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Comment restyler la Clio ? Gilles Vidal nous répond

Arrivé fin 2020 à la tête du design Renault, Gilles Vidal verra enfin arriver dans les rues en 2024 des modèles marqués du nouveau style qu’il insuffle au losange : Scénic V et Rafale en sont les meilleurs exemples, mais il ne faut pas oublier les restylages. Et en la matière, 2023 a vu le renouveau de la Clio V !

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Avec une face avant redessinée et de nouveaux matériaux embarqués, la citadine de Renault est métamorphosée. Mais comment prépare-t-on un restylage aussi important ? Et que prépare l’équipe de Gilles Vidal pour le futur du style Renault ? C’est tout l’objet de cet entretien.

Le Nouvel Automobiliste : Bonjour Gilles Vidal ! Est-ce la Renault Clio restylée est votre première création depuis votre arrivée en novembre 2020 ? 

Gilles Vidal : Tout à fait, première création en production, il y a eu des concept-cars entre temps.

LNA : Le restylage était déjà engagé ou au contraire, vous avez pu le suivre intégralement ?

GV : Le Kick-off du projet avait été fait mais nous avons pris la main sur le sujet à mon arrivée. 

LNA : N’est-ce pas un peu frustrant d’installer un nouveau style, avec de nouvelles ambitions, de nouveau codes, sur un restylage ?

GV : Non pas vraiment, nous savons qu’en même temps nous menons de front de nouveaux projets où nous déployons toute la stratégie. Le restylage n’est pas le projet le plus spectaculaire ou du moins le plus libre en termes d’expression mais pour autant c’est intéressant car ça met un challenge quand même, voir jusqu’à quel point nous pouvons booster l’impact visuel d’un exercice comme celui-ci en préservant un homogénéité, une harmonie du véhicule. Et finalement je pense que nous arrivons à installer un équilibre qui est fort, je trouve.

D’ailleurs, c’est quelque chose que nous souhaitons cultiver à l’avenir. L’exercice du restylage nous force à nous accommoder d’un existant et greffer quelque chose dessus que nous souhaitons plus moderne et le plus impactant possible. Mais finalement cet équilibre est ce que nous allons développer pour le futur de Renault. Ce n’est pas aller forcément à tout prix d’aller vers des choses plus affûtées mais c’est de créer un équilibre avec des galbes et des surfaces assez généreux, des choses à la fois assez douces et structurées, agrémentés de détails assez technologiques.

Évidemment, nous allons moderniser, se projeter dans le futur avec tout ça. Mais cet exercice Renault Clio restylée est intéressant car elle porte déjà cet équilibre entre le soft que nous n’avons pas retouché cette fois-ci, et une face avant qui se renouvelle très très fort.

LNA : En 2019, à la présentation de la cinquième génération de la Renault Clio, avec votre point du vue extérieur, qu’en aviez-vous pensé ? 

GV : À l’époque, nous nous connaissions déjà avec Laurens van den Acker, nous nous croisions beaucoup lors des salons notamment. Il m’avait expliqué la volonté à l’époque de cultiver l’esprit de famille et cultiver une suite dans les idées. De notre côté, nous développions un modèle très en rupture au contraire, donc une philosophie complètement différente. Pour moi, c’était donc osé de jouer cette partition-là, car pour moi il faut toujours évoluer vite et fort.

Mais en même temps, même si cette stratégie a été critiqué à l’époque, commercialement ça a marché quand même. Les fidèles de Renault Clio n’ont pas été déçu de cette philosophie et ont continué à être fidèle et à l’acheter. C’est difficile de juger ce choix car quand ça marche commercialement, c’est qu’on a forcément raison. 

Chaque nouveau modèle doit faire sa petite révolution et en même temps il faut cultiver des éléments de reconnaissance de la marque.

