Le Nouvel Automobiliste
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Regards croisés avec deux designers sur l’avenir du style Citroën

Les dernières actualités du design Citroën sont nombreuses : départ de son responsable Alexandre Malval pour Mercedes-Benz, arrivée de son successeur Pierre Leclercq en provenance de Kia, et en toile de fond le prochain cycle de style des chevrons. En effet, après avoir déployé une identité « C4 Cactus » à toute la gamme, un nouveau style, issu du concept CXPerience, est attendu dans les prochaines années. Sans oublier que l’année prochaine est une année particulière avec le centenaire de la marque… Pour en parler, nous avons rencontré les responsables des intérieurs Citroën, Jean-Arthur Madelaine-Advenier, ainsi que des extérieurs, Cyril Pietton.

The Automobilists : L’arrivée d’un nouveau responsable du style pour Citroën, suite au départ d’Alexandre Malval, est-ce que cela change quelque chose pour vous ?

Jean-Arthur Madelaine-Advenier : Nous sommes à la fois tristes qu’Alexandre s’en aille et contents que quelqu’un de nouveau arrive. Cela amène forcément un peu de fraîcheur ainsi qu’une vision différente. J’ai pour ma part déjà travaillé avec lui.

Cyril Pietton : Personnellement je ne le connais pas, ce sera la surprise ! Il sera le bienvenu, on fera en sorte que tout se passe bien car ce n’est pas non plus évident pour lui.

TA : Pourquoi cela ? Est-ce parce que les tendances installées par M. Malval sont fortes et désormais présentes dans toute la gamme, tel le triple regard frontal ?

CP : Alexandre a participé à toute cette gamme actuelle en effet, et il a entamé aussi la prochaine génération, une partie en tout cas. Les voitures jusqu’à l’horizon 2020/21 sont déjà en partie gelées et l’on ne peut plus que difficilement les retoucher dans certains cas, même si tout est possible.

TA : A propos du design extérieur, on sait que les voitures sont toujours plus équipées en aides à la conduite mais ce sont autant de radars ou de caméras à réussir à intégrer dans les façades, non ?

CP : Cela devient très dur ! Pour les façades, cela devient complexe de dessiner une voiture car il faut prendre en compte les chocs pour les crash-tests, les ADAS, des radars qui sont difficilement maniables car ils ont des orientations définies de 3 à 4 degrés maximum. Ce sont leurs emplacements qui sont complexes à gérer, leur inclinaison, et pour nous ensuite de parvenir à amener nos volumes et nos intentions.

TA : Côté intérieurs, on remarque que ce qui a été amené par Citroën ces dernières années, ce sont notamment des motifs tels les sangles de malletiers, ainsi que les choix de couleurs et matières très francs et parfois audacieux. Comment est née cette inspiration et vers quoi peut-elle évoluer ?

JAMA : C’est quelque chose que nous avons mis en place avec la Cactus qui était vraiment la pièce maîtresse, le début d’une histoire d’un nouvel ADN. Maintenant nous arrivons à une gamme qui a les mêmes codes, qu’importent les segments, avec le même rapport au confort, avec des matériaux décalés, des notes de l’univers de la bagagerie, mais nous sommes complètement ouverts à ce que cet ADN évolue et qu’il aille vers d’autres terrains.

TA : Chez Peugeot sur le concept e-Legend, le velours est mis à l’honneur. Citroën a été de ceux qui ont utilisé cette matière très longtemps, jusqu’à la fin des années 2000. Allez-vous revenir vers ce genre de matières dont on avait l’habitude par le passé ?

JAMA : Pas forcément le velours mais il y a des matériaux vers lesquels on peut revenir. Les problématiques ne sont pas forcément les mêmes car nous ne sommes pas dans les mêmes catégories de prix, mais nous efforçons de trouver des matériaux nouveaux, chaleureux, qui amènent du confort et qui soient aussi contraints en prix de revient. Nous essayons de mettre le matériau juste au bon endroit pour vraiment favoriser confort et bien-être à bord.

