On le sait, la Renault Safrane est une voiture qu’elle est bien pour la conduire. Et en ce printemps 2022, elle souffle ses 30 bougies, versions Diesel incluses, après-tout, elles ont des bougies de préchauffage. C’est l’occasion pour nous de revenir sur l’histoire du haut de gamme de Renault dans les années 90 et de s’attarder sur quelques versions emblématiques. En route !
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Renault Safrane : la fille de la 25 a 30 ans
La Renault Safrane, ou projet X54, se destine ainsi à remplacer la R25, routière à succès du Losange, symbole des années Mitterrand et fortes d’emblématiques versions V6 Turbo ou Baccara dont Gil nous a passionnément parlé ici. Mais voilà, les bonnes choses ont une fin, les mauvaises aussi, me direz-vous, l’ère Mitterrand n’était pas éternelle, un dernier ortolan et puis s’en va. Je m’égare… Bref, après 780 976 exemplaires produits entre 1984 et 1992, la R25 pouvait prendre une retraite bien méritée. Et après nous avoir fait saliver avec un beau concept car de véhicule haut de gamme baptisé Megane, la Régie ne cachait pas ses ambitions de lancer une héritière digne de ce nom à la R25 et d’aller chercher les allemandes sur leur terrain de prédilection.
Cependant, la chronologie vient un peu refroidir nos ardeurs : si l’ère « qualité » de Renault débute à point nommé dans le planning de développement du projet X54, il n’en est pas de même du style, choisi avant l’arrivée du concept car Megane, et donc de Patrick Le Quément. Ainsi, on sera un peu au regret de voir que celle qui deviendra la Safrane ne doit pas grand-chose au futuriste véhicule de salon. Il faut ainsi remonter à 1984 pour la première maquette de style, signée Gérard Asensio, défrichant ce que pourrait être la remplaçante de la R25. Mais c’est en 1986 que la proposition de Joji Nagashima, designer venu de chez Opel, est retenue. On peut y voir une forme de filiation avec l’Opel Vectra 5 portes de 1989 et quand on regarde les rétroviseurs de près, on y voit même les prémices de la Vectra de 1995 ! Cela étant dit, les proportions sont celles d’une routière du segment E, pas d’une familiale du segment D, et la face avant se veut dans la lignée de la future R25 restylée. L’arrivée de Patrick Le Quément, venu de Ford (voir notre article sur la Sierra) en octobre 1987 influe sur le style de la maquette : la face avant évolue en profondeur pour s’éloigner des codes Renault des années 80 tandis que la custode et les poignées de portes voient leur forme changée.
Détail intéressant, l’entrée d’air inférieure du pare-chocs de la maquette de Joji Nagashima semble anticiper le thème vu dans le concept car Argos en 1994 puis sur la Laguna I phase 2 en 1998. Style biodesign, architecture deux volumes et demi, portes autoclaves, qualité perçue en forte hausse par rapport à la R25 remplacée, absence de chrome, feux arrière reliés par un bandeau réfléchissant (mais pas encore lumineux, comme le veut la mode actuelle) : le style de la future Safrane est bien dans son époque. Et son hayon en fait une vraie grande Renault.
Safrane : laissez le plaisir conduire… mais mieux vaut être passager
Rendez-vous est pris en mars 1992 pour dévoiler la voiture au public au salon de l’automobile de Genève : nouvelle voiture, nouveau porte-étendard de la marque et nouveau logo : Renault troque son losange « Vasarely » pour un emblème baptisé « diamant ». Retouché à deux reprises, il vient de céder sa place au logo inauguré par la cinquième génération de Megane (essayée ici). Mais au fait, le nom Safrane est-il nouveau ? Pas vraiment, Renault étant habitué à recycler les appellations déjà déposées. On se souvient que le garnissage des sièges de la Clio II phase 2 Privilège s’appelait… Logan ! Enfin, non, personne ne s’en souvient à part moi. Merci de ne pas m’envoyer tout de suite à l’asile, j’ai un article à finir de rédiger.
