
Tandis que la DS 9 commence à peine à arpenter nos routes, et que vient tout juste d’être présentée la toute nouvelle C5 X, voilà que je me remets à penser à toi, Citroën C6…
Je me souviens de notre première rencontre… le 14 juillet 2005 exactement. Alors que j’admirais l’excellence de nos forces armées paradant sur les Champs-Élysées, c’est là que mon regard a croisé le tien pour la première fois. Je n’avais que 29 ans, et même si j’avais naturellement déjà pu apprécier d’autres voitures avant, j’avoue avoir eu un véritable coup de foudre pour toi…
Pendant que tu te pavanais sur la plus belle avenue du monde, avec à ton bord un hôte prestigieux, je me souviens avoir longuement fixé mon téléviseur, et me demander quelle pouvait être la voiture qui pouvait dégager une telle prestance, une telle classe ?
Quoi ? Une Citroën ? Moi qui en suis à ma troisième « béhème », tomber sous le charme d’une « voiture de vieux », à même pas 30 ans ? Pas possible…
Citroën C6 : la France éternelle

Et puis on t’a officiellement présenté. Très vite, je me suis intéressé à toi, j’ai voulu te découvrir, en savoir plus à ton sujet. Tes galbes, tes rondeurs, mêlées à tes lignes tendues, ton regard vif, espiègle, et ta proue rebondie, tout juste séparés par une ligne de toit d’un seul tenant, d’un seul coup de crayon, tu sembles avoir été dessinée par le vent. Oui, comme un hommage à une de tes lointaine aïeule, tu as su soigner ton Cx…

Je me souviens de cette vidéo de présentation en noir et blanc mise en ligne par Citroën, vidéo qui mettait en scène une splendide femme aux origines asiatiques, où étaient mis en valeur tous les détails qui nous faisaient prendre définitivement conscience que tu ne serais pas une limousine comme une autre. Cette multitude de détails qui m’interpellaient, et qui m’interpellent toujours d’ailleurs : tes feux en forme de boomerang, ta lunette arrière concave, ton aileron sortant de son logement et se déployant en fonction de la vitesse atteinte, tes vitres sans encadrement, tu te prenais parfois pour un coupé, jusqu’à ta canule d’échappement polie, autant originale que discrète, ça changeait des banales sorties toutes droites, rondes ou ovales atrophiées, parfois factices…
Je ne m’en remets toujours pas, mais comment diable une telle voiture a pu m’envouter ?
Et là, je me reprends et me rends compte que je parle d’une voiture à la deuxième personne…
Citroën C6 : l’esprit Citroën

Plus sérieusement, qu’en est-il réellement de cette Citroën C6 ? Que faut-il en retenir ? Une chose est certaine : qu’on la trouve, comme moi, sublimissime, ou qu’on la trouve laide comme un pou, comme beaucoup, la Citroën C6 n’a jamais laissé, ne laisse et ne laissera jamais personne indifférent, c’est un fait.
Concrètement : une plateforme dite PF3 empruntée à la Peugeot 407, mais agrémentée ici des célèbres suspensions hydrauliques qui ont fait la renommée de Citroën. Autrement dit : un châssis au guidage précis, à la tenue de route rassurante, tout en offrant un confort sans pareil… je n’apprendrais rien aux adeptes déjà convaincus par ce système inauguré il y a très très longtemps par la mythique DS des années 50, mais ce toucher de route qu’on perçoit dès les premiers tours de roues, cette sensation d’être sur un tapis volant, difficile à décrire au chaland pour qui les boules vertes n’évoqueront absolument rien…

L’intérieur est moins original et moins spectaculaire que sa ligne pourrait le laisser penser, les commodos archi connus de toute la gamme PSA de l’époque, hérités là aussi de la 407, sont toujours de la partie. Une planche de bord massive, une console centrale empruntée à sa sœur C5 première du nom, ornée d’une multitude de boutons, héritage d’une époque aujourd’hui révolue, surplombée par l’écran multifonctions du GPS, techniquement déjà dépassé à sa sortie. Avouons d’ailleurs que jusqu’à une période relativement récente, les productions nationales ont toujours eu un train de retard à ce sujet, allez savoir pourquoi…
Quelques détails sont toutefois présents pour nous rappeler que nous sommes à bord d’une voiture pas banale, comme le tachymètre par exemple : ici, point de compteurs ronds traditionnels avec des aiguilles, mais une simple bande numérique nichée derrière le volant, où apparaissent les données de vitesse bien évidemment, mais aussi le régime moteur, la jauge à carburant et tous les voyants utiles et nécessaires au bon fonctionnement du vaisseau. J’aimais beaucoup cet affichage à cristaux-liquides façon calculatrice Casio des années 80 !

