Le Nouvel Automobiliste
Matthias Hossann Peugeot 408

Rencontre avec Matthias Hossann, directeur du style Peugeot

Directeur du style Peugeot depuis près de 18 mois, Matthias Hossann a suivi l’intégralité du programme qui a vu naître la Peugeot 408. En effet, c’est dès 2015 que le Design et les équipes d’avance de phase présentaient à la direction de la marque l’idée d’une berline haute et dynamique. Une idée qui a fait son chemin et qui aboutit aujourd’hui à la nouvelle 408. Au point d’en faire un véritable objet de design ? Réponses à suivre.

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Le Nouvel Automobiliste : Est-ce la première Peugeot qui naît sous « l’ère » Matthias Hossann à la tête du style Peugeot ?

Matthias Hossann : Je ne vais pas trahir de secret, j’ai l’avantage d’avoir déjà été au sein de la marque Peugeot avant. Sous mon ancienne casquette, j’étais en charge des concepts-cars et de l’avance de phase et ce projet, la nouvelle 408, est un projet que l’on mûrit depuis un petit moment. Je suis arrivé en 2013 et c’est un projet qu’on a commencé en 2015, sans bien entendu avoir le style qu’on présente aujourd’hui, mais déjà l’idée de cette nouvelle morphologie. Souvent, ce sont des objets qu’on se refuse à montrer mais cette fois, on pensait que c’était intéressant de présenter le Manifeste qui a guidé nos idées, cette maquette non pas pour parler de style parce que le style a évolué bien entendu, mais pour parler de la silhouette, de ce concept d’objet un peu nouveau.

LNA : Cela fait donc 7 ans que Peugeot réfléchit à la 408.

MH : Oui, c’est un concept qu’on a travaillé très tôt, très en amont. J’ai contribué à la phase amont, mais ensuite c’est bien sûr un travail d’équipes. J’ai plutôt agi à la fin de la conception de ce véhicule.

LNA : Est-ce à ce moment qu’a eu lieu le rapprochement et la mise en commun de pièces avec la 308 ?

MH : Pour certains éléments, c’est prévu dès le début du programme. Prenez l’i-Cockpit, dès le départ on savait qu’on aurait cette silhouette à travailler autour. On a même travaillé le cockpit en pensant d’abord à la 408, et ensuite on l’a injecté dans la 308, et pas l’inverse. C’est la 408 qui a tiré la 308, qui donnait une vision. Et pourquoi ? Parce que 408 porte, je pense, parfaitement les valeurs d’inventivité de la marque Peugeot, pour essayer de se rechallenger en permanence, même sur les segments très compétitifs comme avec la 308, où on a montré qu’on savait aller au-delà du hatch traditionnel. C’est pour ça que l’intérieur, qui est donc partagé avec 308, dès le départ a été conçu en ayant en tête cette 408.

LNA : Cela fait longtemps que Peugeot n’avait pas défriché de nouveaux segments ?

MH : Je pense que cette 408 est aussi la belle expression de comment on a envie de travailler avec cette marque. On parle d’inventivité, d’allure, d’attitude sur le véhicule, et 408 est le parfait exemple de la direction que l’on souhaite prendre dans le futur pour la marque Peugeot, c’est-à-dire une marque qui sait se réinventer, en fonction des segments, en proposant une offre qui réponde aux attentes de nos clients. Derrière un bel objet, il y a forcément des attentes de nos clients, qui sont en attente d’expériences nouvelles, et on pense que cette 408 correspond à cette demande.

LNA : Chez Renault, le Scénic IV était présenté comme « la voiture que l’on choisirait après avoir conduit un SUV ». Est-ce le rôle destiné à cette Peugeot 408 ?

MH : En fait, je ne dirais pas l’après-SUV. Cela correspond à un nouveau genre d’objet, les clients SUV ont certaines attentes, ceux d’une berline classique aussi, et là on ne compense pas un manque entre un SUV ou une berline, car c’est vraiment autre chose. Et cela s’articule sur cette architecture nouvelle : c’est vrai qu’il y a des éléments qui viennent du monde des SUV, dont toute la partie basse de carrosserie et les tailles de roues, mais il y a aussi très peu compromis à l’image de l’accessibilité au rang 2 et du volume de coffre qui sont d’un très bon niveau. Mais en tout cas, je ne pense pas que ce soit pour remplacer ou compenser les besoins d’un SUV : c’est pour une clientèle dans l’attente d’un nouvel objet. Et on le voit bien, au quotidien, nous sommes tous extrêmement stimulés et la nouveauté est importante pour un consommateur. C’est pour ça que je pense que cette 408 répond à cette demande de nouveauté ou de différence.

LNA : En interne, défricher de nouvelles tendances doit être un casse-tête quotidien. Partir vers de nouvelles silhouettes de berlines surélevées, vous y réfléchissez depuis 2015 seulement ou bien avant même ?

MH : En fait, c’est un cercle, une réflexion continue. En tant que designer, on aime challenger, ce qui nous semble être conservateur dans l’approche. C’est à peu près depuis 2015 qu’on réfléchit à cet objet, pas forcément en termes de design mais plutôt en termes d’architecture, d’espace à bord, qui a permis de construire l’architecture qu’on présente aujourd’hui. Et puis après, pour parler d’esthétique, venir avec un nouvel objet mais le traiter de manière trop consensuelle ou conservatrice, aurait été je pense à l’encontre de ce concept. C’est pour ça qu’on a choisi de développer un concept de design fort, dédié à cette 408.