Safrane est ainsi issu du nom d’une série spéciale haut de gamme de R14 destinée aux marchés anglais, allemand et néerlandais. Vous savez tout. Et l’évocation d’une épice dispendieuse associée à celle de la gastronomie en faisait un nom intéressant pour un haut de gamme bien de chez nous. Surtout si vous êtes normands, étant donné qu’elle était produite comme ses aïeules et comme sa remplaçante, à Sandouville.
La commercialisation en France débute en juin 1992 et s’étend à l’Europe dans les mois qui suivent. Trois finitions sont disponibles au lancement : RN, RT et RXE. La Baccara n’apparaît qu’au début de l’année 1993. Avec la Safrane, Renault propose des équipements très ambitieux, certains sont déjà apparus sur la fin de vie R25 à l’image des sièges Ergomatic à poches gonflables ou de la suspension pneumatique à amortissement piloté (gare au remplacement des amortisseurs, c’est 1000 € la pièce !), tandis que d’autres sont nouveaux, à l’image de la banquette arrière à réglage électrique (tout en conservant sa modularité rabattable 2/3-1/3, Renault, les voitures à vivre !) ou le pare-brise dégivrant qui fait le bonheur des conducteurs de Ford depuis près de 35 ans… La Renault Safrane renonce en revanche au hayon motorisé de la R25. Oui, la R25 avait déjà un hayon motorisé, comme certaines voitures de… 2022 ! Mais la Safrane sera la première Renault à disposer d’un airbag conducteur (optionnel en 1993) puis d’un double airbag (adieu la boîte à gants) de série avec la refonte de la gamme au printemps 1995. Mieux encore, la Safrane sera une des premières voitures du marché à disposer d’un GPS dès 1995 avec la série limitée Carminat, environ une centaine d’exemplaires avant que l’option apparaisse sur les phases 2. La Baccara se permet même le luxe de proposer un téléphone de série (jusqu’en 1995), une exclusivité qu’elle partage avec la Mazda Xedos 9 sur le marché français. A en croire ces quelques lignes, on pourrait penser que la Safrane offre un équipement pléthorique, en haut de gamme de Renault qu’elle est.
Mais voilà, il y a le niveau RN. Avec ses jantes de 14 pouces et ses freins arrière à tambour (sauf 2.2 Si et 2.5 dT en 15 pouces, on y reviendra), elle est forcément moins glamour. Idem à bord où la télécommande de verrouillage centralisé est en option, l’équipement se résumant à une paire de vitres électriques, un chauffage-ventilation bizone (sans buses au rang 2), la condamnation centralisée à clé, les vitres non teintées, la sellerie en velours, les appuie-têtes avant réglables en hauteur et en inclinaison (hauteur seule à l’arrière) et… c’est tout. Les garnitures de portes n’ont même pas de médaillon en velours ! Les options sont assez nombreuses pour combler le vide. Mon papa en sait quelque chose pour peu qu’il ait estimé qu’il était intéressant de s’en rappeler -j’imagine que non vu qu’il est moins dérangé que moi dès qu’il s’agit de voitures.
Bref, papa a eu une Safrane RN 2.1 dT bleu Atlantide nacré avec options Clim auto bizone (avec ventilation rang 2 et accoudoir central avant du riche, comme sur les versions hautes), le Pack Equipements 2 (plip, appuie-têtes arrière inclinables, vitres teintées, alarme) et la radio K7 6 HP avec commande au volant pour écouter Michael. Oui, à l’époque, on vendait des voitures à plus de 35 k€ en monnaie actuelle sans radio. Près de 175 00 Fr en 1992 avec les phares jaunes, soit quasiment 40 000 € aujourd’hui. A ce prix, l’ABS n’était pas de série, il fallait opter pour une RT. Qui n’avait toujours pas la clim ou les jantes en alliage de série (sauf V6 i) ! Les vitres arrière électriques, le siège passager relax, une sellerie plus sophistiquée -avec un timide choix de couleur- et les antibrouillards complétaient la panoplie. Vient ensuite la RXE avec sa sellerie qui fait presque penser aux américaines, sièges Ergomatic à l’avant, sa clim (enfin !), ses rétroviseurs couleur carrosserie, ses clignotants latéraux (alors pas obligatoires en France) sa radio K7 4×20 W (oui, ça n’était toujours pas de série jusqu’ici !), ses décors en faux bois et sa suspension pilotée. Cette dernière reviendra en option après 2 millésimes.
