Le Nouvel Automobiliste
Elections presidentielles

Quel programme automobile pour les élections présidentielles ?

Le premier tour des élections présidentielles approche et nous avons voulu y voir plus clair parmi les 12 candidats et leurs programmes. Quelles idées pour l’automobile et plus largement l’industrie des transports ? Quelles intentions pour une politique de transition énergétique, de déplacements, et quelle place future pour le secteur des mobilités ? Nous avons lu, trié, écouté les candidates et candidats, et voici ce que nous en avons retenu.

Un article à retrouver en podcasts, 1 par candidat !

9 des 12 prétendants aux Présidentielles

Pour préparer cet article, nous sommes partis de l’événement organisé le 14 mars par la filière automobile française, et plus précisément par Mobilians (l’ex-CNPA côté professions de l’automobile), la PFA (Plateforme française de l’automobile, qui représente les grands constructeurs), la FIEV côté équipementiers et le CSIAM côté importateurs. Neuf des douze candidats à l’élection présidentielle ont répondu à leur appel pour présenter leur programme pour l’automobile et les transports, et nous vous proposons d’écouter les meilleurs morceaux de leurs interventions.

Jean Lassalle, inquiet de la « vassalisation des constructeurs français » et contre le permis à points

Commençons par le candidat Jean Lassalle. Difficile de saisir clairement le contenu complet de son programme : sa prise de paroles offre un kaléidoscope plus ou moins maîtrisé de l’histoire de l’automobile en France, complété de quelques digressions humoristiques. Dur de se faire un avis sur son programme auto… mais si vous voulez un podcast ASMR, foncez ça vous détendra.

En substance, le candidat est pour la préservation des moteurs thermiques et la relocalisation des industries dans les territoires, en province. Fort logiquement, il conteste les 80 km/h et souhaite le retour des 90 km/h sur les nationales… mais il souhaite aussi supprimer le Permis à points. Il est aussi contre les ZFE.

Yannick Jadot, représenté par Karima Delli, pour un état dirigiste et des feuilles de routes fermes

A la tête de l’économie française depuis 5 ans, Bruno Le Maire part avec l’expérience du quotidien. Il y ajoute un mantra : « l’automobile individuelle est un outil de liberté ». A se demander pourquoi vouloir la régenter voire l’exclure des centres urbains par les ZFEm mais nous y reviendrons.

Le ministre Le Maire brosse d’abord un tableau de l’industrie française : il faut produire nos batteries en France et maîtriser l’aspect logiciel / software des véhicules. Il faut accompagner la transition énergétique et ne pas imposer le tout électrique : il préfère miser sur la neutralité écologique au sein de laquelle l’hybride peut rester une option. Il faut enfin donner la liberté de choix technologique aux constructeurs… et mieux gérer l’indépendance pour la fourniture des matières premières. Le récent contexte de la guerre en Ukraine a dû influencer ce dernier passage.

Evoquant les propositions de Mr Macron, Bruno Le Maire souhaite séduire les industriels en réduisant les impôts de production et maintenir le crédit impôt recherche. Il faut accélérer le déploiement des bornes de recharge, sortir de la dépendance aux énergies fossiles, maintenir les aides à la conversion vers l’électrique, soutenir les industries menacées par cette transition. Si la production doit être la plus décarbonée possible (entendez, nucléaire, dans un contexte de relance), elle doit être plus sobre énergétiquement : le tout-électrique ne lui paraît pas possible, et les constructeurs devraient avoir plus de marge de manœuvre pour réduire leurs émissions.

Du bon sens mais tout ceci reste incantatoire voire conceptuel : depuis de nombreuses années, on voit plutôt les pays plier face aux injonctions automobiles de la Commission Européenne, quitte à maître en péril l’outil industriel, sans jamais pouvoir négocier. Bref, si Mr Le Maire maîtrise son discours et son sujet, on aurait aimé voir son projet mis en application ses cinq dernières années, en particulier la défense des motorisations thermiques face à la Commission, ou la défense d’un sourcing plus homogène des énergies qui ne nous rendrait pas dépendant du reste du monde.

Sébastien Pilard représentant le parti Reconquête! d’Eric Zemmour

Longue intervention, souvent confuse et hors-sujet, que celle de Sébastien Pilard qui n’a pas la même aisance oratoire que celui qu’il représente. Derrière les mots, le candidat Eric Zemmour avait surpris en annonçant la suppression du permis à point, et c’est l’un des seuls candidats à porter un programme pour « soulager l’automobiliste ». En plus du permis, ce sont les ZFEm -vues comme un péage- qui sont à bannir, les limitations de vitesse (restauration du 50 en ville, des 90 km/h sur nationales) et un passage du Contrôle technique de 2 à 3 ans. Pour coller à l’époque, Mr Pilard a exposé l’idée d’un renforcement du RGPD, le règlement européen pour la protection des données, jusqu’aux bases de données collectées par les voitures.

Le maître mot est que « chacun puisse aller et venir à coût réduit en France », ce qui nécessite selon lui de repousser le calendrier de la bascule vers le tout-électrique. S’y ajoute la réindustrialisation de la France par la création d’un grand ministère de l’industrie mais aussi la suppression des impôts de production et la création de zones franches industrielles, ou encore la réduction des charges et des normes pour pouvoir lutter contre les concurrents étrangers. Triste proposition, quand on sait que c’est justement en imposant des normes élevées qu’on se protège du dumping économique… Sans oublier un mot sur l’aide à l’apprentissage et la réduction des cotisations salariales.

