, Ford a des ambitions mondiales. Comprenez par là que contrairement à sa devancière, la voiture a été pensée pour être une seule et même réponse aux marchés européens, nord-américains, latino-américains et Asie-Pacifique. Le reste des différences étant essentiellement dû à des adaptations liées aux réglementations locales ou au consumérisme. De fait, cette nouvelle Ford va remplacer l’Escort Européenne (dont le dernier lifting date de 1995), l’Escort des USA, dérivée de la Mazda 323 des années 80, le duo Escort et Verona du Mercosur (basé sur les Escort/Orion de 1987) ainsi que la Ford Laser australienne, également issue de la Mazda 323 de 1991, cette fois-ci. Bref, une belle diversité de voitures (et de voitures à succès, qui plus est) à remplacer par un projet global. C’est dire l’enjeu.

Le projet est mené au sein du centre R&D de Dunton au Royaume Uni par Rose Mary Stalker, passée ensuite chez Boeing après avoir brillé chez Ford. Le nouveau projet a pour ambition de faire oublier une Escort, certes populaire mais en disgrâce auprès des petrolheads. Dépassée en Europe par les rivales de chez Peugeot, Volkswagen, Citroën, Rover ou même Renault, l’Escort en est réduite à rejoindre l’Astra en bas du classement en termes de prestations. Alors Ford met les bouchées doubles et les équipes de Rose Mary Stalker font le maximum pour replacer Ford en haut du podium sur le difficile segment des compactes. A la veille de sa présentation, la presse est fébrile.

Un suspens à son comble

Le développement du remplacement de l’Escort arrive à son terme, nous voici à la veille du Salon de Genève en 1998 [ouch, déjà 20 ans…]. Dans 12 heures, le rideau va se lever sur le stand genevois du constructeur et la voiture sera enfin révélée. Une seule question hante les journalistes : « quel sera le nom de cette nouveauté ? » On imagine que le secret est bien gardé. En effet, si les noms sont dévoilés au dernier moment, ils sont généralement choisis bien avant le lancement. Par exemple, le nouveau Peugeot Rifter dont le public a découvert l’appellation mardi dernier avait un nom décidé depuis 2017 et connu d’une poignée de gens tenus au secret pour d’évidentes raisons de confidentialité. Quant à la Focus ?

Jacques Nasser Ford

Ça ne s’est pas déroulé ainsi. Plusieurs appellations étaient bien entendu étudiées, y compris la reconduction d’Escort. Parmi les finalistes, d’autres noms étaient en lice : Focus, évidemment, mais aussi Fusion (repris depuis sur un dérivé de Fiesta en Europe et une berline, désormais jumelle de la Mondeo, aux USA) et Ikon (utilisé plus tard en Inde sur une Fiesta tricorps). Quant au nom Focus, il provient d’un concept-car outrageusement bio-designé : la Ghia Focus de 1994. Rien ne se perd… Mais Jacques Nasser, alors P-DG de Ford, est agacé. Tandis que le choix du nom n’est pas encore arrêté, il a vent d’une fuite. « Fusion » serait tombé dans l’oreille d’un journaliste. Le salon approche et pourtant, la dénomination de la voiture n’est toujours pas fixée. Au grand dam des équipes de communication de Ford. Le PDG souhaite créer la surprise, quitte à exposer des véhicules sans appellation sur le stand !

Le dîner commence en cette veille de Salon de Genève. Nasser sait très bien que les journalistes attendent de connaître le nom de la nouvelle Ford. Personne autour de lui ne sait à quoi s’attendre. Les équipes de Ford n’ont de cesse de le harceler mais Nasser ne veut rien entendre. Il profite simplement du dîner avec ses équipes la veille de l’ouverture du salon pour parler. Puis, arrive le moment crucial : « It’s Focus », dit-il calmement à l’attaché de presse au coin de la salle avant de regagner sa table. Il est 20 heures. Le Salon de Genève ouvre ses portes aux médias le lendemain matin et les voitures exposées n’ont donc pas d’identification, faute de temps. Aucun monogramme, pas même la plaque d’immatriculation avec le nom du modèle comme le pratique Ford sur ses salons.

