- Retrouvez ICI notre article de présentation complet sur le Dacia Bigster
- Lisez LA notre interview de David Durand, Directeur du design Dacia
- Nos QUESTIONS posées à Ludovic Dupont et Anne Billaud, responsables de la gamme et des prix du Bigster
- Notre INTERVIEW de Yannick Martinet, Directeur commercial de Dacia
Bonjour Denis Le Vot, parlez-moi rapidement de votre parcours.
Bonjour, je m’appelle Denis, j’ai 59 ans, je suis breton de naissance et je suis dans l’automobile depuis plus de 35 ans. Il y a quatre – cinq ans, Lucas de Meo m’a proposé de prendre Dacia quand on a impulsé le plan stratégique Renaulution. L’idée était – notamment – de faire de Dacia une marque à part entière, de gommer son côté “enfant” : j’ai trouvé le challenge passionnant.
Avec un père menuisier, j’ai toujours eu cette vision que les voitures devaient être simples. C’est le cas chez Dacia : on fait des voitures simples pour les gens normaux qui veulent en avoir pour leur argent.
Qu’est ce qui vous a plu en arrivant chez Dacia et qui demeure aujourd’hui ?
Nous n’avons pas modifié la recette de Dacia, qui reste la même. Dacia reste une marque solide, avec des voitures essentielles, pas sur mesure. On met dedans ce qu’il faut, rien de plus. Ce n’est toutefois pas si facile car la notion “d’essentiel” bouge avec le temps. Prenez, par exemple, aujourd’hui, une voiture sans direction assistée ni air conditionné, c’est invendable, alors qu’il y a 20 ans, ça l’était.
Par ailleurs, pour faire, on réutilise ce qui a été développé par le groupe, donc on va “piquer” dans l’armoire tous les composants des voitures, les moteurs, les plateformes, etc. Cela participe à la rentabilité. Dites-vous que l’on a déjà produit 700 000 voitures sur la même plateforme. Progressivement, Dacia se déploie sur de nouveaux segments. Le Jogger en a attesté, c’est à présent au tour du Bigster, parfaitement intégré sur le segment C.
Enfin, je dirais que l’on vend nos voitures d’une manière tout à fait particulière : on ne fait pas de rabais, on fait comme les téléphones, par exemple. Il n’y a qu’un seul prix. A ce jeu-là, nous avons une majorité de clients particuliers, qui gardent leurs voitures en général 7 – 8 ans et qui sont hyper fidèles à la marque (70 % de taux de fidélité). Ca n’empêche que nous avons aussi beaucoup de clients professionnels : les gendarmes, ou encore les pompiers, plébiscitent le Duster.
Chez Dacia, il n’y a pas de plafond de verre : si on peut faire sur le segment C ce que l’on sait faire, depuis 20 ans, sur le segment B, eh bien on le fait. On passe en quelques sortes du petit bassin au grand bassin ; le segment C étant bien plus prolifique. On amène donc, avec le Bigster, un SUV, qui a tous les ingrédients indispensables pour concourir dans la catégorie. Le prix s’annonce compétitif : moins de 25 000 euros en thermique, moins de 30 000 euros en hybride, alors qu’aujourd’hui, sur le marché, un SUV du segment C c’est minimum 35 000 euros et de nombreux équipements “techno” dont les gens n’ont pas forcément besoin et qui pénalisent le poids.
Notre “job”, c’est de nous adresser à toutes celles et ceux qui trouvent que les prix des véhicules ont énormément augmenté. De leur faire signe de venir chez Dacia, où nous avons un Bigster au prix compétitif, un poids contenu, pas de chrome, pas de cuir, donc meilleur pour la planète également.
Quand vous avez commencé à réfléchir à Bigster, est-ce que la situation d’inflation existait déjà ?
Les normes étaient “écrites” : GSR2, etc. L’abondance de technologies augmente, notamment, le prix des voitures. Dans ce contexte, les voitures hyper technologiques ont des prix qui augmentent encore plus que les autres.
Ainsi, plus il y a de “pression” entre le coût et l’inflation, et plus l’écart de prix entre Dacia et ses concurrents grandit. Cela explique sans doute pourquoi la Dacia Sandero est devenue la voiture la plus vendue en Europe, au-delà du fait que nous avons beaucoup travaillé sur la marque et son positionnement.
C’est plus facile d’aller déployer ou faire la même chose que ce qu’on avait fait dans le segment B dans le segment C que l’inverse. Le niveau de sophistication est effectivement bien plus élevé dans le segment C. C’est donc plus facile d’y arriver en faisant nos propres choix. En assumant, avec le Bigster, que l’on va à l’essentiel. Pour autant, le Bigster a tous les codes du segment, tout en étant plus léger (150 kg de différence par rapport à la moyenne des concurrents).
Nous sommes d’accord que si vous allez sur le segment C, malgré tout, vous n’avez pas la même voiture que les autres ?
Bien-sûr que non : la limite du jeu de Dacia, c’est sa plateforme. On fait des cercles concentriques autour, c’est comme ça que l’on est efficace. Malgré de nouveaux éléments qui arrivent, la voiture reste une Dacia.
Segment B, segment C… c’est du jargon de constructeur et a fortiori, de journaliste ! Comment parlez-vous concrètement, avec le Bigster, à vos clients ?