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Pleins phares sur Matthias Hossann et la Peugeot 408

LNA : Avoir intégré la 408 au programme P5 de la 308, c’était donc une contrainte d’organisation ou au contraire une chance pour être sûr que le modèle sorte ?

MH : Sans trahir de secret, au sein du Groupe Stellantis, on travaille par programmes. Et c’est une sorte de boîte à outils qu’on a au sein de ces programmes pour travailler à la différenciation entre marques, bien entendu, et au sein d’une même marque pour différencier chacune des silhouettes. J’ai envie de dire que c’est l’opportunité de Stellantis avec ses plateformes, et on le voit puisqu’on partage pas mal d’éléments communs avec 308, et en même temps l’architecture est totalement différente sur cette 408, grâce à la plateforme qui accueille cette diversité.

LNA : Si la 408 avait dû être un projet isolé façon DS 5, elle n’aurait pas pu voir le jour donc ?

MH : Aujourd’hui, on est face à une logique de rentabilité industrielle. Mais c’est là où c’est intéressant car il y a un vrai travail de designer, c’est-à-dire : comment on va réussir à jouer avec un outil industriel pour faire naître ce type d’objet ? C’est tout l’enjeu des programmes et en tant que marque Peugeot, pour faire vivre des 308 mais aussi rechallenger le segment traditionnel des compactes, et à la fois faire naître ce type de silhouette.

LNA : Je reviens à Renault et à Patrick le Quément qui estimait qu’après des décennies où le style habillait les voitures conçues par des ingénieurs, les stylistes avaient pu dicter leurs choix à l’ingénierie à partir de la fin du XXe siècle. N’êtes-vous pas maintenant dans un troisième temps, celui d’une rencontre et d’un travail pas à pas, stylistes et ingénieurs ?

MH : Eh bien, on parlait auparavant de style automobile puisqu’on partait d’une architecture qu’on venait habiller stylistiquement. Mais je pense que le rôle du designer, notamment demain, est extrêmement important et c’est pour ça qu’on travaille main dans la main avec les équipes du produit, du marketing, de l’ingénierie, pour comprendre les besoins futurs des clients qui bougent de façon incroyable ces derniers temps, et je pense qu’il n’y a que par cette compréhension et de sa traduction dans l’outil industriel, qu’un designer peut s’exprimer. Souvent ça peut être pris comme une contrainte, mais je prends plutôt ça comme une opportunité : une fois que je comprends le monde dans lequel je vis et l’outil avec lequel je peux créer de nouvelles silhouettes, c’est une opportunité car on va pouvoir créer cette diversité d’objet au sein du Groupe.

LNA : Le tout en répondant à des envies en Europe mais aussi en Asie : n’est-ce pas la première fois que vous avec un modèle 100 % au niveau des goûts internationaux ?

MH : On a à chaque nouveau produit qu’on dessine l’idée d’internationalisation : c’est quand même la raison d’être de Peugeot. Le fait d’avoir des antennes du style Peugeot en Chine, au Brésil, est une chance qui nous permet aussi d’interagir avec les équipes localement et d’évaluer si ce que nous préparons en Europe leur parle ou pas du tout. Ce sont des échanges quotidiens, et en effet il y a tout de suite eu cette démarche internationale dès lors qu’on a pensé à cette 408.

LNA : La contribution des équipes chinoises et brésiliennes se remarque dans le véhicule final ?

MH : Je dirais que c’est un projet qui a plutôt été piloté en Europe mais on aura deux sites d’industrialisation, en France et en Chine, et en termes de prestations globales du véhicule, on a recueilli les besoins de chacune des plaques pour pouvoir les intégrer dans le projet.

LNA : A quoi s’attendre chez Peugeot ces prochaines années ?

MH : Je ne peux pas donner de date, mais cette nouvelle 408, au-delà de l’objet c’est-à-dire son esprit, son inventivité, c’est vraiment l’état d’esprit et la dynamique dans laquelle nous nous trouvons chez Peugeot. Il y aura de belles surprises prochainement, qui en diront un peu plus sur la suite de la marque, qui préfigurent de belles choses pour son avenir.  

LNA : Quand on a été responsable des concepts-cars, ne pas avoir sorti d’étude ou de showcar pendant 4 ans doit être long, non ?

MH : C’est vrai ! On a vécu une période un peu étonnante pour tout le monde… C’est vrai que ça fait 4 ans déjà ! Un concept-car pour moi et c’est parce que je tiens naturellement aux concepts-cars, j’ai grandi dans cet univers, pour moi c’est un outil formidable pour parler d’une marque et présenter, projeter la vision du futur d’une marque. On aura encore des concepts-cars chez Peugeot, parce que ce n’est pas qu’un outil de plaisir pour les designers, mais bien un outil pour projeter la marque dans le futur et donner quelques indications sur le futur. C’est dans la même démarche qu’on a présenté la maquette « Manifesto » du projet P54 car on a des productions en interne, il n’y a donc pas de frustration de ne pas avoir de concepts-cars récents.

LNA : Ultime question, plus biographique : votre premier concept-car chez Peugeot, c’était…

MH : en 2014, le concept Quartz.

LNA : Merci Monsieur Hossann.

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Photos : Fabien Legrand

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