Le Nouvel Automobiliste
Citroën BX 19 Digit

Essai d’une Citroën BX 19 Digit : l’avenir au futur antérieur

2022 sonne le quarantième anniversaire de la Citroën BX et quoi de mieux que de le fêter avec une Citroën BX 19 Digit ? Longtemps objet de railleries, la BX entre peu à peu en collection avec un rassemblement de passionnés en Alsace et un événement dédié à ce modèle au Conservatoire Citroën. Mais être âgé suffit-il pour devenir vieux ? Certainement pas ! Par son design, ses solutions techniques et son confort, la BX est tout sauf une voiture ancienne. Un constat encore plus vrai avec la série limitée Digit, et son instrumentation numérique délicieusement rétro-futuriste. Le futur, c’était mieux avant ?

On embarque à bord d’un collector que la modernité empêche d’entrer de plain-pied dans l’univers de la collection.

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La Citroën BX : déjà 40 ans !

La BX cristallise autour d’elle des moments forts de l’histoire des chevrons. C’est la première Citroën intégralement développée sous l’ère PSA qui arrive à utiliser des technologies Peugeot (moteurs, etc.) tout en conservant l’originalité des chevrons, avec la suspension hydropneumatique ou encore l’instrumentation sans commodos. Elle est aussi la synthèse réussie, avec 2 337 016 unités produites en 12 ans de carrière, entre une architecture moderne et aérodynamique de berline bicorps à hayon, et des matériaux innovants et légers comme le hayon et, pour les modèles haut-de-gamme même le capot, en polyester et fibre de verre !

Grâce à la BX, Citroën a pu satisfaire les clients de sa GS tout en captant ceux qui cherchaient un couteau suisse, tantôt une compacte (4,23 m), tantôt une berline (silhouette basse), tantôt du confort, tantôt de l’agilité grâce à d’excellents trains roulants et une caisse très légère. Malgré ces qualités reconnues, la BX est malgré tout tombée dans la désuétude, couronnée par le célèbre article du Gorafi. Un titre aussi irrésistible qu’assassin, mais qui montre bien à quel point la BX semblait mise au ban des chevrons. Comme la CX associée à Jacques Chirac ou la Xantia à Caméra Café…

Un écueil ? Pas vraiment, car Citroën a une faculté que lui jalousent tous les autres généralistes : celle de faire du plus banal des modèles un collector. Alors, quand la voiture est aussi talentueuse que la BX, la sortie du purgatoire était évidente. Restait à savoir quand ? Et il semble qu’en 2022, ça y est, après les initiés, le moment soit (enfin) venu pour le commun des mortels.

Un collector enfin reconnu

Nous avons parcouru la Traversée de Paris estivale à bord d’une BX. Rassurez-vous, on ne va pas vous raconter notre vie, mais vous rapporter seulement ici les paroles prononcées par les badauds à notre passage : « elle est super cool », « géniale ! », « elle est neuve ! », « ah, la voiture de mon père, intacte ! », « tu vois, ça c’était la voiture de ton papy ». Ces pouces levés même dans les embouteillages du lundi matin, doublés de grands sourires.

Essai Citroen BX 19 Digit 1985 Aventure Citroen LNA FM 19

Jusqu’à la consécration où, sur l’A86, une Mégane a slalomé pour nous rattraper et se porter à notre hauteur. A son bord, deux trentenaires avec un immense sourire : « on cherche une BX, celle-ci est à vendre ? » Cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas proposé de me racheter la voiture que je conduisais !

Et cela illustre surtout toute la cote d’amour qui désormais se dégage de la BX : enfin acceptée et reconnue par le grand public, elle devient un objet culte des années 1980. Celles d’une génération née dans les années 60/70 et qui a grandi à son bord, l’a conduite, l’a connue comme voiture de famille, ou encore des plus jeunes qui l’ont découvert dans l’Opération Corned Beef.

Pour ma part, la BX m’évoque mes retours sur le chemin de l’école primaire, ou parfois un voisin sortait et démarrait sa BX Ourane que je reconnaissais aux « ksskss » de la centrale hydraulique. Mais qu’importe : on a tous en nous une anecdote autour de la BX.

Jusque-là, ce papier aurait pu être comme n’importe quel papier autour de la BX. Mais relisez le titre de ce sujet, il comporte 5 lettres comme autant de doigts (digit, en anglais) sur votre main (qu’on espère intacte) : DIGIT donc.