La Baccara se distinguait par ses jantes en alliage de 16 pouces, son aileron arrière et sa calandre spécifique (reprise sur les Biturbo). A bord, c’est Byzance : banquette arrière électrique, sellerie en cuir pleine fleur avec panneaux de portes, console centrale et partie inférieure de la planche de bord garnie de cuir, housse à vêtements en cuir sous la tablette arrière, vitre de séparation entre le coffre et l’habitacle (merci à la XM pour l’idée…), régulateur de vitesse, placages en vrai bois. Bref, en dehors du toit ouvrant, tout était de série. Aucune Renault n’a eu une telle profusion de cuir depuis. La Baccara (puis l’Initiale qui lui a succédé au restylage) étaient disponibles en deux ambiances intérieures : cendre (gris, comme les autres Safrane, le cuir étant toutefois gris clair et non noir comme pour les RT et RXE) ou Badiane (marron-beige). Avec un tel prestige, on pourrait rêver à de belles motorisations. Mais la Régie était alors souvent en retard d’un moteur sur la concurrence.
En essence, la gamme débutait avec le modeste 2.0 i de 107 ch, suivi par le 2.2 Si de 140 ch (BVM5 ou BVA4). A noter que certains marchés ont eu le 2.2 i (idem Espace 2 avec 110 ch) tandis que l’Italie disposait du 2.0 Si de 132 ch pour des raisons fiscales, les cylindrées de plus de 2,0 l y étant lourdement taxées. Place ensuite au V6 PRV pour coiffer la gamme avec ses 174 ch (BVM5 ou BVA4). En Diesel, c’est encore pire : la seule offre au lancement est le poussif 2.1 dT de 90 ch. Dont près de 80 d’entre eux servaient à alimenter le compresseur de clim. J’exagère. A peine. Dans le courant de l’année 1993, le renfort vient de l’autre côté des Alpes : le bloc 2.5 dT d’origine Sofim offre 115 ch, est disponible en BVM5 ou BVA4 et se distingue par… des performances à peine dignes d’une XM ou d’une 605 en 2,1 l turbodiesel, tandis que la fiabilité laisse à désirer. A noter que la Renault Safrane ne se contente pas d’être une traction : une version Quadra à transmission intégrale est disponible en V6 boîte manuelle sur RXE. C’est cette version qui servira de base mécanique au Graal des passionnés de Safrane : la version Biturbo.
Oui, pour succéder à la R25 V6 Turbo, Renault part du principe que plus il y en a, mieux c’est. Et quitte à affronter les teutonnes, Autant se tourner directement là-bas pour adapter la voiture : c’est le préparateur Hartge qui se charge de préparer le moteur en partant d’une Safrane V6 Quadra livrée de Sandouville. Deux turbos sont alors greffés, portant la puissance à 268 chevaux à 5 500 tr/min. Sa vitesse maximale est de 252 km/h, officiellement auto-limitée à 250 km/h. Tellement plus raisonnable que 252… Quant à l’esthétique de la voiture, c’est un autre allemand, Irmscher, qui fait les finitions, avec les boucliers spécifiques et la canule d’échappement chromée. Présentée en 1993 et commercialisée dès le début de l’année 1994, la Safrane Biturbo est chère, à l’image de Stéphan. 389 000 Fr en finition RXE, et 428 000 Fr (ou 94 000 € actuels) en finition Baccara. C’est même très éloigné du tarif d’une DS 9 E-Tense 4×4 360 ch (de 67 500 € à 70 400 €), sa lointaine descendante chinoise… euh, française. Qui a dit qu’on avait perdu de notre souveraineté économique et industrielle ? On commandera un rapport à McKinsey pour en avoir le cœur net !