En backstage, une équipe s’active : à l’aide de 5 imprimantes, des communiqués de presse sont modifiés puis tirés à la hâte durant la nuit, dans la suite d’un hôtel de Genève. La nouvelle compacte de Ford a enfin un nom. Et les voitures exposées sur le stand disposent, faute de monogramme « Focus », d’une plaque avec un logo Ford comme stigmate de cette étrange soirée où Jacques Nasser a décidé du nom de la voiture à la surprise générale. Ça tient à peu de choses. 20 ans après, Focus est un nom parfaitement ancré et associé à des modèles à succès. Et pourtant, la lignée des Focus n’est pas passée loin d’avoir un autre patronyme.

Un dessein global, un destin local

La Ford Focus est alors lancée en août 1998 en Europe, peu avant le Mondial de l’Automobile de Paris. You Gotta Be de Des’Ree accompagne la campagne de pub de celle qui sera aussi la première Ford à disposer d’un turbo Diesel à injection directe, le 1.8 TDdi, dérivé du 1.8 TD des Mondeo et Escort. A peine lancé et déjà en retrait, car basé sur un bloc qui n’a jamais fait référence. Malgré cela, la Focus avance bien d’autres atouts à commencer par un châssis enfin digne de tutoyer ceux de Peugeot. Ford revenait de loin et a mis le paquet pour sa Focus, équipée d’un train arrière multibras. La Focus a marqué un tournant pour Ford en termes de qualités dynamique, la marque étant passé du fond de classement dans les années 80 au statut d’élève modèle depuis l’avènement de la remplaçante de l’Escort.

La Focus peut aussi compter sur une gamme assez large comprenant des carrosseries 3, 4, 5 portes et break Clipper. Seul le cabriolet Escort n’est pas remplacé. Outre un style distinctif, voire clivant, signé Claude Lobo et baptisé New Edge, la voiture est conçue de manière à être plus facile à assembler. Ford prétend qu’elle coûte 1 000 $ de moins qu’une Escort à la fabrication. Belle gageure.

Aux USA, la voiture est présentée à la fin de l’année 1999 pour le millésime 2000. Malgré des pare-chocs, calandre et feux arrière spécifiques, elle ressemble fort à la version européenne. Seules les versions 3 et 4 portes sont lancées à l’origine, rejointes par le break. Mais en dépit des apparences, il n’y a que peu de pièces communes entre les versions séparées par l’Atlantique. En effet, la voiture est en partie « reconçue » aux USA. Elle y vit d’ailleurs sa vie, loin du restylage européen. C’est aussi le début de la fin pour la marque Mercury qui ne dispose pas de son dérivé pour remplacer la Tracer. Du côté de Détroit, Ford lance la version 5 portes sous l’appellation ZX5 durant quelques millésimes, puis lui offre une face avant qui n’est pas sans évoquer celle de la… Mondeo II européenne. Les versions européennes et américaines commencent à vivre des destins séparés, y compris dans leurs versions sportives : RS de ce côté de l’Atlantique et SVT aux USA. De son côté, le Brésil verra la carrière de la Focus originelle durer jusqu’en 2009.

Un dessin local… puis global !

Alors que Ford Europe présente la seconde génération de Focus en 2004, désormais déclinée en monospace (Focus C-Max lancé dès  2003 avant son émancipation de la gamme en 2007) et en coupé-cabriolet Pininfarina, Ford USA se contente d’un gros replâtrage de la Focus originelle. Exit les variantes 3 et 5 portes ainsi que le break, les américains n’ont plus droit qu’à deux carrosseries : 2 et 4 portes. Le design tente maladroitement de moderniser la voiture qui dispose de proportions malhabiles et d’une face avant étrangement détachée du reste de la gamme Ford. Face à une Focus européenne dernier cri, les américains se sentent un peu lésés. Mais ils disposent d’une innovation : l’éclairage d’ambiance multicolore. Maigre consolation !

Vient alors le temps de la politique One Ford, voulue par Allan Mullaly, arrivé à la tête du constructeur de Dearborn en 2006 : la Focus, troisième du nom, sera mondiale. Et vraiment globale. Développée aux USA, elle est adaptée en Europe pour y avoir un dérivé break, produite à travers le monde et donnera naissance à une fabuleuse version sportive. Mais ses jours sont désormais comptés comme pour la politique One Ford : la Focus, quatrième du nom, ne va pas tarder à pointer le bout de son capot, comme notre article le révélait. Et sauf surprise, elle s’appellera bien Focus…

Via Autonews Europe, Motortrend, Car Magazine, Netcarshow

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