Issues d’un partenariat entre PSA et Toyota, la triplette que constituent les Citroën C1, Peugeot 107 puis 108 et Toyota Aygo ne devrait pas survivre à l’issue de la deuxième génération qui s’éteindra en 2021. L’alliance nouée entre le français et le japonais va se recentrer autour de la construction de véhicules utilitaires légers ; l’usine TPCA sera reprise par Toyota.
Naissance de triplées de TPCA
A leur sortie en 2005, les 3 mini-citadines doivent répondre à un trou laissé béant dans le catalogue de leur constructeur respectif. Les Citroën Saxo et Peugeot 106 reposant sur une plateforme antédiluvienne de Citroën AX ont en effet déserté le catalogue dès 2003, alors que Toyota ne propose aucune alternative en-dessous de la Yaris. Pour offrir les meilleures prestations de compacité (3,43 m) tout en permettant aux budgets les plus serrés de pouvoir s’offrir la voiture, PSA et Toyota décident donc d’unir leurs forces pour développer une toute nouvelle plateforme économique, par un partenariat dont les grandes lignes ont été écrites dès 2001 par un accord bipartite signé entre les PDG des deux groupes de l’époque, Jean-Martin Floz et Fujio Cho. Il faut dire que la coopération revêt une importance toute particulière, car en plus du développement des véhicules, elle inclut la création d’un tout nouveau moyen de production.
Kolin, un site de production franco-japonais
C’est donc à Kolin, en République Tchèque, que les deux groupes ont décidé de bâtir leur nouveau centre de production. Du premier coup de pioche au printemps 2002, 3 années ont été nécessaires au total pour bâtir l’usine, qui est exploitée depuis sous la bannière TPCA (Toyota Peugeot Citroën Automobile), du nom de la coentreprise créée pour l’occasion entre les deux constructeurs. Avec les 21 hectares qui la composent, l’usine, d’une capacité de 300.000 véhicules produits annuellement, se veut, à l’image de celles qu’elle assemble, un modèle de compacité – l’atelier de montage à lui seul affiche une superficie inférieure de 40 % par rapport à l’usine PSA de Trnava construite presqu’au même moment, et à la capacité pourtant comparable.
En fait, et aussi surprenant que cela puisse paraître à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’usine de Kolin est née en même temps que l’intention d’un constructeur français et d’un constructeur japonais de collaborer pour faire converger leurs meilleures pratiques ; la finalité de l’opération étant d’aboutir à un système de production efficient, permettant de fait d’obtenir la nécessaire – mais ô combien difficile – rentabilité sur un segment A aux marges traditionnellement faibles.
De cette synergie franco-japonaise, Toyota comptait, en plus de pouvoir enfin accéder au marché des mini-citadines sur le marché européen, bénéficier de l’expertise du Groupe PSA en matière d’achats sur cette région. Réciproquement, les équipes françaises voulaient pleinement profiter du savoir qui pourrait émerger de l’implantation du TPS (Toyota Production System) à Kolin – en d’autres termes, tout un ensemble de techniques de production au service de l’optimisation de l’efficacité, qui est assurément une discipline où les japonais peuvent se targuer d’être champions du monde. Il est à ce titre frappant de remarquer que le nouveau système de production de PSA, reprenant un grand nombre des préceptes du TPS, a été inauguré juste après la mise en service de l’usine de Kolin.
De bonnes pratiques issues du système de production de Toyota, l’usine TPCA n’en manque pas. La politique du zéro défaut y est omniprésente. Partant du principe qu’il est toujours plus économique de corriger un problème là où il prend sa source plutôt que d’effectuer des retouches en fin de ligne, l’atelier de montage peut être interrompu à tout moment par signalement d’un défaut via une corde appelée Andon située en bord de ligne. La technique est maintenant généralisée sur tous les sites de production PSA, comme celui de Rennes qui assemble le C5 Aircross. Par une stratégie d’approvisionnement et de livraison des pièces sur la chaîne en une seule tournée (milk run), c’est bien la consommation aval qui pilote les approvisionnements – on parle de flux tiré. Dans une démarche d’amélioration continue, l’usine cherche à réduire au maximum ses déchets, et est toujours dans un process d’optimisation de l’existant. Enfin, à l’image des autres sites de production Toyota, l’usine tchèque fait la part belle au management visuel. Napoléon disait « [qu’un] bon croquis vaut mieux qu’un long discours », et la philosophie Toyota se rapproche grandement de cette idée. Partout dans l’usine des indicateurs colorés viennent assister les opérateurs dans le choix de la bonne pièce à monter ou dans la gestion des approvisionnements. Déformation professionnelle ou incarnation du génie culinaire français jusque dans les cuisines de Kolin, toujours est-il que les indicateurs visuels se taillent même une place dans la cantine, où ils viennent indiquer à quel point les plats sont épicés !