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En revanche, je trouve que le monde a changé très fortement. Les clients et le monde est avide de nouveauté, dans le monde de l’électronique, de la mode et de l’automobile. Nous pouvons vite être hors-jeu. Les gens attendent de nous de l’inventivité et de renouvellement. Le rythme s’accélère de manière exponentiel. Même le rythme d’acceptation d’objets un peu alternatif et osé [n’existe plus] car maintenant c’est normal, c’est un dû, le client attend ça. Aujourd’hui il n’y a donc plus d’autre option pour moi que d’y aller fort. 

LNA : Au risque de casser un style existant qui était homogène et de lui donner deux facettes ?

GV : Oui, voilà. Il faut le faire en préservant une homogénéité à certains niveaux, mais oser des choses. Sur un restylage, ça a cette forme là aujourd’hui ; sur des futurs modèles, ça pourra aller plus loin. Chaque nouveau modèle doit faire sa petite révolution et en même temps il faut cultiver des éléments de reconnaissance de la marque. Des ingrédients dans la recette quelque part, mais il faut que chaque recette soit surprenante à chaque fois. Il faut aller à ce rythme. 

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« Il n’y plus d’autre option que d’y aller fort » : en effet, la Clio est métamorphosée !

LNA : Justement, en quoi les éléments clés de la recette de cette « nouvelle vague » diffèrent de ce qui se faisait jusqu’à présent chez Renault ? Nous avons le nouveau logo évidemment, les galbes déjà présents, les écopes en forme de losange apparaissent, comment tout ça constitue une nouvelle bibliothèque d’éléments que vous avez envie d’introduire?

GV : C’est ça exactement, les nouvelles signatures lumineuses inspirées de l’angle du demi-logo, c’est intéressant car nous pourrons l’appliquer à chaque véhicule. Tout en se disant peut être sur tel véhicule, le faire plus pur et simple, sur un autre plus compressé en hauteur car la voiture est plus basse. Nous pourrons même nous autoriser quelques fantaisies sur un véhicule plus costaud et plus volumique.

C’est en fait très malléable, nous pouvons imaginer que ces ingrédients soient assez élastiques, assez malléables pour à la fois faire le travail d’être un élément de reconnaissance évidant au premier coup d’œil mais aussi à la fois participer au bon calibrage de chaque véhicule par rapport à la raison pour laquelle il existe : une petit véhicule super dynamique comme la Renault Clio par exemple, plus urbaine. Avec des codes plus graphiques empruntés au streetwear… Et nous pouvons imaginer des voitures plus élégantes, plus familiales avec de nouveau le même principe mais traduit, exécuté, différemment. 

LNA : Il y a également un autre point sur le double visage de la Renault Clio, l’esprit Alpine, n’est-ce pas brouiller les pistes alors que vous mettez en place un nouvel ‘Esprit Renault’ dans cette voiture ?

GV : Ah…. Alors l’esprit Renault, c’est toute la gamme Renault ! L’Esprit Alpine c’est le niveau ultime de la majorité des modèles Renault dans le futur donc ça remplace les Renault Sport finalement. Il y a des équivalents chez tous les constructeurs du Monde, les S-Line, les N-Line avec parfois de la performance et parfois, que du look. Ce qui est intéressant au sein de Renault Group, c’est qu’il y a une marque Alpine qui est né chez Renault et avec Renault quelque part, il y a eu des Renault 5 Alpine.

Nous pensons que ça fonctionne bien si on le fait avec élégance, si on active l’imaginaire Alpine avec des ambiances, certains détails intérieurs, sur des qualités de matériaux inattendus. C’est le cas de la Renault Clio : quand je monte dans la Renault Clio Esprit Alpine, je ne m’attends pas à un tel niveau de qualité dans un segment B, ça transporte dans un autre univers intéressant. Ce n’est pas en contradiction, par ailleurs avec l’esprit Renault que nous voulons au global de toute la parque, avec ce petit step sur l’esprit Alpine.

LNA : Et dans cette création esprit Alpine, travaillez-vous-en étroite collaboration avec votre homologue de chez Alpine, Antony Villain, ou est-ce au contraire vous qui prenez le lead sur le sujet.