On pourrait s’attarder aussi sur les vides-poches aumôniers, faits d’une belle pièce de bois en forme d’ogive, qui coulissent vers le bas pour l’ouverture, et qui remontent tout seuls en rappuyant dessus pour les refermer : du plus bel effet !

Toujours au niveau des portes, les quatre vitres sans encadrement déjà évoquées, qui s’abaissent de quelques millimètres quand on ouvre une porte, et qui remontent aussitôt quand on la referme, comme un coupé vous disais-je !

Au rayon des gadgets sympas, on remarquera l’affichage tête haute, une première à l’époque pour une voiture française, où s’affichent directement sur le pare-brise les données de vitesse bien sûr, mais aussi celles du GPS quand il est en fonction.

Autre option qui ravira les fans de gadgets : le fameux Pack Lounge. Pendant que son chauffeur l’emmène au bureau de beau matin, imaginez le chef d’entreprise qui profite du trajet pour lire Le Monde ou pour étudier les derniers résultats financiers de sa société… pour gagner de la place et être encore plus à l’aise, il n’aura qu’à appuyer sur un bouton situé au bout de l’accoudoir central, qui permettra l’avancée du fauteuil passager situé devant lui pour ce faire… la classe, non…? Ça en disait long sur la volonté à peine feinte de Citroën de cibler une certaine clientèle d’acheteurs…
À noter que ce Pack Lounge était une des deux seules et uniques options disponibles sur le niveau de finition Exclusive, avec le toit ouvrant.

Citroën C6 : pléthore d’équipements
Je ne m’attarderai volontairement pas sur les équipements qu’on est en droit d’attendre sur un véhicule haut de gamme digne de ce nom, on citera quand même, pêle-mêle, les quatre vitres électriques à impulsion, le frein de stationnement lui aussi électrique (pas automatique), le réglage en hauteur et en profondeur de la colonne de direction (en fonction des années), les sièges bien évidemment à réglages électriques et à mémoire pour le siège conducteur, la climatisation bizone, les phares bi-xénon directionnels, le GPS aidé par un son de qualité signé JBL, avec son caisson de basses logé dans le coffre. Au niveau des ambiances, nous avions le droit au choix à des sièges recouverts de velours sur le niveau de finition moins huppé Lignage, qui ne faisait pas trop haut de gamme, mais qui aura quand même su contenter quelques (rares) amateurs allergiques au cuir…
Avouons qu’un bel intérieur en cuir tendu s’imposait comme une évidence pour rajouter encore plus d’exclusivité et de classe à la belle, les plus conservateurs choisissaient volontiers le cuir noir, baptisé « Claudia », tandis que les potentiels acheteurs en quête d’un peu plus d’originalité pouvaient opter pour le cuir beige, le « Wadibis », ou même marron, « l’Alezan ». En parlant du cuir beige, sachez que cette couleur recouvrait également toute la planche de bord, jusqu’au volant, ce qui rendait l’intérieur de cette « limo » encore plus distingué, et le faisait gagner en luminosité. Au-delà d’être plus difficile d’entretien et sujet à être très salissant, effet « waouh » garanti quand on ouvre une porte, pour peu qu’il soit impeccable.

Mécaniquement parlant, qu’avait-elle de beau à nous offrir cette Citroën C6 ? Du V6 déjà, ce qui était un minimum en soit pour mouvoir convenablement cette (lourde) lady : en essence d’abord, avec le bien connu V6 ES de 3.0 de cylindrée et 211 chevaux, vu et revu dans de nombreuses productions tricolores, et du diesel ensuite, n’oublions pas qu’en 2005 nous étions encore sous l’ère du « tout mazout », et qu’il était alors inconcevable pour une grande autoroutière de ne pas proposer une « noble » motorisation diesel pour avaler du kilomètre : le moderne V6 HDI de 2.7 gavé par deux turbos d’abord, conçu en partenariat avec Ford, et développant pas moins de 204 chevaux. Moteur que l’on retrouvera d’ailleurs dans certaines Jaguar ou Land Rover, chez sa sœur la C5 II sortie en 2008, comme sur ses demies-soeurs 407 et 607.
Ce moteur convenait d’ailleurs bien mieux à la lourde Citroën C6, aidée en cela par le souffle des deux turbos, bénéficiant d’un couple plus généreux, pour un agrément nettement supérieur. La version essence était il est vrai bien à la peine sous son capot, une relative mollesse qui allait fatallement de paire avec une consommation élevée pour peu qu’on veuille profiter d’un minimum de brio à son volant, nous reparlerons d’ailleurs de la V6 essence un petit peu plus tard.