Et une fois n’est pas coutume, la Safrane Biturbo n’est pas moins chère que ses rivales allemandes, son process de fabrication international et les faibles cadences n’y sont pas étrangers. Une BMW 540i coûte 370 000 Fr et revendique quelques chevaux de plus (286). Chez Mercedes, la E420 Prestige est facturée 433 000 Fr, avec son V8 de 279 ch associé à une boîte automatique, qui fait défaut à la Française, pénalisée par sa boîte limitant le couple et la puissance en deçà des 280 ch initialement espérés. Résultat, malgré sa technologie, son confort et ses ambitions, la Safrane Biturbo se vend très mal. En 1996, la messe est dite et la Safrane Biturbo passe à la trappe, produite à seulement 806 exemplaires. On soulignera toutefois que la démarche de Renault d’aller chercher les routières sportives allemandes sur leur terrain était sévèrement burné. D’ailleurs, Bernard Tapie a possédé une Safrane Biturbo. Replongez-vous dans notre saga des Renault Turbo pour jalouser Karim qui a pu l’essayer pour nous.
Putain deux ans et demi de commercialisation pour la Safrane, Putain deux ans depuis deux ans pour d’autres, cette fin de premier trimestre 1995 sonne l’arrivée d’une refonte de la gamme Safrane : quelques économies sont faites avec l’abandon du réglage en inclinaison des appuie-tête arrière, la simplification des ambiances intérieures (cendre sur toute la gamme, sauf Baccara qui poursuit inchangée), de nouveaux enjoliveurs de roues en entrée de gamme, les jantes en alliage « Image » issue de la V6 RXE sur les versions équipées auparavant des jantes « Elysée », mangez des pommes, mais surtout, l’arrivée de série de l’ABS et du double airbag, tout comme de la ceinture centrale 3 points à enrouleur.
Les niveaux profitent de nouvelles appellations : base, Dédicace et Ellipse succèdent à RN, RT et RXE, les deux premiers niveaux partagent une nouvelle sellerie en velours à confection identique à celle de l’ancienne RT, garnie d’un motif plus moderne, tandis que l’entrée de gamme s’enrichit de médaillons en textile sur les contreportes, de baguettes en faux bois, et, sur les 2.2 Si et 2.5 dT, d’antibrouillards, de coques de rétros ton caisse et de vitres arrière électriques. Vous vous en moquez ? Certes, mais vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas. Et puisque nous étions alors en pleine campagne électorale, Renault ne s’est pas privé de commanditer 3 spots à Publicis. Plutôt bien sentis, d’ailleurs.
Renault Safrane publicité Ballotage 1995 – YouTube
Renault Safrane Publicité Elections presidentielles 1995 – YouTube
Renault Safrane pub L’exode 1995 – YouTube
Renault Safrane : laissez Jacques Villeneuve conduire
Rentrée 1996, je passe en quatrième. Mais vous vous en fichez. La Renault Safrane, quant à elle, passe chez le chirurgien qui lui offre une nouvelle poupe, une nouvelle proue, de nouvelles baguettes latérales avec jonc chromé, de nouvelles jantes, tandis que l’habitacle évolue à la marge avec deux nouvelles selleries sur les deux premiers niveaux de gamme, des mini rangements de part et d’autre du levier de vitesse, de nouvelles radios et une console centrale gris clair au lieu de gris foncé. L’essentiel de l’enveloppe budgétaire est passée sous le capot, on le verra plus tard, et sur les nouveaux boucliers avant et arrière, capot, projecteurs, feux et hayons. Un lourd restylage modifiant très largement le look du véhicule. Pour le meilleur en modernisant la face avant, et pour le pire avec une face arrière qui n’a pas fait l’unanimité. Pour autant, elle ne me déplaît pas. Mais bon, j’aime les Renault Avantime, les Fiat Multipla, les Audi A2 ou les BMW de l’ère Bangle alors, je ne sais pas trop si mon avis a une quelconque valeur…
Les appellations de la gamme font aussi peau neuve, suivant la tendance lancée au même moment chez Renault. Sur la Safrane, cela se traduit par une entrée de gamme baptisée RTE, suivie de RXE (rien à voir avec la RXE du lancement, c’est un équivalent RT/Dédicace), RXT (équivalent RXE/Ellipse) tandis que l’appellation Baccara disparaît au profit d’Initiale, dénomination issue du splendide concept car à moteur V10 de 1995. D’ailleurs, la teinte Houblon mise en valeur sur les photos officielles de la Renault Safrane Initiale (dont une dotée de poignées de portes couleur caisse, jamais industrialisées) est un clin d’œil à la teinte champagne du concept car. Bref, Renault évite ainsi de s’enliser dans un procès avec Baccarat, qui a peu goûté aux Renault Baccara. Quant à la pub de lancement, c’est Jacques Villeneuve qui s’y colle. Renault venait de réaliser un hold-up en F1, autant en profiter.