GV : Nous nous voyons beaucoup sur le sujet. Bien sûr, nous faisons des propositions avec ce que nous voyons d’Alpine. Nous « habitons » ensemble dans le même studio donc c’est facile de se croiser régulièrement. Nous restons bien sûr indépendants et nous ne voulons pas faire du copié collé de ce que propose Alpine, il faut préserver la marque Alpine d’un côté mais nous voulons créer un imaginaire avec une variante.

Il ne faut pas retrouver une jante Alpine sur une Renault strictement, ça pourrait devenir un problème pour la cohérence de la marque Alpine, sa densité, sa noblesse. Mais nous faisons de l’esprit Alpine au sens premier. Quand nous dessinons une jante nous développons cet imaginaire sans le copier. Nous nous croisons avec Antony Villain pour valider ces éléments-là. 

LNA : Il ne faut pas que le produit Renault Esprit Alpine ne dégrade pas l’image de marque 

GV : C’est un équilibre qui se faire dans les 2 sens. 

Aujourd’hui, nous avons plutôt réduit la personnalisation pour optimiser et rendre efficient le projet globalement, avec une montée en gamme sur tous les niveaux proposés. Je pense que c’est ça que les clients vont vivre dans nouvelle Renault Clio. 

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LNA : Au lancement de la Clio 5, Renault avait insisté sur la personnalisation des ambiances intérieures, avec des teintes de planche de bord claires par exemple. Le point n’a pas été abordé lors de la présentation. La personnalisation et les tons clair c’est désormais du passé ? 

GV : Il y a une harmonie plus claire sur le niveau 2 [Équilibre], et avec le niveau 3 [Techno] nous sommes déjà sur une harmonie plus foncée mais avec quelques touches de couleur. Sur l’Esprit Alpine nous sommes assez foncé avec des détails bleus, une ambiance un peu plus froide et plus technique. Cela étant, l’industrie automobile ne peut pas se permettre trop de diversité, une trop grande personnalisation.

Ce n’est pas un sujet Clio, mais c’est intéressant d’en débattre, mais il faut réfléchir à comment à l’avenir nous pouvons ouvrir la personnalisation qu’il ne soit pas un fardeau industriel. Dès qu’il y a une pièce physique différente, c’est du stock, c’est énormissime ! Ça fait que les projets peuvent devenir non viable industriellement voire économiquement. C’est une des difficultés de l’industrie automobile aujourd’hui : comment proposer demain plus de personnalisation ? 

Aujourd’hui, chez Renault Clio, nous avons plutôt réduit pour optimiser et rendre efficient ce projet globalement avec une montée en gamme sur tous les niveaux proposés. Je pense que c’est ça que les clients vont vivre dans nouvelle Renault Clio. 

Si nous nous détachons de Renault Clio, nous allons trouver des moyens, c’est trop tôt pour rentrer dans le détail, d’ouvrir les degré de personnalisation sans que ce soit un fardeau industriel. Nous verrons mais nous avons quelques idées.

LNA : La partie industrielle, c’est aussi se doter de nouveaux matériaux, de nouveaux fournisseurs, et sur cette nouvelle Clio vous avez intégré un tissus Tencel constitué de 60 % de fibres modales biosourcées. C’est un tournant que vous aviez amorcé sur le Renault Scénic Vision. Qui est à l’origine de ce tournant, ce sont les équipes Design ? 

GV : Oh, ce sont plein de gens dans l’entreprise. Le Design est très proactif sur ces sujets-là, mais c’est quelque chose qui a été initié il y a très longtemps chez Renault avec la Zoé. Il y avait déjà des textiles avec une part de recyclage, donc 100 % recyclé sur la nouvelle Renault Zoé [restylage de 2019, NDLR], il y avait déjà de la suite dans les idées.

Désormais, l’idée est de démocratiser ce sujet, partout où l’on peut. 60 % sur ce textile en particulier est déjà une belle performance, car chaque matière a ses limites techniques, pour ne pas abîmer les propriétés techniques de la matière. Nous avons vocation à aller plus loin, comme sur Esprit Alpine avec 72% de fibre recyclés sur le textile des sièges. 