En 2009, pour remplacer la 2.7, Citroën y installera son évolution de 3.0 de cylindrée, forte cette fois-ci de 240 chevaux, pour gagner en agrément bien sûr, mais aussi pour recoller au peloton de tête des berlines luxueuses concurrentes de l’époque.
Toutes ces versions étaient exclusivement équipées de la boîte automatique Aisin AM6 à 6 vitesses, d’origine japonaise, un modèle de douceur et d’agrément, qui convenait parfaitement à la Citroën C6 et à son ataraxie naturelle, très peu de modifications esthétiques au passage : de nouvelles jantes, le pare-choc arrière adapté pour laisser passer deux sorties d’échappement ovales, des rétroviseurs plus grands afin de répondre aux nouvelles normes de sécurité en vigueur, et puis c’est tout, on ne touche pas à cette déesse…
En bas de l’échelle, Citroën proposait une moins seyante version à 4 cylindres, toujours en diesel, un excellent moteur de 2.2 lui aussi soufflé par deux turbos développant 170 chevaux. Plus roturière, moins en phase avec l’esprit et la philosophie prônés par la Citroën C6, mais pas dénuée d’intérêt, elle s’adressait plutôt aux réfractaires de la boite de vitesses automatique, cette version étant la seule pouvant être équipée d’une boîte mécanique à 6 rapports, mais aussi à ceux, plus regardants, à la consommation ou à l’entretien général qu’exige une telle auto, sans faire l’impasse sur le confort distingué qu’offrait la C6.

Citroën C6 : à bord du « Pallas »
En parlant de confort, la suspension hydraulique était également pilotée, proposant, selon l’humeur, soit le mode confort, soit le mode sport, qui générait un (très léger) raffermissement des suspensions, mais qui n’altèrerait de toute façon en rien la quiétude ressentie à son bord.
Les performances distillées par ce véritable tapis volant étaient plus qu’honorables et amplement suffisantes pour le commun des mortels, pour peu qu’on adopte une conduite paisible et coulée. De toute façon, la position transversale de ses moteurs et l’absence d’une grosse boîte de vitesses accouplée à un non moins gros pont de transmission laissant passer sans peine toute la cavalerie, l’empêchait de toutes façons de jouer les dévergondées. Oh bien sûr elle n’avait pas la pétulance ou la fougue qu’offraient les Audi A6 ou BMW série 5 de l’époque, mais la C6 était au-dessus de tout cela, et ne se rabaissait pas à ce genre de considérations chronométriques. On louera plutôt son confort de très haut niveau, le silence à son bord (merci de double vitrage), sa douceur de fonctionnement, comme l’espace dévoulu aux jambes de ses passagers ou ne serait-ce que le fait de rouler à bord d’une voiture distinguée, différente et rare. Elle s’apprécie différemment, voilà tout.
Louons également les progrès en matière de finition : la qualité des cuirs, l’aspect des plastiques de la planche de bord ou des contre-portes, la C6 ne s’en sortait pas si mal, mais de nombreux détails nous rappelaient toutefois que nous n’étions pas encore au niveau des berlines allemandes concurrentes.
Citroën C6 : baroud d’honneur

