Le Nouvel Automobiliste
Sterling Vitesse

Histoire des marques oubliées et décédées jeunes : Sterling

Sterling Vitesse

Les Etats-Unis, pour ainsi dire, c’est l’Amérique. Le graal de tous les constructeurs de la planète, un immense marché, berceau de l’automobile de masse, l’endroit où il faut être pour espérer croître avec succès. C’est en tous cas ce que se disaient les constructeurs de tous bords dans la seconde moitié du XXème siècle. Et remarquez, c’est toujours ce que se dit PSA… Finalement, c’est un peu comme la Chine, de nos jours, un marché immense sur lequel toute absence sera sanctionnée par d’importants volumes perdus. A ceci près que les USA jouissent d’un tout autre prestige aux yeux du monde. Oui, vraiment, l’Amérique, c’est euh… l’Amérique. Et ça nous mène droit à l’histoire de la marque Sterling.

Derrière le nom de Sterling, se cache une marque britannique pour laquelle je ne renie pas une certaine affection : Rover. Ce constructeur du pays de Sa Gracieuse Majesté a pondu plusieurs haut de gamme intéressants par le passé : la P5, élégante berline râblée, une sorte de coupé 4 portes avant l’heure, ou plus précisément, avant que les allemands n’indiquent l’heure, suivie d’une très intéressante P6, collectionnée à juste titre. La P6 fut la première tentative de Rover pour s’imposer aux USA : sans succès, le taux de change étant peu favorable et la fiabilité n’étant pas au rendez-vous, la Rover n’eut pas le succès escompté. Acte 1, scène 2, Rover revient avec la formidable SD1, ses faux-airs de Ferrari Daytona et son vrai titre de Voiture Européenne de l’Année. Mieux armé ? Peut-être mais les vieux démons refont surface : les américains veulent des voitures fiables et pas chères, quel que soit le niveau de gamme. La SD1 échoue là où la P6 s’est cassée les dents. Lassé de perdre aux Etats-Unis, entre une Boston Tea Party, une guerre d’indépendance et deux Rover, les anglais décident de changer de stratégie.

Et le changement se fait aussi par la force des choses : à l’image de la résistance, le groupe British Leyland, propriétaire de Rover, a pris le maki. En effet, le japonais Honda s’est invité à la fête dès la fin des années 70 par un premier co-développement avec les anglais, suivi d’une montée au capital de Rover par la marque nipponne accompagnée de British Aerospace, une fois Rover privatisé en 1988. Troisième co-développement, les Honda Legend et Rover 800 marquent une importante avancée dans la collaboration anglo-japonaise de par leur conception allant bien au-delà du badge-engineering et permettant à chaque marque de disposer d’un design assez distinct l’une de l’autre. Chez Rover, dès 1984, on envisage de revenir sur le marché américain avec cette 800, encore en gestation, mais prometteuse. Après tout, l’industrie musicale avait largement réussi sa British Invasion, pourquoi pas l’automobile ? Bon, remarquez, la British Invasion appartient déjà au passé dans les 80’s : les ténors musicaux du moment s’appellent Michael Jackson, Prince ou Madonna tandis que les anglais des Pretenders ont une chanteuse américaine, en la personne de Chrissie Hynde. Mais les gens de Rover ont bien l’intention de s’imposer aux USA. Problème : le nom Rover est terni par les soucis de fiabilité. C’est ainsi par le biais d’une création marketing, Sterling, que les anglais vont revenir à la charge.

Sterling, un nom qui fleure bon les doubledeckers, la gelée de menthe et Benny Hill. Le logo, s’inscrivant dans le contour d’un logo Rover, présente un graphisme également évocateur de l’Angleterre (voire du logo Roewe, conçu avec les mêmes impératifs). Il n’y a plus qu’à lancer la structure commerciale chargée de distribuer un produit qui dispose d’atouts pour s’imposer : une conception Honda avec un design et une ambiance intérieure anglais, ça ressemble au meilleur des deux mondes. ARCONA (Austin Rover Cars Of North America) est alors crée en 1986 et, contre toute attente, il ne s’agit pas d’une filiale de Rover mais une société détenue par un grand réseau de distribution américain, basé en Floride. Son dirigeant parvient à convaincre 135 concessions de distribuer les futures Sterling et annonce un ambitieux besoin en dotation de 30 000 voitures pour l’année 1987. Du côté de l’usine de Cowley, on prévoit alors que 40% de la production des 800 serait destiné à être vendu sous le badge Sterling dès la première année pleine passée. Ambitieux mais réaliste, après tout, le marché américain absorbe un grand nombre de berlines de luxe étrangères.

C’est ainsi en février 1987 que Sterling lance ses 825 à l’assaut du marché américain ; à quelques détails près (signalisation et pare-chocs), il s’agit de la Rover éponyme, berline 4 portes mue par un V6 de 2,5 l. 14 171 Sterling trouvent preneur en 1987, en deçà des prévisions. A cela, une raison : la qualité n’est pas au rendez-vous. Rover n’est pas encore aux standards de Honda, cette étape attendra malheureusement le lancement des Rover 200/400 et Honda Concerto l’année suivante, trio de compactes qui se distingueront par leur fiabilité et leur faible taux de retour au contrôle technique. Manque de chance pour la 800, elle subit encore quelques approximations toutes britanniques. Et les enquêtes J.D. Power semblent bien parties pour achever la berline Sterling aux USA.

Rover prend le sujet au sérieux, au point qu’ARCONA devient pilotée en interne et se voit renommée Sterling Cars of America. Le lancement, en 1989, de la version bicorps Vitesse au style évoquant la SD1 ainsi que le nouveau moteur 2,7 l (Sterling 827) ne suffisent malheureusement pas à inverser la vapeur. Rover tente de rassurer le réseau en dévoilant le sketch d’un coupé Sterling promis pour un futur proche, les ventes déclinent et atteignent à peine 4 000 unités : après avoir envisagé de revenir au nom Rover (plutôt ironique quand on sait les raisons de la création de Sterling), les anglais décident de se retirer en août 1991 après avoir livré 36 340 Sterling en 5 ans.

Rover 800 Coupe sketch

L’histoire s’arrête-t-elle ici ? Non : vous vous souvenez que le sketch d’un coupé a été diffusé [vu que j’en parle au paragraphe du dessus, j’espère sincèrement que vous vous en souvenez]. Celui-ci n’était absolument pas innocent dans la mesure où Rover prévoyait bien cette déclinaison à destination du marché américain, l’Europe seule ne pouvant probablement pas justifier de volumes suffisants. Le développement du coupé 800 étant trop avancé au moment de la décision de mettre fin à l’aventure Sterling, c’est donc en 1992 que celui-ci apparaît aux côtés des berlines 800, profondément restylées et désormais dépourvues de variante à hayon. C’est la fin du rêve américain pour Rover à qui il reste cependant la gamme Land Rover pour s’affirmer aux USA. Par la suite, aucun projet d’importer la berline 75 aux USA n’a existé à ma connaissance (ainsi qu’à la vôtre, vu que vous avez déjà tout lu sur cette voiture l’an passé…). Finalement, la seule Rover à avoir fonctionné aux USA est la Mini… de BMW. La British Invasion, orchestrée par les allemands : l’union fait la force ? Le monde change… Bref, Sterling n’a eu qu’une courte vie que je viens de porter à votre connaissance. Ne me remerciez pas. Il n’y a pas de quoi.

Et pour ceux qui veulent feuilleter la brochure :

Via ARonline, Wikipedia. Images : Just a car geek, Little dog garage, Autoweek, Hemmings.

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