On a tous un côté maso… ou curieux, allez savoir. Le loueur me proposait de monter en gamme sur un Renault Arkana pour 5 $ de plus par jour plutôt que de me refourguer cette voiture pendant deux semaines. Mais voilà, un Arkana, on sait ce que ça vaut. Il fallait faire avancer la science. J’accepte volontiers de prendre les clés du Chery FX à l’aéroport de Tel Aviv. Après tout, je n’ai jamais conduit de véhicule de cette marque non distribuée en France… pour le moment. Cette Chery FX constitue-t-elle une alternative crédible aux SUV du segment B en Europe ? Ferait-elle partie du péril jaune ? C’est ce qu’on va voir.
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Chery FX : c’est de la (chery) bombe ?
On découvre la Chery FX sur le parking du loueur : mis à part le fait que la voiture a passablement souffert de ses différents locataires, le look de la face avant fait dans la modernité avec une imposante calandre alvéolée, des projecteurs dans le pare-chocs surmonté de DRL sous le capot (le look C4 Cactus a fini par faire école, jusque dans la BMW Série 7, Citroën était visionnaire), un look plutôt agressif avec ses ailes arrière sculptées, des feux se finissant en boomerang sur les ailes, un pavillon un peu fuyant.
Mais un examen un peu plus attentif nous ramène sur Terre: les voies manquent de largeur et donnent une assise un peu frêle au Chery FX tandis que plusieurs détails de conception renvoient à un côté cheap que l’on retrouve sur les véhicules asiatiques d’entrée de gamme : pas de soudure laser sur le pavillon, un vilain enjoliveur en plastique masquant les points de soudure, les cadres de portes rapportés et recouverts de stickers noirs peu qualitatifs marquent le pas face à ses rivales occidentales.
Les rivales ? Bonne question : malgré son gabarit de 4,40 m (1,59 m de haut, 1,83 m de large et empattement de 2,63 m), on le situe plus volontiers face à un Renault Captur (4,23 m) ou un Chevrolet Trax (4,53 m) que face à un Arkana, nettement plus logeable, on y reviendra. D’ailleurs, l’empattement du Captur affiche 1 cm de plus que celui du Chery FX. A noter que le Chery FX est parfois badgé Omoda C5 sur certains marchés, sans arborer le blason Chery, Omoda incarnant un positionnement supérieur à celui de Chery en Chine. Le FX est d’ores et déjà vendu dans certains pays d’Europe et sa version électrique, déjà disponible en Israël fait également son entrée sur le Vieux Continent. Mais pas en France. Heureusement ? C’est ce qu’on va voir. Pour terminer avec les dénominations mondiales de la voiture, les mexicains la connaissent sous l’appellation Chirey Omoda 5, tandis que la voiture s’appelle Fownix FX en Iran.
Chery FX : FX effet pas spéciaux à bord
Premier contact avec la voiture ? Son coffre : objectivement petit eu égard au gabarit. 380 l, en l’occurrence, et sans faux-plancher pour compléter le volume. On est loin des 422 l d’un Captur, pourtant plus compact, et très loin du gigantesque volume de coffre du Trax, plus proche du futur Symbioz de ce point de vue. Et on ne peut pas dire que cela profite au rang 2, pas exceptionnel non plus vu la taille du Chery FX. La synthèse d’habitabilité n’a donc rien d’extraordinaire, bien au contraire, la voiture étant plus grande dehors que dedans.
On apprécie en revanche l’accès et démarrage mains libres qui fonctionne à proximité, sans que l’on ait à effleurer les poignées de portes. Une fois à bord, on est reçu par une musique d’accueil dont on se passerait volontiers et on contemple les deux écrans 10,25 pouces qui signent le look de la planche de bord : un combiné d’une bonne résolution, accompagné d’un écran tactile. Ce dernier est souligné par une barrette tactile comprenant les commandes de clim, celle-ci se prolonge avec un décor rétro-éclairé. La large console centrale intègre une vaste zone inclinée dédiée au chargeur à induction suivie du sélecteur de vitesse et du désignateur du multimédia, puis des porte-gobelets et enfin, de l’accoudoir, intégrant un vaste rangement.