BX 19 DIGIT : Retour vers le futur

1985. la BX dans sa troisième saison. C’est celle de tous les dangers : les ventes peuvent commencer à fléchir alors que Renault s’apprête à lancer sa berline 21 et que Peugeot met sur orbite une 309 au fort goût de Talbot Arizon. Et depuis un an, la « hype », c’est la voiture communicante. A l’image de la Renault 25 ou de la Renault 11 Electronic, qui parlent à leurs occupants.

Quel pied de nez, que des modèles au style plus banal (mais chaperonné par Robert Opron, jadis chez Citroën…) dament le pion à une BX plus moderne que la moyenne, mais dépassée par l’artifice de l’électronique ! Citroën se devait de réagir et le fait sous la forme d’une série spéciale à 4 000 exemplaires : la BX Digit.

4 000 unités, dont 2 600 rien que pour le marché français, d’une BX presque expérimentale. Citroën a l’habitude de confier des modèles innovants à ses clients : les M35 à moteur rotatif, les XM Multimédia et Xsara Windows CE à architecture internet… Avec la BX Digit, c’est sur le tableau de bord que tout se passe : l’affichage central est digital avec un écran à cristaux liquides qui affichent de façon dynamique le régime moteur et la vitesse.

Essai Citroen BX 19 Digit 1985 Aventure Citroen LNA FM 74

Un écran où le nom « XB » figure… une référence au code projet de la BX, qui s’appelait avant son lancement le projet XB ? L’ordinateur de bord est repris de la BX GT de même que le moteur 1 905 cm3 de 105 ch, ce qui en fait un haut-de-gamme « branché ». Autour de l’écran sont rassemblées les fonctions du modèle par voyants, à la lecture dégagée par le volant monobranche.

Si l’instrumentation se veut démonstrative, la BX Digit n’en est pas moins discrète : seul un logo sur le hayon et un autre sur le cendrier permettent de la distinguer ! Mieux, Citroën n’a pas intégré de synthétiseur vocal, mais a « fait appel aux techniques automobiles de pointe » dixit le communiqué de l’époque.

Les informations ne sont donc communiquées au conducteur qu’en silence avec 14 fonctions dont l’heure, la consommation, la vitesse moyenne, ou encore la détection d’ampoules allumées, grillées, et d’ouvertures de portes. Un détail qui l’aura rendu légèrement moins connue que les Renault de l’époque.

Pour compenser, la Digit comprend le verrouillage centralisé par télécommande infra-rouge, et un autoradio stéréo-K7 Pioneer de 2×20 W, 5 haut-parleurs et affichage LED. Le futur !

Rare, la BX Digit arrive juste avant le restylage de 1986 : elle aura permis à la BX de tenir son rang face à la concurrence. Côté performances, la légèreté de la BX fait des miracles avec ses 105 ch : même chargée, la voiture répond à toutes les sollicitations, et il faudra juste se méfier des changements de rapports en raison d’une 3e et d’une 5e un peu trop proches l’une de l’autre.

Pour l’anecdote, à bord, le monogramme Digit cache un tiroir au mouvement on ne peut plus mécanique, celui du cendrier, l’indispensable équipement des années 80/90 !

Aujourd’hui, prononcer « digit » chez Citroën évoque un autre langage : celui de la rentabilité prônée par Stellantis, et son principe d’une marge opérationnelle à deux chiffres, à « double digit ». Des efforts hélas trop peu tournés vers le patrimoine : c’est d’ailleurs à l’Aventure Citroën que nous devons d’avoir pu découvrir la BX 19 Digit, notre modèle d’essai étant ni plus ni moins que celui du Conservatoire ! Un modèle que l’association patrimoniale a acquis en 2008 auprès d’un ancien collaborateur de Vélizy et qui ne figurait pas encore dans les collections : eh oui, on vous le disait, la modernité de la BX a dû mal à faire son âge…

BX 19 DIGIT : Retour vers le futur (imminent)

Il est temps de prendre le volant de notre BX Digit et comme toujours, une Citroën ne fait rien comme tout le monde. Vous pensiez pouvoir démarrer plein pot ? Avec une BX, il faut d’abord attendre que la centrale hydraulique monte sous pression et lève l’arrière puis l’avant de la voiture. Un cérémonial qui permet de faire montrer en température doucement le moteur, le plus pêchu de l’époque (hors éphémère BX 4TC), à carburateur et starter automatique (pardon, allumage transistoré disait-on à l’époque !).

Après une quinzaine de secondes, nous sommes prêts… ou presque. Car il faut à présent appréhender l’ergonomie de la BX et là encore, une Citroën ne fait rien comme tout le monde.

