Le Nouvel Automobiliste
Yann Gyssels Yakarouler

Rencontre avec Yann Gyssels, fondateur de Yakarouler

Si vous êtes coutumier de la mécanique auto ou simplement à la recherche de pièces auto moins chères, le nom de Yakarouler ne vous est pas inconnu. Pour tous les autres, il faut savoir que la société française fait partie des principaux acteurs du genre sur le marché de la revente des pièces de rechange grâce à plusieurs dizaines de millions de chiffre d’affaires et près d’une centaine de salariés. Dans un monde où Internet vient troubler les réseaux de commerce installés, et où la recherche de « vrais prix » agite toujours plus les consommateurs, comment Yakarouler entrevoit-il son avenir ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre de son fondateur et président, Yann Gyssels.

Le Nouvel Automobiliste : Pouvez-vous nous raconter l’origine de Yakarouler ?

Yann Gyssels : Tout a commencé en 2005. À l’époque, je travaillais chez Eldorauto, où j’ai commencé le 1er avril 2005. Avant j’étais dans la grande distribution et j’ai découvert le monde du centre auto, de l’automobile, de l’aftermarket, etc. Très peu de temps après, en octobre 2005, il y avait des ressentiments dans la société, cela n’allait pas bien. J’ai alors anticipé et je me suis mis à chercher du boulot. J’avais réussi à décrocher un job assez intéressant chez GrosBill, un site de vente en ligne. Finalement on avait l’opportunité en tant que cadres chez Eldorauto de racheter la société, et on a tous dit oui. Sauf que Eldorauto a fini par être acheté par Autobacs et non les salariés-cadres… De mon côté j’avais alors dit non à GrosBill puisque je pensais que les choses allaient se faire et je me suis donc retrouvé dans un magasin qui allait fermer ! Je me suis dit « non c’est pas possible, il faut que je trouve quelque chose ».

Et à un moment donné, le 23 septembre 2005, je suis allé chercher un cadeau de Noël pour mes parents. C’était une imprimante multifonctions achetée chez GrosBill, et j’ai fait la queue pendant deux heures entre la porte d’entrée et le comptoir de vente. C’est à ce moment-là que l’idée de Yakarouler est née, pendant ces deux heures où je me suis dit « mais il faut qu’on fasse ça dans l’automobile » : faire en sorte que les gens fassent la queue pendant deux heures entre la porte d’entrée et le comptoir de vente, il faut qu’on y arrive.

Le concept se dessine donc dans ma tête : un magasin avec un comptoir, pas de stock présenté au client, un site internet où l’on peut acheter ses produits en ligne mais aussi des garages partenaires pour que les gens puissent faire poser des pièces et éventuellement un atelier sur le site. Je pensais également à des bornes en magasin pour que les gens puissent éventuellement commander sur place, mais surtout procurer un conseil au client. En fait, chez Eldorauto, j’ai remarqué que les clients allaient voir un vendeur 99 fois sur 100 parce qu’ils n’y connaissaient rien. Et donc on s’est dit « à quoi sert le stock ? » puisque de toute façon les gens vont voir un vendeur.

Je me voyais moi à l’époque mettre de vulgaires bidons d’huile en rayon et tous les clients venir me voir pour savoir quelle huile acheter alors que je n’y connaissais rien. On m’avait juste dit « fais de beaux facings », pas « apprends au client la viscosité, etc ». J’étais complètement néophyte. Mais comme j’étais en rayon, les gens pensaient que j’étais un pro. Preuve que le client en magasin n’a pas besoin d’un stock : il a besoin d’un vendeur. Évidemment derrière la boutique, le stock a du sens, mais pas devant le client.

C’est de là qu’est partie l’idée et j’ai embarqué des gens que je connaissais chez Eldorauto qui étaient spécialistes dans certains domaines. On a donc démarré Yakarouler le 1er septembre 2006. On a commencé les travaux et on a ouvert le premier magasin le 18 octobre 2006. Cela fait maintenant 11 ans et on part sur notre 12ème année d’activité. Très rapidement, on a développé un site web qui… n’était pas satisfaisant. On en a développé un autre avec des web-services pour la partie catalogue, et faire en sorte de trouver ses pièces auto facilement.

En 2011 on a déménagé dans les locaux que l’on occupe encore aujourd’hui à Thiais. Avec 3000 mètres carrés au sol, on arrive aujourd’hui à près de 4000 mètres carrés, développés en logistique, ainsi que tout ce qui est magasin, atelier et bureaux.