Dacia est en train de s’installer dans le plus grand segment d’Europe. Jusqu’à présent, exception faite du Jogger, nos voitures ne dépassaient pas les 4,30 mètres de long. Le Duster reste compact, par exemple, tout en offrant des capacités offroad.
Avec Bigster, on passe à autre chose : c’est une grande voiture, qui va aller batailler dans le plus grand segment d’Europe, très plébiscité en Allemagne ou au Royaume-Uni notamment. Vous le voyez d’ailleurs sur les images de présentation du véhicule : on le voit sur des routes, au milieu de grands espaces, pas en train de crapahuter dans un chemin.
Le Bigster est une excellente voiture familiale, avec par exemple un rayon aux genoux de 30 centimètres à l’arrière. La garde au toit est également importante : c’est comme ça que nous parlons à nos clients.
N’y a-t-il pas de risque, pour un spécialiste comme Dacia du segment B, à passer au niveau supérieur ?
Je pense que c’est exactement l’inverse : chez Dacia, on dit “qui peut le moins peut le plus” !
Le Duster n’est pas du tout un risque pour Dacia, avec 2 millions de voitures vendues. C’est l’essence même de Dacia. Sur cette base industrielle, nous avons fait une proposition différente sur la même plateforme avec le Bigster.
D’un point de vue commercial, on va arriver avec une voiture 25 % moins chère que ses concurrentes sur le segment C.
Un des points forts de Dacia, c’est la fidélité des clients, particuliers notamment. Le segment C est assez différent, en misant plutôt sur les professionnels. En lançant le Bigster, vous ne changez pas de recette ?
Ce n’est pas qu’on ne vend pas aux flottes, c’est qu’on ne fait pas de remise ! A l’inverse, nous avons une très bonne valeur résiduelle qui peut séduire les flottes. D’ailleurs, tous les professionnels qui ont besoin d’un 4×4 savent trouver le Duster.
La répartition des ventes, sur le segment C, qui représente 3 millions de voitures, c’est ⅔ de pros, ½ de particuliers. ⅓ de particuliers, c’est déjà 1 million de clients potentiels. On a déjà un terrain de jeu colossal et on ne s’interdit pas de séduire les pros.
Pour cette interview et cette présentation du Bigster, nous sommes en Allemagne. Ce n’est pas un hasard, j’imagine : l’Allemagne est le gros marché du segment C. Finalement, est-ce que le Bigster, c’est un outil de conquête, notamment du marché allemand ?
Le Bigster est un outil de conquête, mais pour toute l’Europe, pas que l’Allemagne. Il y a toutefois deux marchés où le segment C est particulièrement fort : l’Allemagne et l’Angleterre. Donc, oui, ce sont ces marchés qui donnent le ton, car là-bas, les clients sont très exigeants.
Si on arrive à faire une voiture répondant aux canons des clients allemands, logiquement, on est plutôt bien ! C’est pour cela qu’on a fait des tests clients auprès de 400 personnes en Allemagne, pour la première fois. D’où la présence d’équipements inédits sur une Dacia : des sièges électriques ou un hayon électrique.
On met tout ce qu’il faut mais juste ce qu’il faut. Le Bigster a un côté plus “technique”, moins “latin” que le Duster.
Le Duster est commercialisé depuis quelques mois. Vous êtes satisfait de ses débuts commerciaux ?
Ca se passe bien !Il se passe quelque-chose dont on se doutait : le Duster matérialise un certain saut technologique. On découvre donc, au-delà de nos clients fidèles, de nouveaux clients qui décident de prendre un véhicule moins cher, avec le Duster, que ce qu’ils visaient initialement.
C’est pour cette raison que les deux niveaux de finition haut de gamme, Extreme et Journey, sont très plébiscités et représentent 80 % du mix.
Globalement, Dacia va bien ?
Parfaitement. Dacia, c’est la mobilité abordable et des voitures essentielles. Dacia fait ce qu’il avait dit, et on voit que le marché vient vers nous.
Nous avons un créneau extrêmement clair. Nous évoluons, mais en restant droits et fidèles à notre position historique.
On a l’impression que vous fonctionnez par étapes. Il y a eu la Sandero, puis le Duster, puis le Bigster. Vous ne vous interdisez donc pas d’aller… encore plus haut ?
La limite, c’est la technologie, la plateforme. On ne peut pas sortir de nos usines, fournisseurs, etc. si facilement que cela. Nous sommes très conscients de ce que l’on fait. On fait des cercles concentriques sur la même plateforme, donc on n’a pas lancé toutes les voitures en même temps. Nous avons pris du recul tout en conservant ce qu’on était.
Notre progression nous a permis d’aller sur de nouveaux segments mais aussi de changer certaines choses, à commencer par notre logo.
On y va, avec notre rythme à nous. Notre limite est aussi économique : il faut que l’on reste abordable.
Nous allons d’ailleurs lancer deux nouveaux modèles sur le segment C.
Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour l’avenir ?
Beaucoup de clients : quand on met une Dacia sur la route, on fait du bien aux clients et à la société, en apportant une mobilité abordable, une certaine joie de vivre. Je le pense vraiment ! Il y a un côté affectif important.
Photos : Guillaume AGEZ
Propos recueillis par Guillaume AGEZ