En octobre 1997, mon père a une Biturbo… si on cumule ses deux Safrane de fonction : le voici avec une RTE 2.2 dT avec option clim auto (toujours pas de série à l’époque) et, toujours dans le but d’écouter Michael, la radio CD 6 HP à affichage déporté (Radiosat 6000 CD de son nom commercial). Ne croyez pas que la radio CD était une surmonte d’une éventuelle radio K7 de série : la radio était en option. Tout court ! Privé de peinture métallisée, c’est un modeste Bleu Nuit qui recouvre cette seconde Safrane. Le prix devait tourner autour de 192 000 Fr, de mémoire. Soit 40 100 € aujourd’hui. Soit le même tarif que sa première Safrane en monnaie constante. Mais entre-temps, la voiture a gagné 25 ch, l’ABS, le double airbag, le pare-brise réfléchissant, les médaillons en velours sur les contreportes, les baguettes en faux bois, les jantes de 15 pouces (en tôle avec enjos, faut pas déconner) et les freins arrière à disques, tandis qu’elle troque son alarme contre l’antidémarrage. Un bon deal, donc.
Mais comment Renault a-t-il fait ? Finis les appuie-têtes réglables en inclinaison à l’arrière (disparus depuis le printemps 1995), finies les prises jack au rang 2 et la commutation des hauts parleurs, et ce sur toute la gamme, même la luxueuse Initiale qui perd sa vitre de séparation entre le coffre et l’habitacle, au passage. En réalité, plein d’équipements disparaissent de la gamme, ainsi que des mécaniques : les Quadra et Biturbo rejoignent le musée, la banquette arrière électrique et la suspension pilotées ne sont plus que des souvenirs, les versions dotées de sièges en velours se contentent d’un garnissage moins élaboré au dos des sièges avant, l’affichage déporté de la radio est groupé avec celui de l’heure et de la température (pièce transversale aux Laguna et Mégane), et l’offre mécanique se simplifie drastiquement, Renault ayant pour objectif d’arrêter de perdre de l’argent, un Cost Killer du nom de Carlos Ghosn arrivant en 1996 à cet effet : les 6 blocs essence de la phase 1 cèdent la place à 3 motorisations. Si le V6 PRV est conservé dans un premier temps, et réservé à la version Initiale, la Safrane dispose enfin de deux blocs compétitifs, issus du mariage avorté avec Volvo. On trouve ainsi le fameux 5 cylindres 2,5 l 170 ch du suédois et un dérivé amputé d’un cylindre, le 2,0 l 138 ch. La BVA4 n’est disponible que sur ce dernier et sur le PRV. En Diesel, le 2.2 dt 115 ch remplace efficacement les deux précédents moteurs, mais la version Diesel automatique disparait ainsi. Moins d’options, moins de motorisations, quelques petites ou grosses disparitions, la Safrane est plus facile à fabriquer et à vendre.