LNA : Comment vous positionnez-vous aujourd’hui à côté d’autres vendeurs de pièces auto comme Oscaro ?

Y.G. : Les trois premiers acteurs sont Oscaro, Mister-Auto et nous. On est le « petit  » des trois, ou le plus petit des plus gros si vous voulez. Ce que je dis n’est pas pour dénigrer mais contrairement à nos concurrents, on essaie au quotidien chez Yakarouler d’être un acteur innovant sur notre marché.

Oscaro est archi-leader et a énormément travaillé sur l’amélioration de son catalogue en intégrant des données clients et de contacts. Ce n’est pas la plus grande innovation du monde mais il a travaillé sur ce sujet, tout comme la sécurisation de son site web. Bien qu’il soit le plus gros, il n’a cependant rien apporté en termes de nouveauté sur son marché. Et quand il dit qu’il est l’Amazon de la pièce auto, il a surtout copié énormément de choses de ce que fait le géant américain. Mister-Auto est à peu près sur le même créneau. Il n’y a évidemment aucun copyright là-dessus mais il a même copié notre version mobile, sur sa présentation, ses fonctionnalités, etc.

En fait ce que je reproche aux deux qui sont devant nous, qui sont beaucoup plus gros et qui n’ont pas les mêmes moyens que nous, c’est qu’ils n’apportent rien de nouveau. L’histoire semblerait leur donner raison pour l’instant parce qu’ils sont plus importants que Yakarouler. Mais finalement sans gros fonds financier, nous, on est toujours là.

LNA : Comment vous approvisionnez-vous en pièces auto ? Avez-vous vos propres centres de stockage ?

Y.G. : On a un mode de fonctionnement qui est le « juste à temps ». C’est d’ailleurs le modèle qui prévaut chez tous les acteurs ; même chez Mister-Auto qui dit stocker toutes ses pièces. Mais là on parle de 1,7 million de références et même Amazon ne stocke pas autant de références. Et vous comprendrez qu’on ne fait pas (encore !) 100 milliards de chiffre d’affaires comme Amazon. On ne stocke donc pas la majorité de ce qu’on vend. En revanche on a une chance extraordinaire en Île-de-France puisqu’on dispose d’une vingtaine de plateformes de 10 à 20.000 mètres carrés qui stockent environ 99 % de ce dont on a besoin et qui sont capables de nous livrer dans les deux heures.

Il se trouve également que les équipementiers, dans leur immense majorité, ne voulaient même pas nous rencontrer au début par peur d’internet. Mais ils viennent à présent de plus en plus vers nous pour construire des flux directs sur des plateformes qui sont proches de l’Île-de-France. Mais certains ont encore une contrainte puisqu’ils ne sont pas capables de faire un travail de grossiste et ils ont donc un fonctionnement assez contraignant. En l’occurrence Madame Michu n’a pas l’habitude de commander une palette de plaquettes de freins de la même référence, sinon ça lui ferait des milliers d’année de stock pour sa Clio.

Avec certains équipementiers on a pris le parti de stocker pour plusieurs raisons. D’une part parce qu’ils ne sont pas capables d’avoir cette réactivité en termes de livraison et d’autre part, cela nous permet d’adresser les équipementiers avec des conditions intéressantes. Sur des familles de gros consommables on va stocker de la filtration, du freinage, de la courroie de distribution, de l’embrayage sur de de fortes rotations, un peu d’amortisseurs et puis des balais d’essuie-glace ainsi que divers accessoires comme l’huile et les additifs.

LNA : Au-delà de la vente même de pièce auto, quelle est la raison d’être de Yakarouler ?

Y.G. : Notre conviction est qu’acheter une pièce auto est un des freins importants à l’entretien/réparation de sa voiture. C’est un acte que l’on avait identifié au tout départ et qui reste encore aujourd’hui compliqué pour le commun des mortels. Sans même parler d’aller sur le site web, rien que savoir quelle pièce changer est très compliqué pour Madame Michu ou Monsieur Durand. Le premier frein est « qu’est-ce qui arrive à ma voiture ? ». Par exemple on remarque un voyant au tableau de bord, on comprend qu’il y a un problème de freinage : mais quoi dans le freinage ? Les plaquettes ? Les disques ? L’étrier ? Les gens ne sont pas mécaniciens donc, par définition, ne savent pas ce qu’il y a à faire sur leur voiture. Premier constat.

