Le Nouvel Automobiliste
Matra Zoom Renault

L’épopée Matra, partie 3/7 : Matra Zoom, reduce to the max !

En pleine saga Matra, il est plus qu’évident de devoir s’attarder sur un des nombreux concepts imaginés par la firme de Romorantin. Depuis les bureaux d’études de Trappes (aujourd’hui occupés par la société Segula), les équipes de Philippe Guédon ont souvent créé d’intéressants véhicules. Djet, M530, Bagueera, Murena, Rancho, Espace ou Avantime, nombreux sont ceux qui ont connu les joies de la commercialisation, du succès d’estime, voire du succès tout court. D’autres sont restés à l’état de concepts. Un des plus populaires a été la Matra Zoom, badgée Renault. Plus d’un quart de siècle après son heure de gloire, il est grand temps de revenir dessus !

Futur antérieur

Et si l’on revenait en 1992 ? A l’époque, l’an 2000 était encore le futur. Alors que D.ieu le Roi de la Pop continuait d’égrainer les excellents singles de son album Dangerous paru l’année passée, Pierre Beregovoy succède à Edith Cresson, Kurt épouse Courtney, November Rain devient le clip le plus dispendieux de l’Histoire et la climatisation est livrée de série sur les BX GTI. Une année riche, donc. Et en 1992, le futur n’a pas fini d’inspirer les foules. Les disques sont laser, Nintendo passe au 16 bit, ma mère achète son premier toit ouvrant : l’avenir est radieux.

Dans le présent d’alors, la Smart n’existait pas encore, et on cherchait à imaginer les voitures de l’an 2000, forcément moins ambitieuses que celles que l’on prédisait dans les années 50, les crises pétrolières, le chômage, Jordy et la chute de La Cinq étant passés par là. Le fait que l’on soit à peine 8 ans de l’échéance futuriste a aussi probablement mis un peu de réalisme dans les rêves d’alors. Qu’importe. Alors gamin, mon frère m’avait dit qu’on irait dans l’espace en l’an 2000 mais l’enfant que j’étais en 1992 rêvait plutôt de Renault Espace malgré ma visite du Kennedy Space Center. On ne se refait pas… Dans ma tête, la frontière entre Renault et Matra est un peu floue et un original concept car va entretenir cette confusion : la Renault Zoom. Ou plutôt Matra Zoom.

Nous sommes en pleine heure de gloire du Losange : la Twingo met la France en émoi, et moi, j’aime beaucoup les concept cars de la marque (Megane, Laguna, Racoon…) tandis que mon père monte en gamme et opte pour une Safrane. Les victoires en F1 ajoutent encore à la renommée de la future ex-Régie. Alors, je peine à penser que la Zoom n’est pas issue des cerveaux de Billancourt.

Zoom sur une citadine zen

Alors que la direction assistée est loin d’être généralisée en France et que les voitures électriques sont quasi inexistantes et totalement insignifiantes, les gens de Matra n’ont pas que le grand monospace en tête : la mobilité urbaine les titille depuis pas mal de temps. Et le coup d’envoi est donné en  1991 par Philippe Guédon, alors P-DG de Matra Automobiles. Son idée ? Créer une voiture que l’on pourrait garer perpendiculairement au trottoir. La Smart n’est pas encore sortie, pas plus que la « Swatchmobile » qui a été à l’origine de la petite Mercedes. Mais le projet, baptisé P50, n’accouchera pas d’une Smart dans la philosophie : puisque ça sort des cerveaux de Matra, la réponse sera… particulière !

Particulière parce que la Matra Zoom mesure 2,65 m de long. Ou 2,10 m de long au repos. Mais contrairement à un corps caverneux à propriété érectile, c’est au repos que la Zoom est au plus haut : 1,72 m contre 1,49 m lorsqu’elle est longue. Sans queue ni tête, ces valeurs ? Que nenni : la Zoom dispose en réalité d’un empattement variable ! Pour se garer, le train arrière vient se replier et rehausser le véhicule afin de réduire son empreinte au sol, tandis qu’en roulant, la voiture se pose sur son empattement long, au bénéfice de la tenue de route.

Mais ce n’est pas tout : Matra a une vision d’avenir. Ils avaient déjà prévu l’arrivée des ayatollahs et du Régime Coercitif des Mollah Verts à Paris ! Bref, la P50 est pensée d’emblée pour être un véhicule électrique et non un thermique converti. Le moteur électrique est conçu par Matra et permettait théoriquement à la voiture de disposer de 150 km d’autonomie et de pointer à 120 km/h, le 0 à 50 km/h est couvert en moins de 6 secondes. Toujours dans le but de favoriser l’utilisation urbaine, les portes disposaient d’une ouverture en élytre, moins contraignantes que des portes battantes lorsque la densité de population du parking est élevée. Et puis, ça permet de se croire en Lamborghini, ce qui est cool. D’ailleurs, les portes coulissent d’abord le long de l’axe transversal avant d’effectuer leur rotation autour du même axe, pour être plus précis. C’est donc mieux que chez Lamborghini.

La carrosserie fait la part belle aux protections… vous avez dit Airbump ? Toujours en avance, chez Matra. Ce qui n’avance pas, c’est le siège. En effet, la Zoom est pourvue d’une banquette 2 places fixe, la position de conduite s’ajustant via un pédalier et un volant réglable. Parmi les gadgets, les ceintures « automatiques », un peu comme ce qui se faisait alors aux USA sur certains modèles et un bloc de communication matérialisé par un module qui se repliait entre les sièges. Il comprenait un téléphone mains libres (un Matra, sans doute) couplé à un ordinateur pour le guidage au sommet de la planche de bord. Le futur, en quelque sorte. Enfin, le futur de l’époque…

La première maquette à l’échelle 1 n’a pas tardé : elle est réalisée en mars 1992 (la Zoom rose), tandis que la maquette roulante est achevée en juin de la même année (la bleue). Matra la présente à Renault dans la foulée et la réaction positive du Losange lui donne une nouvelle destinée : elle sera exposée avec le logo Renault au Mondial de l’Automobile de Paris de 1992, non loin du phénomène Twingo. Le nom Matra est alors inscrit sous les custodes. Du côté de Billancourt, on teste la réaction du public face à un pareil engin. Je pense que vous en avez deviné le sort.

Zoom in, Zoom out

Sans descendance la Matra Zoom ? On serait tenté de le croire : exception faite d’un autre prototype, la Toyota PM présentée au salon de Tokyo en 2003, aucun autre véhicule n’a présenté d’empattement variable. Bon, je vous l’accorde, faire varier la hauteur de caisse d’une Citroën hydraulique fait certes varier l’empattement, mais n’a aucun effet sur la longueur… Et chez Renault ? Une citadine électrique avec des portes en élytre, ça existe : la Twizy a tenté de s’inscrire dans le futur. Avec plus de succès dans les films de SF (The Zero Theorem ou Ready Player One, par exemple), que dans la vraie vie… Nul n’est prophète en son temps. Exception faite de la BX.

Terminons toutefois sur une conception globale du futur qu’avait cette Renault Zoom née Matra : empattement et longueur variable, GMP électrique, connectivité, gueule futuriste. Ce n’est pas tout, regardez les photos. Les mannequins portaient des combinaisons et des lunettes assorties à cette vision d’avenir. Combien de concept cars viennent accompagnés d’accoutrements délirants de nos jours ? Qu’on se le dise, l’an 2000, c’était mieux avant !

Via Matrarama, Wikipedia, Ina.

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