Le design se passe ainsi d’inutiles complications et serait réussi si les grains de plastiques étaient moins disparates et plus valorisants. Le volant est garni de TEP, tandis que la sellerie de pare d’un mixte TEP et tissu : tant pis pour les amateurs de « cuir for Palestine ». Mais voilà, une fois installé sur des sièges bien dimensionnés et à la forme plutôt réussie, on découvre vite les premiers défauts. La mousse d’assise et de dossier s’affaisse trop rapidement si bien qu’après une demi-heure de route, l’inconfort s’invite à bord. Inconfort qui s’est d’ailleurs déjà invité à cause de l’ergonomie de la console : l’accoudoir est si reculé qu’un gabarit moyen a le coude qui se pose en plein milieu du porte-gobelets ! Quant au passager avant, s’il n’y prend pas garde, il peut éteindre le multimédia avec son avant-bras.
Alors venons-en à ce multimédia. Première surprise : la qualité du système audio pourrait éventuellement satisfaire Bach ou l’oreille gauche de Van Gogh. Mais pas un amateur de musique. Au point qu’on a dû mettre la balance vers l’arrière pour se persuader qu’il y avait bien des haut-parleurs au rang 2. Une fois la spatialisation recentrée, il faut se rendre à l’évidence : le son est plat, lointain, sans coffre. Quant à la connexion Car Play, elle a décidé de ne pas fonctionner à plusieurs reprises. La voiture n’ayant pas de GPS, il faut pourtant compter sur votre téléphone pour disposer du guidage. Le genre de situation où on aurait apprécié que Car Play ne nous lâche pas ! Le chargeur à induction étant très exposé au soleil et non réfrigéré, attendez-vous à une surchauffe de votre Smartphone… surtout dans le coin !
A l’avant, un port USB A cohabite avec un USB C sous la console suspendue, idem à l’arrière, tandis qu’un port USB A est logé derrière le rétroviseur central, d’aspect bas de gamme. Pour ne pas dire méga cheap. Et puisqu’on en est à parler d’aspect, la garniture de montant A plaque mal à gauche tandis que celle de droite poumonne. Et on taira la qualité des pare-soleil avec le range ticket trop lâche pour tenir ledit ticket. En revanche, détail totalement curieux : la console de pavillon accueille deux obturateurs reprenant la forme des commandes de toit ouvrant électrique en l’absence de cette option ! Soit une manière très dispendieuse de concevoir un obturateur. Enfin, on avait évoqué en introduction la qualité perçue très en retrait au niveau de la caisse ferrée face aux standards européens : ça se voit aussi portes avant fermées avec des soudures visibles et grossières près du fenestron en amont des vitres avant.
La Chery FX n’est pas dotée de la climatisation automatique. Ce qui serait moins grave si chaque manipulation du menu clim ne faisait pas apparaître un pop-up bloquant tout l’écran multimédia pendant 5 secondes. Ajoutez à ça le bouton tactile d’extinction du multimédia au milieu des commandes de clim. Aves les conséquences que vous devinez. La rétrovision n’est pas le fort de la voiture mais bonne surprise dans cet océan de médiocrité : la qualité de la caméra de recul est très bonne, en particulier de nuit et se dote en outre de lignes prédictives à l’écran. La caméra avant est disponible sur d’autres versions à en juger par l’obturateur sous le logo Chery de la calandre.
Je vous sens impatients, alors démarrons la voiture pour voir si d’aventure elle se rattrapera sur le chapitre dynamique.
Chery FX : meilleure sur la route ?
Spoiler alert : non. A peine sortis du parking du loueur, nous voici sur la rocade de l’aéroport : au bout de 3 km, j’ai déjà envie de rendre la voiture. Mais deux choses : la flemme d’opérer un demi-tour et la malsaine envie d’essayer cette Chery FX m’en empêchent. « Elle crée du roulis en ligne droite », me lance mon frère sur le siège passager. Une lueur d’espoir apparaît lorsque le voyant de pression de pneus s’allume. On vérifie la pression. Tout va bien. C’est donc le comportement normal de la voiture. On cherche à réinitialiser l’ordinateur de bord : impossible de trouver le menu ! On vivra avec.