Un peu moins de prestige mais des motorisations « cœur de gamme » enfin respectables, donc. La Renault Safrane n’oublie pourtant pas d’innover un peu en offrant la possibilité de disposer de projecteurs au xénon (à partir du premier janvier 1997 en France, l’équipement n’étant pas autorisé dans l’hexagone avant cette date). Au gré des mois, l’Initiale va enfin proposer le 2.5 Volvo en complément du PRV (avec curieusement des jantes de 15 pouces issues de la Laguna Initiale, homothétie des 16 pouces de la Safrane Baccara !), tandis que 1998 voit l’arrivée du volant moche mais surtout de la boîte à gant compatible avec l’airbag passager ! Les appuie-têtes avant, quant à eux, reprennent le design en portefeuille et les tiges incurvées inaugurés par la Clio II. Le nouveau V6 ES9 (codé L7X chez Renault), déjà proposé par PSA depuis fin 1996 sur les 406 et Xantia et qui a débarqué dès 1997 sur l’Espace 3 et les XM/605, arrive enfin sous le capot des Laguna restylées et de la Safrane. Mieux vaut tard que jamais, et avec ses 194 ch, il restera comme la plus puissante offre en phase 2, bien loin des 268 ch de feu la Biturbo. En 1999, la fin de vie approche, et la gamme se simplifie : RTE devient Confort et gagne les rétros couleur carrosserie dont l’entrée de gamme était privée depuis le restylage ainsi que la sellerie de la RXE ; cette dernière devient Pack et gagne une calandre chromée et une sellerie de RXT, qui devient Pack Cuir (je crois que vous avez deviné qu’elle troque sa sellerie velours contre le cuir de l’Initiale), tandis que l’Initiale devient… morte. Plus qu’une année à vivre avant l’été 2000 qui voit Sandouville se focaliser sur la Laguna II, en attendant la remplaçante de la Safrane, la Vel Satis. On pourrait aussi considérer l’Avantime comme une sorte de remplaçante de la Safrane, remarquez, vu son positionnement tarifaire et la cible visée.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Safrane n’a pas été remplacée par des modèles à succès ! Mais au fait, en comparaison avec la R25, que valait la Safrane sur le marché ? En Europe, pas grand-chose, même la XM se vendait deux fois mieux en Allemagne en dépit de ses problèmes de jeunesse. C’est en France que la Safrane a brillé : familiale 7 CV ou coqueluche des ministères, elle a brillamment rempli son office, bien aidée, il est vrai par la déconfiture les XM et 605. En tout, 310 000 exemplaires ont été vendus, loin, donc, du score de son aïeule. Mais voilà, deux phénomènes se sont passés entre temps : d’une part, les véhicules premium se sont imposés comme incontournables auprès de la clientèle haut de gamme. Les gens préfèrent rouler dans une Mercedes à vitres manuelles que dans une Ford avec le cuir. C’est ainsi, si on veut caricaturer. D’autre part, les monospaces sont venus manger d’importantes parts de marché auprès de la clientèle qui recherchait une grande familiale. Espace II puis Espace III se sont chargé de siphonner une bonne partie des clients de la Safrane. Et depuis, les SUV ont siphonné à leur tour les clients de monospaces comme ils ont achevé les berlines. Et les breaks. Et les coupés. Et les cabriolets. Renault n’avait peut-être pas tort en lançant une voiture haute avec la Vel Satis. C’est juste qu’elle n’était pas assez haute et n’avait pas d’extensions d’ailes en plastique grainé… Quoi qu’il en soit, on peut regretter que le superbe concept car Initiale de 1995 n’ait pas débouché sur un beau haut de gamme unanimement apprécié. Mais ce scénario n’a pas eu lieu. En parlant de scénario… et si on causait cinéma ?
Cinéma, cinéma, tchi-tcha
Renault et le cinéma, toute une histoire. On a évoqué dans cet article la série spéciale Safrane Palme d’Or de 1994, alors je vous invite à le lire. Mais la Renault Safrane a aussi connu quelques apparitions au Septième Art, dont une plutôt étrange ! On se souvient de l’immense succès qu’a été le premier volet de la saga Les Visiteurs avec 14 000 000 d’entrées en France. La famille Goulard roulait en Renault Safrane V6 RXE Bleu Crépuscule avec les sièges en cuir Cordoba noir. Cette précision n’a aucune importance, mais je m’en souviens, et je me souviens d’avoir vu la voiture au Mondial de l’Automobile en 1994. Bref, il y a notamment la scène où la bague, abandonnée sous le siège passager, se met à exploser et transperce le pavillon de la voiture. Un moment assez marquant du film qui m’a fait comprendre très jeune qu’un toit ouvrant aurait pu être plus utile pour éviter pareil « chou-fleur ». Dans le second volet de Les Visiteurs, le trou dans le pavillon de la voiture est d’ailleurs toujours présent. Le reste du véhicule a quelque peu été altéré puisqu’une modeste Passat remplace la Safrane, changement de sponsor oblige. Je crois que j’ai détesté le film rien qu’à cause de ça.
