C’est l’annonce retentissante de la nuit et de cette fin d’année 2019, Carlos Ghosn, l’ancien dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi déchu et mis en accusation au Japon pour fraude fiscale notamment a échappé aux autorités nipponnes et s’est enfuit direction le Liban.
Résidence (pas si) surveillée ?
Cette évasion rocambolesque ne s’est pas passée la nuit dernière mais sur la période de dimanche à lundi et ses circonstances sont, à ce jour, encore très confuses. Carlos Ghosn avait été libéré de prison au printemps dernier et vivait depuis à Tokyo. Ses passeports ayant été confisqués par la justice japonaise et confiés à ses avocats, il n’avait donc pas, légalement, la possibilité de quitter le pays et était par ailleurs soumis à un certain nombre de contraintes, par exemple celle réglementant la durée passée en dehors de sa résidence ou celle lui interdisant strictement de voir sa femme. Une interdiction qui, selon Les Echos, pourrait être l’une des motivations majeures de sa fuite.
Selon les informations qu’il a lui-même communiqué à son arrivée à Beyrouth, Carlos Ghosn est parti du Japon et a rejoint le Liban avec un appareil privé via la Turquie. Mais il ne donne pas plus de précisions. Selon toute vraisemblance c’est en utilisant une fausse identité que l’homme d’affaire aurait pu embarquer à Tokyo en trompant les autorités locales. Sa destination finale, en tout cas pour le moment, n’est pas à proprement parler une surprise puisque Carlos Ghosn possède aussi la nationalité libanaise. En outre, détail important, il n’y a pas d’accord d’extradition entre le Liban et le Japon. Tout cela ressemble donc à une authentique évasion qui semble avoir été préparée et planifiée avec soin, sans doute depuis un bon moment.
Réactions diverses mais étonnement généralisé
La première de ces réactions est celle de l’évadé lui-même qui a officiellement communiqué peu de temps après être arrivé à Beyrouth :
« Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l’otage d’un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité, où la discrimination est généralisée et où les droits de l’homme sont bafoués, cela au mépris absolu des lois et traités internationaux que le Japon a ratifiés et qu’il est tenu de respecter. Je n’ai pas fui la justice – je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine ».
Carlos Ghosn
Carlos Ghosn réitère ainsi les accusations qu’il avait déjà à plusieurs reprises proférées, pointant du doigt la justice japonaise et sa partialité mais faisant aussi référence, plus indirectement mais là encore comme il l’avait déjà de nombreuses fois affirmé, à des soupçons de complot à son encontre.
De son côté, son principal avocat Junichiro Hironaka, qui a appris la nouvelle par la presse, a immédiatement fait part de sa grande surprise en se disant « abasourdi » mais surtout de son indignation, considérant que son client avait adopté une attitude « inexcusable ». Une surprise d’autant plus importante pour Hironaka qu’il était en pleine préparation du procès à venir (courant 2020) avec son client.
Ni le gouvernement, ni la justice japonaise n’ont en revanche jusqu’ici réagi. Nul doute qu’ils le feront en dénonçant la fuite de Carlos Ghosn comme un aveu de culpabilité et, très probablement aussi en délivrant un mandat d’arrêt international.
Et maintenant ?
Comme nous l’évoquions un peu plus haut, Carlos Ghosn devait voir son procès devant la justice japonaise se tenir dans les mois à venir. Ce dernier devrait d’ailleurs avoir lieu, avec ou sans la présence de l’intéressé. Mais ce qui focalise désormais toutes les attentions c’est la parole de Carlos Ghosn lui-même. Son communiqué annonçant une conférence de presse dès la semaine prochaine, on est naturellement en droit d’y attendre, a minima, quelques explications circonstanciées sur la fuite, et, probablement aussi, d’éventuels nouveaux éléments de preuve dans le complot dont il se dit victime. Néanmoins, l’entourage du fugitif a également annoncé qu’il ne se prononcera pas tant que les autorités japonaises ne l’auront pas fait.
De son côté l’État français a également fait part de sa surprise ce matin par la voix d’Agnès Pannier-Runnacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, en affirmant toutefois que Carlos Ghosn, en tant que ressortissant français, bénéficiait naturellement du soutien consulaire de Paris. On n’oubliera cependant pas que la justice française a également ouvert une enquête sur le financement de son mariage.
Le feuilleton Ghosn, déjà bien étoffé en nombre d’épisodes, n’est donc pas près de voir son dénouement et devrait nous tenir en haleine tout au long de l’année
Via AFP, Reuters Les Echos, Le Monde, L’Orient-Le Jour