Le volant monobranche se prend en main avec une évidente simplicité, et il en va de même de l’absence de commodos. En effet, tout le pourtour du tableau de bord est paré de boutons : à gauche, le clignotants et les phares ; à droite, les essuie-glaces et le klaxon, en plus des feux de détresse et du rappel d‘ordinateur. Pour ouvrir le moteur, le loquet est sous le volant. Et, entre les sièges, deux leviers, l’un pour la boîte de vitesses, l’autre pour la commande hydraulique d’assiette.

Une fois les commandes appréhendées, on prend cette fois le temps d’admirer l’habitacle dans son ensemble. Alors oui, les années 80 sont celles du plastique mais le style a globalement bien vieilli. Les matériaux, moins mais on notera des plastiques légèrement moussés et la présence généreuse de moquette sur les contre-portes et le bas de planche de bord. Les tapis de sol, eux, sont on ne peut plus récents : L’Aventure Citroën vient de lancer début 2022 une refabrication en France des tapis de sol des BX, badgés de son nom. Le set complet est à 79,90 € disponible sur leur boutique.

Et puisqu’on a encore le temps, on remarque la modernité de l’équipement : 4 vitres électriques, direction assistée à crémaillère, freinage assisté à haute pression (attention à bien le doser !), de belles poches aumônières pour ranger les documents, et 4 appuie-têtes avec même des rideaux pare-soleil à enrouleur ! Les sièges avant bénéficient d’un réglage en hauteur, et leur découpe épouse bien le corps.

On note enfin, raffinement des BX haut-de-gamme, la glace teintée de custode arrière, aujourd’hui reprise par les C3 Aircross, et qui ajoute un peu de luminosité à bord ainsi qu’une discontinuité de style à l’extérieur – des angles francs et des lignes à la serpe signés Marcelo Gandini, qu’il proposera également à Volvo pour son coupé Tundra, imaginé après la BX.

BX 19 DIGIT : Retour vers le futur (définitivement)

Cette fois, promis, on est parti. Et là où l’on va, on a quand même besoin de routes car c’est encore là que l’hydropneumatique fait le plus de miracles. Surtout sur les dos d’âne : on croirait la suspension magique Citroën imaginée pour leur résister ! Elle les passe sans barguigner, presque avec dédain, même si les plus hauts lui donnent parfois du fil à retordre (enfin, de la détente et de la compression).

On sent néanmoins un changement d’époque : on n’est plus dans le moelleux intégral d’une DS ou d’une GS, et davantage dans une suspension qui marie les contraires, à savoir confort d’assise mais surtout tenue de route redoutable.

Essai Citroen BX 19 Digit 1985 Aventure Citroen LNA FM 111

Car si l’on ressent chaque saignée de bitume, c’est aussi parce que conduire une BX est un vrai plaisir. Celui de tenir une direction douce mais précise (sauf au point milieu), d’être informé de l’état de la route sans trop en être isolé, et d’avoir entre les mains une voiture à la prise de roulis aussi maîtrisée que son poids est contenu (une tonne seulement !). Point classique chez les anciennes, la visibilité : avec une surface de pare-brise de 0,92 m², on voit tout de l’extérieur depuis l’intérieur, ou presque.

La surface lisse du capot le rend presque invisible depuis le poste de conduite, mais ce qui surprend est aussi la forme du tableau de bord, qui descend en pente douce. C’est bien simple, seule une berline contemporaine à succès en a repris le principe : la Tesla Model 3 ! Qui a dit que la BX avait 40 ans d’avance ?

D’ailleurs, l’électronique de la BX Digit proposait, innovation pour l’époque, l’estimation de quantité de carburant restante et donc de rayon d’action de la voiture… qui est la clé de voûte des trip planners de modèles électriques d’aujourd’hui qui permettent de connaître votre rayon d’action avant la prochaine recharge notamment pour configurer vos longs-trajets.

Des longs trajets, on peut en vivre sans difficulté à bord de la BX. Un seul élément moderne nous manquerait (oui, nous sommes faibles) : la climatisation. La ventilation, surtout l’été, souffle essentiellement le chaud et on bénit les vitres de descendre presque totalement dans les portières pour mieux rafraichir l’habitacle. Un habitacle où l’on tient aisément à 4 adultes, y compris à l’arrière, preuve en est qu’une voiture de 4,20 m peut largement être familiale, sans oublier un grand coffre de 444 litres aux formes rectilignes.