Les équipes PSA, sans forcément appliquer toutes ces règles dans leur intégralité, auront su, au moins dans un premier temps, reprendre pour leur compte beaucoup d’idées afin de les exécuter sur d’autres sites d’assemblage. Inversement, Toyota se sera aussi accommodé de certaines pratiques de chez PSA améliorant le coût de production. La firme nipponne, à titre d’exemple, a ainsi déployé sur toutes ses usines une astuce consistant à ne plus peindre les parties invisibles de la voiture. En considérant qu’une voiture se pare généralement de 5 kg de peintures, les économies réalisées à l’échelle de la production mondiale peuvent rapidement devenir substantielles.
Le déclin irréversible des ventes de mini-citadines
Le probable arrêt de la collaboration entre PSA et Toyota sur le segment des mini-citadines doit résulter en grande partie de l’essoufflement des ventes de la catégorie, aussi bien que de celui des trois voitures assemblées à Kolin. La réalité des ventes est implacable. Lors de sa première année pleine de commercialisation, le trio tutoyait déjà le seuil des 300.000 unités. Il sera encore plus près d’être atteint en 2007, dépassé en 2008, et même largement dépassé en 2009, dans un contexte, en France, de prime à la casse fortement favorable aux mini-citadines où les ventes auront été boostées par des aides fiscales persuasives.
Il faut d’ailleurs remarquer que 2008, 2009 et 2010 sont les seules années où les versions Peugeot et Citroën auront pris l’ascendant sur la Toyota Aygo, signe de leur performance commerciale sur leur marché domestique. Elles ont depuis cédé le pas à la Toyota Aygo qui, dans sa deuxième mouture, réalise entre 42 et 45 % du mix de production, alors que les prévisions initiales tablaient sur une égale répartition pour les 3 marques. Cet écart est d’ailleurs à l’origine du non-restylage des Citroën C1 et Peugeot 108, quand la nipponne s’est offerte une petite mise à jour cosmétique l’an passé. Voilà qui constitue une première piste quant à l’abandon du partenariat. La deuxième, mise en exergue par le même graphique, est évidemment, et quel que soit le modèle, la forte tendance baissière des ventes. Le constat est sans appel : entre 2009 et 2013 la chute est violente, et le nombre d’unités écoulées a pratiquement été divisé par deux à 176.000 voitures.
L’arrivée de la nouvelle génération du trio dans le courant 2014 – plus confortable, plus polyvalente avec l’arrivée du moteur 1.2 PureTech 82, plus valorisante, disponible avec un toit en toile – n’a offert qu’un sursaut temporaire aux données de ventes. L’année 2015 constitue le meilleur millésime pour la triplette, avec plus de 218.000 voitures mises à la circulation. Il ne reste pas moins que l’on est très éloigné des valeurs de la fin de la décennie précédente, et que le répit n’a été que de très courte durée puisque la tendance est à nouveau baissière sur 2016 et 2017, et devrait se poursuivre sur 2018.
Ces piètres performances s’inscrivent dans une dynamique de fond pour le segment des mini-citadines. Face aux restrictions de circulation de plus en plus menaçantes dans les grandes villes, l’intérêt suscité par des véhicules de plus en plus compacts s’amoindrit. Pour qui continue à avoir besoin d’un véhicule, le choix se fait alors vers un modèle plus polyvalent de la catégorie supérieure. Lesquels, par des séries spéciales d’entrée de gamme à l’image de la Peugeot 208 Like, se sont souvent attelés à capter la clientèle historique des mini-citadines. A cette concurrente provenant du haut dans la gamme pourrait rapidement se joindre une concurrence venant du bas. A l’aube du développement de l’autopartage en milieu urbain, l’existence de véhicules 100 % électriques très compacts, à mi-chemin entre le quadricycle lourd et la voiture se fait de plus en plus sentir. Parmi les constructeurs les plus en alerte sur cette thématique, nous trouvons… PSA et Toyota ! Par leurs études i-Road et EU-LIVE, ils veulent prouver l’existence d’une nouvelle catégorie dédiée à la mobilité urbaine de demain.
C’est donc à dessein que Toyota et PSA devraient arrêter en 2021 la production des C1, 108 et Aygo, du moins dans leur définition actuelle. Si l’usine de Kolin ne sera plus dédiée à la production de la triplette, Toyota devrait racheter toutes les parts de PSA dans la coentreprise TCPA pour y produire de nouveaux modèles. Renault et Smart, qui s’étaient associés pour les nouvelles générations de Fortwo, Forfour et Twingo devraient eux-aussi prendre un chemin similaire, en abandonnant les motorisations thermiques pour leurs futures offres sur le segment A.
Les futures collaborations entre PSA et Toyota
L’arrêt de la production des triplées ne semble pas froidir pour autant les relations entre les deux groupes français et japonais. Loin s’en faut, puisque la collaboration entre les deux firmes sur le segment des véhicules utilitaires – déjà existante grâce au Toyota PROACE, qui n’est autre qu’un Citroën Jumpy ou Peugeot Expert rebadgé et basé sur la plateforme EMP2 – devrait s’étendre, par la production d’un nouveau véhicule estampillé Toyota sur le site de Vigo. D’ici à imaginer un cousin aux nouveaux Citroën Berlingo Van ou Peugeot Partner, il n’y a qu’un pas que nous serions aisément tentés de franchir. Rendez-vous d’ici quelques mois !