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Essai McLaren 720s Spider

La McLaren 720S Spider ou la Recherche de l’Absolu

Retrouvez notre article en podcast :

Les récentes difficultés financières de McLaren ne doivent pas jeter le voile sur l’impressionnant chemin accompli par la marque britannique depuis 2011, et la création d’une gamme complète de super sportives signées de sa griffe. Chaque nouveauté dépasse les contraintes techniques et les lois de l’aérodynamique pour un résultat tout bonnement bluffant. Preuve en est avec la 720S Spider, une démonstration de force où l’ingénierie de pointe repousse les limites de la physique.

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McLaren 720S Spider : La Recherche de l’Absolu

La quête qui emporta Balthazar Claës dans le roman de Balzac semble tenir de règle intangible chez McLaren, où chaque modèle tend à se rapprocher d’une parfaite alchimie entre efficacité, sportivité, et sensations de conduite. La gamme 720S, née en 2017, se situe à mi-chemin entre les Sports Series (GT, 600LT) et les Ultimate Series, les plus radicales (Senna, P1, Speedtail). Un positionnement, baptisée Super Series, justifié par des moteurs surpuissants -720 chevaux !- mais qui demeurent utilisables au quotidien. En somme, un mix idéal. Mais qu’en est-il réellement ?

Nous n’avons eu que quelques petits quarts d’heure pour le découvrir, et dans des conditions climatiques assez peu optimales puisque dominées par un ciel menaçant et des routes fort mouillées. Cela n’en rend le baptême en McLaren que plus excitant et incite à la prudence autant qu’à l’humilité. Avant même d’éveiller son monstrueux V8 biturbo de 4,0 l, issu du bloc 3,8 l présent dans d’autres modèles de la marque, la McLaren 720S sait imposer le respect à son conducteur en l’obligeant à se contorsionner pour s’installer dans son baquet. Soulever la portière en élytre, à la poignée délicatement dissimulée dans le pli de carrosserie guidant le flux d’air vers les radiateurs, vous place tout de suite dans l’ambiance : cette voiture est une supercar.

Essai McLaren 720s Spider

Passagers du vent

Tout le design de la voiture est sculpté par les contraintes aérodynamiques, dans les moindres détails. Les optiques par exemple : leur position sert d’entrée d’air pour refroidir les freins et à plaquer la voiture au sol, via un flux d’air guidé vers les roues et sur les côtés. Le pare-brise positionné très en avant et en bulle offre à la voiture une forme de goutte d’eau, la plus aérodynamique qui soit.

La structure « bassine » en fibre de carbone, ouverte en partie haute, est identique entre Spider et Coupé. De cette façon, aucun renfort complémentaire n’est ajouté à la version Spider qui, une fois le poids du mécanisme de son ouvrant ajouté, ne pèse à sec que 1332 kg ! Côté pratique, l’essentiel est préservé avec un coffre de 208 litres sous le capot avant, et même une caméra de recul -salutaire- pour les manœuvres.

Cockpit d’avion de chasse

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Plus que bien des voitures, une fois au fond de votre baquet carbone, la McLaren laisse imaginer ce que sera sa conduite. Nous sommes à mille lieux des sportives aux intérieurs « pratiques » : ici, tout est clair, dédié au conducteur et à la performance. Cela se traduit par la console flottante centrale, orientée vers le pilote, mais aussi par le combiné d’instrumentation qui offre deux positions : « classique » avec compte-tour et indications multiples sur une dalle numérique TFT ; et « circuit », uniquement avec le mode de conduite « Track », qui ne présente que le rapport engagé, le régime moteur et l’allure ! Le premier mode affiche un large écran numérique légèrement incliné vers le bas pour être parfaitement dans l’axe de vision du conducteur assis très près du sol, tandis que le passage au mode « Track » fait physiquement basculer le tableau de bord pour ne plus laisser apparaître qu’un fin bandeau d’informations. La cinématique de ce mécanisme est surprenante mais délicieusement valorisante.

Le volant, à la jante très épaisse et entièrement garnie d’Alcantara, ne se règle qu’en hauteur, pas en profondeur, tandis que le baquet ne se règle qu’en longueur, pas en hauteur. Tout l’environnement est pensé en véritable poste de pilotage, de façon minimaliste sans être dépouillé. Même les aérateurs semblent directement venir d’un prototype de compétition. Pas de place non plus pour les distractions numériques : l’écran central se limite à un GPS et un affichage de climatisation (notez le casque pour identifier le pilote !) ; les manipulateurs à côté de l’écran sont là pour les réglages de conduite. On y trouve alors la possibilité de procéder à des réglages de contrôle de la transmission, de comportement routier et d’éléments d’aérodynamisme. En bas de console, on trouve les sélecteurs de boîte et les feux de détresse ainsi que le bouton « Launch control » ou encore les commandes de toit. Et le gros bouton rouge central ? Evidemment, c’est le déclencheur de la furie mécanique !

Faut r’connaître, c’est du brutal

Vous vous en doutez : quand le V8 s’ébroue, tout le monde le sait ! Aucune discrétion n’est de mise, encore moins quand on est à bord ! C’est qu’on a le moteur juste derrière soi et que la chasse au poids a conduit à la réduction à presque rien des isolants sonores que l’on peut d’ordinaire trouver dans une voiture. Au ras du sol, avec un moteur qui hurle à la moindre sollicitation, aucun doute : vous vous faites remarquer ! Surtout dans cette teinte MSO (le département personnalisation de la marque) Balearic Blue (Bleu Baléares), on n’avait rarement vu autant de personnes se retourner sur notre passage !