La partie dynamique laisse sacrément à désirer. Ainsi, malgré la monte d’un train arrière multibras sur la version vendue en Israël (d’autres marchés se contentent d’une traverse déformable), les liaisons au sol sont ratées comme ce n’est pas permis : très souples mais filtrant mal les irrégularités, présentant de gros phénomènes de pompages, les suspensions sont paresseuses en détente et ne donnent pas confiance. C’est comme si les équipes de Chery avaient voulu imiter la souplesse d’une Citroën C4 mais sans le confort et sans la tenue de caisse ! Et sans que le train arrière ne soit toujours d’accord avec l’avant : ceux qui ont conduit un utilitaire à vide reconnaîtront, en plus souples, ces phénomènes de rebond du train arrière. La direction est sans saveur mais je n’attendais rien d’elle.
La Chery FX, dans sa version 290T (seule motorisation proposée ici), dispose d’un moteur Kunpeng Power ACTECO TGDI turbocompressé de 1,6 litre, 186 ch et 290 Nm couplé à une transmission à double embrayage à 7 rapports. Des valeurs somme toute respectables pour la catégorie. Mais y aurait-il tromperie sur la marchandise ? Lorsque la pédale d’accélérateur est au contact de la moquette, les accélérations n’ont rien de fulgurantes : si on m’avait dit qu’il y avait 130 ou 140 ch, j’aurais trouvé ça plus crédible. Autre bizarrerie ergonomique : le passage en mode manuel de la boîte implique un appui long sur le push latéral du sélecteur de vitesse avant de manipuler la chose vers l’avant ou l’arrière. Bref, ça fait perdre bêtement du temps lorsqu’on cherche à garder du frein moteur en mode manuel. Cette voiture a-t-elle été testée par des pros ?
La réponse est sans doute non, si j’en crois le trajet de Tel Aviv à Jérusalem, sur des routes en parfait état qui n’arrivent même pas à me faire croire que la voiture pourrait être bien suspendue. En effet, les aides à la conduite n’ont pas l’air d’être bien mises au point. Pas grand-chose à dire sur le régulateur actif qui fait le job, mais la détection des voitures n’est clairement pas aboutie et le combiné affiche fièrement des voitures qui n’existent pas, qui sont mal placées, qui sont parfois non détectées ou qui sont confondues avec des camions. Pas très rassurant. L’alerte de franchissement de lignes est non seulement stressante mais se déclenche parfois trop tôt, parfois sans raison, malgré la mise en route du clignotant : qu’à cela ne tienne, on la déconnecte via l’écran tactile. Résultat ? Malgré le picto affichant la déconnexion, le système fonctionne encore ! Pire, la voiture vous saoule littéralement avec des alertes sonores récurrentes liées à ses fausses détections. Quand est-ce qu’on arrive ? Il est grand temps d’en finir avec cette location !
Chery FX : loin de moi l’idée de la chérir
Chery commercialise son FX en entrée de gamme (notre version) pour la somme de 149 950 NIS (37 480 €). Les rivales ? Sur le marché israélien, un Captur Executive Mild Hybrid EDC est facturé 152 990 NIS (38 250 €) tandis qu’un Chevrolet Trax 1RS est proposé à 156 962 NIS (39 240 €) : un écart absolument insignifiant à la vue des qualités en net retrait de notre Chery pas chérie.
En résumé, je n’ai jamais conduit de voiture moderne aussi ratée. Pour le péril jaune, on repassera. Chery semble être un des acteurs chinois les moins à même de rivaliser avec les constructeurs européens ou japonais sur le plan des prestations générales des autos, à en juger par la piètre performance de ce modèle. Autant BYD et MG ont des arguments pour s’installer, autant cette Chery FX brille par sa médiocrité ambiante dans un marché plein de rivales talentueuses. La prochaine fois que vous atterrissez à Tel Aviv, prenez un Renault Arkana ; je me suis déjà sacrifié pour vous.
Photos : Le Nouvel Automobiliste