TA : Vos périmètres sont bien définis : M. Pietton pour l’extérieur et M. Madelaine-Advenier pour l’intérieur. Comment travaille-t-on au style d’une marque et de ses voitures avec des périmètres si séparés ?

JAMA : Nous avons une zone grise [rires] : une fois qu’on passe les caoutchoucs [d’entrée de portes NDLR], c’est chez lui c’est chez moi ! Cela arrive à Cyril de regarder ce que je fais, mais je regarde souvent ce que préparent les équipes d’extérieur, et je demande souvent à mes designers de prendre des intérieurs, de les coller dans les extérieurs non encore finis, et de voir s’il y a bien une cohérence, une homogénéité inter/exter. C’est très important. Je pense qu’on s’influence des deux côtés.

CP : C’est vrai, notamment en avance de phase pour les concepts-cars. C’est plus difficile pour les voitures de production.

JAMA : Mais nous avons des contraintes et des qualités qui sont différentes. Nos designers ne sont pas les mêmes.

TA : Cela représente des équipes de combien de designers pour chacun ?

CP : Nous sommes une dizaine pour l’extérieur.

JAMA : Une dizaine aussi pour l’intérieur proprement dit, après nous avons des ingénieurs studios, des modeleurs qui modélisent en 3D, des équipes pour les détails type phares, jantes…

CP : Sans oublier couleurs et matières qui ont un département séparé.

TA : Faites-vous toujours des maquettes d’habitacles pour modéliser les formes ?

JAMA : Nous en faisons toujours mais nous utilisons beaucoup la réalité virtuelle, les CAVE et les lunettes de réalité virtuelle pour très rapidement vérifier ce que l’on dessine en numérique en étant dans la voiture. C’est une immersion avec un cockpit dont on a besoin encore plus que pour l’extérieur.

CP : C’est moins évident pour le design extérieur mais nous y avons recours aussi. Nous regardons davantage les lignes de lumière et pour cela, le virtuel reste encore un peu aléatoire. Mais la technologie va évoluer : elle va tellement vite, c’est une question d’années ou peut-être moins !

JAMA : Pour nous c’est tout le contraire : il y a encore peu nous ne dessinions que des intérieurs, mais c’est toujours très frustrant car ce sont des vues que l’on n’a jamais une fois à bord. C’est une pers’, comme si l’on avait coupé le toit ou que l’on regardait la voiture depuis l’extérieur.

TA : De la même façon qu’on dessine les extérieurs avec d’immenses roues…

CP : Et des projections vues au ras du sol oui ! La réalité virtuelle, pour y revenir, c’est vraiment le futur.

TA : Deux Berlingo sont commercialisés : un VP, un Van. Ils n’ont pas la même face avant. C’est une volonté forte de vouloir différencier ces deux modèles et leurs usages ? Et si oui, quelles sont les conséquences pour les designers ?

CP : Cela a été une volonté dans ce cas précis, mais ce n’est pas une règle. Changer la face avant du Berlingo était voulu, mais c’était complexe. Il ne faut pas oublier que c’est un modèle conçu en partenariat avec d’autres marques, et nous partageons des ailes communes par exemple. Mais nous voulions aussi clairement nous lâcher sur le VP et je pense que c’était nécessaire, pour donner une nouvelle « bouille » au Berlingo, ou un côté moins camionnette qui pouvait rebuter peut-être certains clients.

TA : Quand vous voyez la démarche de Casalini qui a pris la base d’un Jumper et lui a donné un aspect de Type H, est-ce un projet que vous regardez avec intérêt et qui vous donner des idées ?

CP : C’est sympathique, j’aime bien la démarche.

JAMA : Mais en tant que designers nous ne sommes pas forcément dans le rétro-design.

CP : La philosophie de Citroën, c’est aller de l’avant, regarder le futur, et y aller, en cultivant le passé.

TA : Surtout peut-être l’année prochaine : 2019, année du centenaire… ?

CP : Nous essaierons sûrement de faire des réponses dignes d’André Citroën, c’est-à-dire toujours regarder vers l’avant.

TA : Merci messieurs !

Crédit photos : The Automobilists

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