Autre moment de cinéma, le film Le Bonheur Est Dans Le Pré, grand succès également, bien que moins regardé que Les Visiteurs. Je suis également responsable de ce moindre score, je dois l’avouer. Bref, je suis bien incapable de vous parler du film, si ce n’est que le personnage incarné par Eddy Mitchell roule en Renault Safrane V6 Quadra. Rien d’anormal ? Il y a juste un petit détail : l’acteur et chanteur ne sait pas conduire. C’est là qu’intervient un bricolage fou : le moteur de la Safrane était monté dans le coffre de la voiture et entraînait les roues arrière, tandis qu’un cascadeur était coincé sous le capot et regardait la route à travers la calandre pour conduire la voiture ! Franchement, si j’avais été Eddy Mitchell, j’aurais profité de mon compte CPF pour passer le permis avant le tournage. C’est pas comme si on n’était pas harcelés de spams en ce moment pour y penser !
Epilogue : une Safrane peut en cacher deux autres
La Safrane est morte, vive la Vel Satis… et après ? Renault a souvent cherché à s’internationaliser. Certes, l’aventure américaine s’est terminée en 1987 et l’aventure chinoise n’a jamais vraiment débuté. Mais Renault a réussi deux coups de maître récemment : Nissan en 1998 et Dacia en 1999, sans parler de Samsung Motors au succès certes moins resplendissant. Par voie de conséquence, le Losange est allé se servir au sein de l’Alliance pour ressusciter la Safrane ! Nous voici en 2008 et la Nissan Teana, dont le dérivé sud-coréen est produit à Busan sous le nom de Samsung SM5 devient Renault Safrane par la magie du rebadgeage.
Les Emirats Arabes Unis et le Mexique sont les seuls marchés concernés par ce modèle, remplacé en 2011 par… une autre Renault Safrane, cette fois dérivée de la génération suivante de Samsung SM5, plus connue en France sous le nom de Renault Latitude. Pour des raisons de positionnement face à la Laguna, la Latitude disposait de la planche de bord de la SM7 tandis que les SM5 et Safrane recevaient une planche de bord dérivée de celle de la Laguna, revue en partie centrale. Fin de vie en 2016 avec l’avènement des Renault Talisman et Samsung SM6… La remplaçante de cette Safrane ? Non. Je vous le donne en mille : un SUV, en l’occurrence, le Koleos s’en est chargé sur les marchés mexicains et moyen-orientaux. On n’échappe pas aux SUV.
Une dernière pour la route ? Le prototype Long Cours réalisé par Heuliez : dévoilé au Mondial de Paris en 1994, il représente la vision d’un luxueux break Safrane basé sur une V6i BVA avec un look de Biturbo. A la base, il s’agissait d’un simple dessin d’Heuliez qui a plu à Patrick Le Quément, lequel a suggéré au bureau de style de réaliser le véhicule grandeur nature. Aucune suite n’a été donnée, le seul grand break d’alors chez Heuliez reste donc la XM. Notez la boîte à gants non verrouillable issue de la RN, le véhicule donneur d’organe ayant probablement été une présérie. Quoi ? Vous n’en avez rien à faire ? Je vous l’accorde. Mais maintenant, vous savez tout.
Sources : Wikipedia, Car Design Archives et pas mal de souvenirs d’enfance. Un grand merci à Renault pour les nombreuses images fournies. On se quitte avec une grande galeries de photos de Renault Safrane :
Renault Safrane