Et parce que le cœur se nourrit de musique avant toute chose, quelques sons de la BX résonnent alors que nous écrivons ces lignes : le tic-tac du clignotant qui ne revient pas avec le volant une fois la manœuvre effectuée, et qu’il faut désenclencher à la main (comme sur une Ami moderne) ; le plip-plip de l’odomètre physique, le compteur kilométrique avec à son côté le compteur journalier, qui passé 70 km/h vous rappellera tous les 200 mètres le son de la trotteuse d’une pendule ; et le kss-kss de la centrale hydraulique, étrange bruit de succion pour toujours associé à la BX.

BX Digit : quand l’avenir s’écrit au futur antérieur

Essai Citroen BX 19 Digit 1985 Aventure Citroen LNA FM 1

Après une belle Traversée de Paris estivale, il est temps de reprendre la route du Conservatoire pour que « notre » BX Digit retrouve sa place dans les collections. Par son comportement, la BX est pourtant tout sauf une pièce de musée ! Et par sa maniabilité, sa vivacité et son confort, elle tient la dragée haute à nombre de compactes dernier-cri.

Mentionner la consommation est anecdotique : promise en 1985 pour 9,2 l/100 km en parcours urbain et 7,5 l/100 km stabilisée à 120 km/h, notre Digit a consommé autour des 10 l/100 km durant notre essai, marqué par les embouteillages. De toute façon, on n’acquiert a priori pas de modèle de collection pour faire des économies, d’autant que chaque plein se fait au sans-plomb 98 évidemment.

Haut-de-gamme éphémère de la BX, la Digit est vendue 95 000 francs. Une somme peu élevée puisque, à euros constants, elle équivaut à 26 640 euros d’aujourd’hui, à peine le milieu de gamme d’une C4 contemporaine ! Si vous souhaitez en acheter une, la cote monte (prévoyez autour de 9 000 € pour un bel exemplaire fonctionnel) mais pas autant que sa rareté car avant de l’acheter, il faudra que vous trouviez une BX Digit. Une perle rare, comme un clin d’œil d’un passé où l’on envisageait l’avenir à coups d’informations et d’alertes lumineuses.

Ainsi, les concepteurs ne s’y sont pas trompé : notre présent a parfois des accents d’infobésité et d’abrutissement lumineux. Et la BX Digit d’être finalement bien en avance sur son temps, même si reconnaissons-le, ce « Digit-al » avait plus de charme il y a presque 40 ans.

Tous nos remerciements au Conservatoire de l’Aventure Citroën pour avoir permis cet essai.

Epilogue : rencontre du troisième type… mon frère

Lorsque François est venu me chercher pour faire la Traversée Estivale de Paris en compagnie de « sa » BX, je n’ai pas manqué d’appeler mon frère dont la demeure se trouvait sur le parcours. Le temps de lui montrer cette belle Citroën BX Digit dont je sais qu’il saura apprécier son futurisme à sa juste valeur. Première remarque en regardant la voiture : « c’est le tur-fu ! », nous lance-t-il.

Bien sûr, elle nous évoque surtout la première BX de notre oncle aux Pays-Bas, une phase 1 grise, mais ça n’était pas une Digit. Habitué à son monospace, il prend place à bord et se rappelle à quel point « c’est bas ». Non seulement l’époque n’était pas aux SUV, mais au repos, la BX ne manque pas de s’avachir sur ton arrière-train. L’instrumentation ? « C’est superbe, c’est le futur ».

L’ergonomie de cette phase 1 nous interpelle forcément, habitués à la TRD Turbo phase 2 de notre père à l’époque : les commodos cèdent leur place à d’habiles alternatives dignes des Chevrons tandis que quelques « citroënades » viennent agrémenter l’habitacle. Ainsi, les commandes de lève-vitres avant sont sur la console et non sur les contreportes. Celle du passager se trouvant curieusement derrière celle du conducteur, côté gauche, donc ! Curieux ? Non, après-tout, c’est une Citroën.

Il est temps de repartir, mon frère regarde la BX se lever, comme on le faisait étant jeunes. A la fois Madeleine d’Alain Prost et évocation d’un futur antérieur qui s’annonçait aussi radieux que nos Lego Futuron et M-Tron d’alors nous laissaient espérer qu’on irait dans l’espace en l’an 2000, cette BX synthétise à elle seule les raisons qui font qu’au fond de nous, on a une tendresse particulière pour la marque et pour le modèle. Bien que les adultes que nous sommes devenus n’ont jamais acheté de Citroën… pour l’instant !

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Photos : François Mortier – Le Nouvel Automobiliste

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