Essai McLaren 720s Spider

Mais revenons à la conduite car les premiers tours de roues, à allure sage en ville, révèlent toute la polyvalence de la 720S Spider : elle se pilote avec une extrême facilité. Certes votre fessier ressentira toutes les saignées du bitume, mais vous n’aurez aucun mal à doser l’accélération, ou plus tard à cruiser sur les nationales. Une capacité proprement inattendue devant le physique de la voiture, qui est permise par la boîte 7 vitesses à double embrayage capable de canaliser les 770 Nm de couple. Et qui rend également possible des accélérations aussi canon que le 0 à 100 km/h en 2,9 secondes, et même un 0 à 200 km/h en 7,9 secondes !

Car une fois pied dedans, c’est un autre monde. La concentration maximale est requise car l’arrière, malgré sa monte spécifique Pirelli P Zero Corsa, peut vite se dérober surtout sur sol mouillé ! Pourtant, tout confère à une impression de sérénité notamment grâce aux différentes possibilités de réglages de la voiture. Les amateurs de dérapages peuvent par exemple ajuster le degré de patinage en virage autorisé par l’ESC et ainsi maximiser le plaisir tout en gardant le contrôle.

Tout ou presque est réglable pour s’adapter au mieux aux conditions de pilotage : rigidité en roulis, fonction aérodynamique active, amortissement évolutif, réglage de stabilité, etc. On ressent très nettement les différences de comportement de la voiture en fonction de nos choix pour profiter au mieux des possibilités extraordinaires de la 720S.

Malgré la vitesse, tout s’opère avec fluidité et efficacité : les passages de rapport sont ultra rapides et linéaires, comme un souffle sans fin, le roulis est absent et le paysage s’accélère à toute allure sans que rien, des palettes au volant ultra larges à l’immense pare-brise bulle, ne vienne gêner l’attention du conducteur qui peut espérer continuer ainsi jusqu’à 341 km/h en pointe ! De quoi être en confiance, malgré le potentiel démoniaque de la voiture. D’autant que notre modèle d’essai était très typé circuit par McLaren, en vue de réaliser des temps au tour canon, avec beaucoup de fibre de carbone pour l’allègement (lame et ouïes avant, écopes arrière et extracteur), des jantes 10 bâtons ultra légères et un échappement sport.

Mais il y a plus fou encore que les foucades de ses cylindres, que la précision chirurgicale avec laquelle se traduisent les moindres mouvements du volant, ou que l’instantanéité du passage des rapports : le freinage. Les disques de carbone ont un mordant tout bonnement impressionnant. Et si nécessaire, l’aileron se dresse à la verticale pour devenir un aérofrein.

Nid à technologies

Plus loin encore que la performance pure de ses composants, la McLaren 720S Spider cache en elle un concentré de détails technologiques. Là où certains constructeurs désactivent certains cylindres de leurs moteurs pour réaliser des économies de carburant, McLaren a repensé ce phénomène pour augmenter ses performances de… vitesse. Cela peut paraître contre-intuitif mais en pleine accélération l’allumage de certains cylindres est coupée pour faire chuter le couple et le régime moteur, ce qui facilite le passage à un rapport supérieur.

Toujours aussi malin, la voiture joue avec la poussée d’inertie de ses éléments mécaniques pour offrir des accélérations plus fortes. En effet, lorsque l’embrayage de la prochaine vitesse est engagé avec une force décuplée et que le régime moteur ne diminue pas complètement, l’inertie des masses rotatives internes procure une impulsion de couple lorsque la vitesse est réellement engagée. Si Nietzsche trouvait que le diable se cache dans les détails, la firme de Woking a remanié l’expression à sa façon pour rendre la 720S encore plus infernale…

Tout aussi peu commun, une fonction de pré-freinage électronique permet d’immédiatement coller les plaquettes de frein avec les disques lorsque la pédale d’accélérateur est brutalement relâchée. À croire qu’aucun détail n’est superflu pour McLaren.

Un plaisir de conduire fou

Mais le plus dingue dans tout ça, c’est qu’on a l’impression d’apprivoiser rapidement la voiture. On prend même un immense plaisir coupable à jouer avec les palettes au volant pour maximiser les sensations et enchaîner les virages. Bien sûr, en maîtriser tout le potentiel demande du temps mais pour une prise en main, l’ergonomie des commandes et la docilité du moteur à bas régime permet d’avoir l’illusion de dompter le fauve. D’autant qu’à vivre, la 720S Spider offre tout, cheveux au vent compris comme son nom l’indique ! Un plaisir auquel goûte en majeure partie une clientèle américaine, britannique, allemande et suisse, les principaux pays de distribution de McLaren. Une répartition qui pourrait évoluer légèrement avec l’ouverture récente d’une concession en Île-de-France via le réseau Schumacher.

Un plaisir qui a bien sûr une réalité fiduciaire : 262 500 euros « de base » et plus de 288 000 euros pour notre modèle d’essai. Mais une telle donnée importe bien peu face au plaisir fou procuré par cette McLaren 720S Spider. Un plaisir rare, qui mêle agilité de conduite et puissance mécanique à un sentiment de sécurité et de maîtrise quasi instinctive de la voiture, au point de penser ne faire qu’un avec elle. Cette Spider permet au moins de garder la tête au frais et il le faut face à un tel bolide. Et à la réflexion, l’on vient à penser aux impensables progrès techniques et aux prouesses d’ingénierie déployées pour arriver à de telles voitures : à celles et ceux qui doutent encore que l’on peut repousser les limites, McLaren prouve que la Recherche de l’Absolu continue.

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