Deuxième constat, quand bien même la personne saurait exactement ce qu’il y a à changer, elle ne sent pas du tout experte sur le site web. Elle va entrer sa plaque d’immatriculation, dire ce qu’elle veut changer mais là elle va avoir plein de résultats et elle va se dire « qu’est-ce que je prends ? ». Si par bonheur il y a un seul résultat par marque, la personne va choisir en fonction de la marque mais bien souvent il y a plusieurs choix pour une même marque.

Bien sûr on essaie de faciliter les choses, on essaie de rendre le catalogue le plus esthétique possible, le plus ergonomique possible. On travaille beaucoup sur la nouvelle version mobile qui va sortir dans les prochaines semaines mais il y a quand même ces freins qui font qu’on s’adresse à un marché restreint. Notre raisonnement est de se demander comment faire pour élargir le spectre et faire en sorte qu’il y ait plus de monde qui soit sensible à ce qu’on propose.

La première réponse était de proposer plus de choses.

L’année dernière on a commencé avec la pièce d’occasion. C’est un tout petit marché, mais on a pu démontrer qu’on avait une maîtrise du sujet suffisamment importante. On arrive à proposer ce que personne n’arrive à faire jusqu’à présent, c’est-à-dire de la pièce d’occasion en indiquant sa plaque d’immatriculation. On est les seuls à le proposer, pourtant ça fait déjà un an.

Le premier problème du marché de la pièce d’occasion, c’est la disponibilité. Chez Yakarouler on travaille avec un partenaire qui nous met à disposition en flux son stock réel et on ne fait que proposer des pièces qui sont en stock chez lui. On est alors capable de sourcer et livrer des pièces d’occasion sous 24-48h, tout comme les pièces neuves.

Le deuxième problème du marché de la pièce d’occasion, c’est sa taille. Aujourd’hui sur les pièces neuves on a 1,7 million de références qui sont en ligne. Pour les pièces d’occasion, on propose 30 000 références qui sont le stock complet du partenaire.

LNA : Ebay garde donc encore le marché de la pièce d’occasion en main ?

Y.G. : Oui mais notre objectif est de faire rentrer davantage de partenaires. Cela élargira l’offre et permettra d’atteindre progressivement 400 ou 500 000 pièces d’occasion. On commencera alors à avoir une offre solide, toujours affectée à l’immatriculation du véhicule.

LNA : Après l’entrée sur ce marché de la pièce d’occasion, avez-vous d’autres projets ?

Y.G. : Effectivement, on ne va pas s’arrêter là. Après la pièce d’occasion, nous allons à présent faire du véhicule d’occasion à partir d’avril/mai 2018. On ne vend pas de véhicule d’occasion, mais on va faire des petites annonces pour les véhicules d’occasion. Particuliers ou professionnels pourront bien sûr déposer des annonces. Alors là vous allez me dire « oui mais c’est gratuit en général ce genre de choses ». Oui, chez nous ça sera aussi gratuit mais les options seront moitié moins chères que chez les autres. On va essayer d’apporter des choses que les autres ne font pas dans les petites annonces, autant en France qu’en Europe. Ce n’est pas dit qu’on soit les meilleurs sur Terre, mais on va essayer de faire quelque chose où les gens pourront déposer des annonces à des tarifs super agressifs et avec des options, autant pour les professionnels que les particuliers, qui soient très attractives. Par exemple on ne retrouve sur aucun site en France des solutions de web call back. C’est-à-dire qu’il n’y a aucune solution qui mette en relation le professionnel et le particulier, par téléphone en cas d’intérêt du particulier sur une annonce d’un professionnel. Ça n’existe pas, mais ça va arriver chez nous.

LNA : Quel est votre vision de Yakarouler avec ce nouveau service ?

Y.G. : L’objectif avec les pièces auto, les pièces auto d’occasion, la voiture d’occasion (et d’autres sujets qui arrivent) est de devenir un portail de solutions pour l’automobiliste. C’est à dire que 1/ j’ai un problème avec ma voiture, 2/ je vais sur Yakarouler et 3/ j’ai une solution. Quel que soit la problématique que j’ai, Yakarouler peut peut m’aider.

Et notre nom devient alors encore plus légitime : « y’a qu’à rouler » !