Mais est-il si difficile de l’aimer alors ? Que s’est-il passé pour qu’il s’en soit vendu si peu ? L’image de Citroën ne pourra-t-elle plus jamais être associée au haut de gamme ? Est-ce que Citroën ne sera plus jamais une marque reconnue et respectée dans le monde des voitures de luxe ? Ou alors doit-on tout mettre sur le compte de sa ligne « décalée », un tantinet baroque, tellement Citroën ?
Difficile à expliquer…J’ai souvent lu qu’elle était sortie trop tard, sous prétexte que la C6 fût dévoilée plus de 5 ans après la présentation du concept Lignage, annonciateur des grandes lignes de la future C6, que sa gestation s’etait éternisée, et qu’elle était déjà en retard sur certains aspects techniques ou technologiques dès sa sortie. Ça se tient.
La faute à un prix de vente jugé prohibitif, la C6 en effet était vendue à l’époque aussi chère qu’une Audi A6 (4F) équivalente par exemple, sans en offrir les mêmes prestations : qualité de fabrication, qualité et robustesse des matériaux employés, choix des motorisations, sans parler de l’image de marque, importantissime à ce niveau de gamme… À plus de 50000€ l’exemplaire en niveau de finition haut de gamme Exclusive, on comprendra aisément que les potentiels acheteurs n’hésitassent pas longtemps. Et dire que PSA projetait d’en écouler 20000 par ans, chiffre qui ne sera atteint qu’au bout de 7 ans de commercialisation : 23421 exemplaires exactement, un véritable échec commercial, hélas, pourtant injustement mérité, comme souvent avec les hauts de gamme made in France.
Citroën C6 : seconde chance

Et puis l’histoire se répète : trop chère en neuf, elle ravira les autres amateurs moins fortunés, (moins fous ?), mais aussi et surtout les fans inconditionnels de la marque et de ses modèles hydrauliques. Même si elle fût peu diffusée eu égard à ses prétentions initiales, on en trouve quand même assez facilement à vendre dans les petites annonces, pour le moment en tout cas.
Mais avant de succomber, à quoi faut-il s’attendre pour rouler en C6 aujourd’hui ?
Retenez que cette C6 est une diva qui sait aussi se montrer très capricieuse, ne pardonnant pas l’à peu près…Attention aux habituelles vannes EGR, et oui, il y en a deux, et celle de derrière donne des sueurs froides rien qu’en pensant à les changer, les capteurs d’ABS, ceux de hauteur, des suintements ou carrément des fuites de liquide hydraulique, le boitier thermostat d’eau, des beugs électroniques en tout genre et j’en passe…mais c’est rien ça ?
Oui, peut-être, mais quand il s’agit de changer le compteur qui se sera éteint sans vous prévenir, le bloc hydraulique de la boîte de vitesses (pensez à la vidanger régulierement et scrupuleusement), la pompe à huile ou les coussinets de bielles afin d’éviter que votre V6 HDI ne rende (trop vite) l’âme, là c’est autre chose…aujourd’hui la plupart des modèles atteignent voire dépassent allègrement les 200000 kilomètres, soyez prudents avant l’achat, mefiez-vous des modèles à moins de 3000 euros, vérifiez son historique, exigez des factures d’entretien sous peine d’être désagréablement surpris…
Faites attention également à la disponibilité de certaines pièces spécifiques, surtout intérieures, déjà difficiles à trouver dans le réseau voire plus fabriquées du tout…comme toute bonne auto française digne de ce nom, passé 10 ans, ça devient compliqué…

Maintenant si le budget alloué à l’entretien ne vous fait pas peur, n’hésitez surtout pas ! Cette voiture est déjà considérée, à juste titre, comme un collector, et très certainement comme une future voiture de collection qui intéresse depuis quelques temps déjà les férus de la marque et en attirera à coup sûr beaucoup d’autres. J’évoquais tout à l’heure les très rares C6 à moteur V6 essence, talonnées par les version 3.0 diesel, niveau prix ça commence à devenir sérieux…
Tiens…cela me fait penser à une petite histoire bien connue des collectionneurs ou des amateurs avertis : celle des Citroën « mal aimées » ou celles qui ont fait un bide commercial retentissant, vous connaissez la suite…?
Je terminerai finalement mon panégyrique comme je l’avais débuté : à la deuxième personne, en espérant que nos lecteurs comprendront et pardonneront mon manque de clairvoyance quand je parle de cette déité qui m’inspire tant : « tout le monde te trouve laide, alors que moi je te trouve belle, tout le monde se fout de toi, pendant que je te défends bec et ongles, tu m’as toujours fait dépenser un argent fou en entretien, mais quand on aime…seuls ceux qui te conduisent me comprennent…Les rares fois où je te croise, mes yeux ne regardent que toi, je t’ai déjà possédée par deux fois, et puis ne dit-on pas « jamais deux sans trois »…?