C’est aussi le TEP qui remplace le cuir animal, avec 13 % de matières recyclées. Nous en sommes là pour le moment, mais nous essaierons d’aller plus loin à chaque fois. L’idée est donc partout où l’on peut, matière par matière. L’idée pour la marque est d’être proactif. Ça vient souvent de Design par notre ouverture, et nous travaillons avec tous nos fournisseurs. Et dans les métiers techniques, l’ingénierie, ils poussent aussi très fort parce qu’ils sont convaincus que c’est une voie incontournable. 

LNA : Un mot sur la Mitsubishi Colt qui dérive de la Renault Clio, avez-vous eu un droit de regard ?

GV : Alors ça, c’est une bonne question. Ah, ah… je ne connais pas ce projet !

LNA : Alors, si vous ne pouvez pas en parler, êtes-vous serein que le fait que les premiers retours sur la Renault Clio sont positifs ? 

GV : Ce qui est fantastique avec le digital aujourd’hui est qu’il y a des dizaines d’articles qui sont publiés à la seconde après la présentation. C’est dingue la vitesse à laquelle l’information se diffuse. C’est un bon signe même s’il ne faut pas s’enflammer, jamais ! Pour des professionnels comme vous il faut encore que vous les essayez, interagir avec la voiture, les écrans, pour mieux comprendre l’objet.

Les premiers retours sont encourageants, même au-delà de ce que j’imaginais. Nous avons eu des retours étonnants même enthousiasment sur l’effet impact nouveauté, sur la prise de risque qui va avec. 

LNA : Dans les 32 ans d’histoire de la Renault Clio, il y a souvent eu des dérivés luxueuses, Baccara ou Initiale Paris, sans retour prévu pour le moment. Est-ce que cela veut dire la façon d’avoir une version luxueuse de Renault Clio c’est uniquement via le biais sportif de l’Esprit Alpine ? 

GV : Oui, c’est ça. Ce n’est pas que sportif, c’est sport-chic. Ce n’est pas bardé de codes issus de l’univers de la compétition ou du sport automobile. Il y a quelques détails, subtils ou discrets, mais j’insiste : c’est plus sport-chic que hardcore sportif. 

LNA : Si vous nous deviez résumer le nouvelle Renault Clio en un seul mot, ce serait ?

GV : En un seul mot ! Ah ah ! C’est très très dur. J’aurais dit hybridation, mais on pense à la motorisation. Mais c’est ça, c’est déjà la première représentation de la manière dont nous voulons calibrer idéalement les Renault dans le futur. L’hybridation entre les fourmes souples et généreuses, des galbes sensuels, une voiture qui reste dans le vivant, qui ne va pas que dans la robotique, que dans le high-tech. Mais avec des détails (optique, calandre… extérieur ou intérieur) où nous serons dans l’ultra-qualité, l’ultra-technologie, la finesse du détail jusque dans le dernier millimètre.

Nous allons faire cohabiter ces deux univers dans un objet qui finalement, reste homogène et au premier coup d’œil nous en comprenons la philosophie, dont nous sommes capables d’en tomber amoureux. Cette dichotomie, ce mariage entre du souple, du sensuel et de l’ultra technologie un peu plus sec quelque part. Je ne sais pas comment il faut nommer cette hybridation, je n’ai pas encore trouvé le bon terme pour l’instant, ce sera ça le mot en attendant : l’hybridation. 

LNA : Au point de trouver un nom qui s’inscrira dans la lignée du bio design, du touch design… ?

GV : il y a au en effet l’edge design chez Ford. Nous n’avons même pas réfléchi à ça mais il faudrait trouver un terme qui résume l’idée. Nous sommes plus dans les projets pour l’instant mais il faudrait trouver un mot pour l’hybridation des codes.

LNA : Merci beaucoup Gilles Vidal pour le temps accordé à cet entretien.

GV : Avec plaisir.

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