On essaie d’être hyper compétitif sur le cœur de notre métier qui est la vente de pièces auto (en termes de délai, de prix, de qualité de service, etc). Mais ce marché, en tout cas tel qu’on le conçoit, ne peut pas adresser Madame Michu. Pour adresser Madame Michu, il faut élargir l’offre et lui apporter d’autres choses pour qu’elle puisse ensuite venir chercher des pièces détachées toute seule. Donc on va lui apporter la voiture d’occasion, on va lui apporter des conseils divers et variés, on va lui apporter de l’actualité et on va lui apporter des services disruptifs qui vont arriver bientôt. En fait on va lui apporter plein de solutions pour qu’à terme l’achat d’une pièce devienne simple et accessible.

C’est l’approche que nous avons trouvée pour faire en sorte qu’on trouve une solution quel que soit le problème lié à son automobile et de trouver une pièce à monter seul ou par un professionnel.

D’ailleurs on propose des tutoriels mais on n’invite pas forcément Madame Michu à poser sa pièce détachée elle-même. Personnellement je ne sais pas poser un kit de distribution, mes compétences s’arrêtent à la vidange, aux pneus et à l’échappement. Je considère qu’il y a des gens extrêmement bien formés en France en mécanique. On ne devient pas mécanicien en 2h30 devant une vidéo YouTube. En plus si jamais la pose de pièce est mal faite, les conséquences finales sont dramatiques.

L’avantage d’un garage qui a pignon sur rue, c’est d’une part qu’il a une compétence et d’autre part qu’il a des assurances. C’est une garantie pour le consommateur. Le client fait donc déjà de bonnes économies sur les pièces et il est également capable de faire, y compris dans notre réseau de garages, des économies sur la pose.

LNA : Quelle est la proportion de vos clients qui n’effectue pas la mécanique sur leur voiture eux-mêmes ?

Y.G. : Officiellement entre 15 et 20% de nos clients font appel à des garages professionnels pour poser les pièces détachées achetées sur Yakarouler. Officieusement la part réelle se situe entre 20 et 40% puisqu’il y a encore des gens qui se font tout de même livrer la pièce mais qui finalement se rendent compte qu’il vaut mieux aller en garage pour la poser.

LNA : Justement, quel est votre rapport avec les garages et la vente en points physiques ?

Y.G. : On a ouvert une franchise à La Réunion en fin d’année dernière et après cette ouverture des gens nous ont sollicités pour ouvrir d’autres franchises. Au début on était davantage dans l’idée d’ouvrir nos propres boutiques dans de grosses agglomérations comme on l’a fait à Lille. Mais on trouve des personnes candidates à la franchise qui sont des villes de moindre importance par rapport aux grosses métropoles françaises. On regarde donc des dossiers mais uniquement pour des gens qui sont déjà professionnels de l’automobile.

À ce jour nous avons deux magasins en propre à Thiais et à Lille, ainsi qu’une franchise à La Réunion. Et nous avons plusieurs dossiers de gens qui nous poussent pour ouvrir des franchises. C’est sans garantie puisqu’on a énormément de projets en cours, mais on devrait ouvrir l’accès à d’autres franchisés cette année et peut-être ouvrir d’autres magasins.

LNA : Vous ne manquez donc pas de projets et Yakarouler semble avoir encore beaucoup de pistes de développement.

Y.G. : Et encore, je ne vous dis pas tout. Mais, globalement, apporter des choses nouvelles à notre métier est l’ADN même de Yakarouler. Quand on s’attaque à un métier qui est nouveau, mais toujours lié au nôtre, on essaie d’apporter de l’innovation. Par exemple quand on s’est lancé sur la pièce d’occasion on aurait pu se contenter de ramener le flux de notre partenaire et de vendre en ligne de la pièce d’occasion. Mais ça se faisait déjà et on n’aurait rien apporté. Et si on n’apporte rien d’utile au marché je refuse d’y aller, ça ne m’intéresse pas.

Pour revenir à la voiture d’occasion nous aurons des partenaires pour l’assurance, le financement, la sécurisation des paiements, l’assistance juridique, la garantie des véhicules. Il ne faut pas non plus que ça parte dans tous les sens, mais on essaie de cadrer les choses pour que lorsque l’on navigue sur le site web on se dise « j’ai ça comme problème, est-ce qu’ils ont une solution ? ». Et bien sûr il faut que la solution soit économique, simple, rapide et avec quelque chose qui apporte un plus sur le marché. Le principe est d’accompagner l’automobiliste durant toute sa vie en voiture.

LNA : Merci Yann Gyssels pour cet entretien.

Crédit photos : Romuald Terranova – Le Nouvel Automobiliste

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