Anne Hidalgo veut adapter l’automobile à son époque

La candidate du Parti Socialiste tire le constat d’une société où les jeunes urbains ne passent plus le permis, où l’automobile ne fait plus rêver, et où il faut limiter l’automobile à son usage. Son idée force : une grande odyssée industrielle des mobilités, où la recherche, l’industrie et les territoires doivent travailler ensemble. Vaste programme… pour accompagner la mutation des industries vers l’électricité sans oublier l’hydrogène.

Sur le papier évidemment, ça passe. Pour y parvenir, la solution serait d’utiliser les fonds européens pour aider les gens à acquérir des électriques ou financer le rétrofit, ainsi que développer les transports en commun et pourquoi pas mettre en place un leasing social, où l’on subventionnerait la location d’un véhicule électrique qui le mettrait au même prix qu’un thermique. Tout est donc fait dans l’objectif européen de suppression de la voiture thermique, car « on n’a plus le temps d’attendre », et parce qu’il n’y a pas assez de volontarisme pour développer les réseaux de bornes.

Dans tout discours survient un moment où l’on quitte le réel pour une envolée lyrique, parfois incontrôlée. Anne Hidalgo a eu la sienne : pour elle, « ça route beaucoup mieux dans Paris« , la politique de mobilité y est une réussite et « ceux qui ne le comprennent pas sont des vieux c*ns » (sic). Remarquez qu’insulter les gens n’empêche pas d’être président, mais bon. Consciente que son discours est souvent orienté vers les urbains, Mme Hidalgo reconnaît qu’il faut encore des voitures à la campagne. Mais, sa proposition est de donner 5000 euros à chaque jeune de 18 ans pour l’accompagner dans la mobilité voire passer le permis.

A demi-mot, une reconnaissance que le pays ne s’adapte pas aussi vite que les discours le voudraient, et que le marché du travail ne suivra pas sans aide de l’Etat. Elle ébauche donc une aide au secteur automobile notamment pour l’emploi et la formation, et en profiter pour réindustrialiser le pays. Mais tout cela devra se faire sans la TVA sur l’essence (baissée à 5,5 %), sans la TICPE (plafonnement des prix de l’essence oblige), sans compter le déploiement des bornes électriques. Une proposition de financement : réinstaurer l’ISF pour financer la transition énergétique.

Si le discours proposé est dans la droite veine de la politique appliquée à Paris depuis plus de 10 ans, Mme Hidalgo y aura apporté une pincée de « territoires / campagne » nécessaire pour que l’électorat suive. Et puis, on aura appris que le papa d’Anne Hidalgo était fan de voiture et propriétaire d’une Ami 6 !

Xavier Bertrand, représentant Valérie Pécresse : « amoureux de l’automobile et du 2-roues »

« On ne peut pas en même temps aimer l’auto et lui taper dessus » : quand Xavier Bertrand reprend la maxime Marconienne du ‘en même temps’, c’est pour mieux la retourner contre son auteur. « On est en train de faire n’importe quoi au niveau européen : stop à l’idéologie anti-voiture ». En voilà un qui a compris quel était son auditoire. Pour le candidat malheureux à la primaire des Républicains, qui se décrit comme amoureux de l’auto et du 2-roues, il est impossible de faire l’impasse sur l’hybride après 2035. La transition écologique doit être faite, mais il faut arrêter de considérer l’automobile comme une vache à lait.

Comme d’autres porte-paroles, Mr Bertrand plaide pour la gratuité du permis de conduire. S’il n’est pas contre les ZFEm, leur déploiement doit être décalé : il y voit un risque de « Gilets jaunes » puissance 10, et estime le calendrier de conversion écologique comme intenable pour les classes moyennes. Côté industrie, il souhaite baisser les impôts de production pour rendre la France plus compétitive en Europe et pérenniser les crédits impôt recherche. Il estime capital de soutenir la souveraineté technologique, d’innovation, de la France, sans que cela n’empêche les partenariats avec d’autres pays. Il faut pour lui soutenir la formation et mieux l’adapter aux besoins des employeurs.

En résumé, Mr Bertrand a représenté Mme Pécresse en montrant une réelle connaissance du secteur automobile avec des propositions réalistes et peu démagogiques, le tout mâtiné d’une profession de foi envers la voiture que n’aurait pas renié Georges Pompidou. Certaines traditions ont du bon.

Jean-Philippe Tanguy, représentant de Marine Le Pen : « Non à l’écologie punitive »

Pour Mr Tanguy, la défense de la liberté passe par la défense de l’automobile. Il est contre l’écologie punitive, contre le tout-électrique, considère l’hybride comme un véhicule propre et réclame qu’on pousse au développement des bio-carburants. Le Rassemblement National ne se dit pas contre l’Union Européenne mais contre les « institutions technocratiques européennes » et exige de faire un grand ménage dans les normes, pour remettre à plat la gestion écologique avec un calendrier de transition efficace mais aussi réaliste. Dommage que le RN, si bien représenté au Parlement européen, préfère porter ces idées sur la scène nationale plutôt qu’à Strasbourg !

Parmi les idées ébauchées pour l’avenir de la filière, la relocalisation des industries automobiles en France, la fin de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et l’investissement dans l’apprentissage pour les nouvelles technologies. La TVA sur les énergies est proposée à 5 % contre 20 % aujourd’hui, il faut arrêter de culpabiliser les « petits excès de vitesse » (sans que ceux-ci ne soient définis), octroyer des prêts aux gros-rouleurs pour rouler à l’E85 (s’ils ont des Diesel, ça s’annonce ardu), continuer le déploiement des bornes de recharge, supprimer les ZFEm (quid des instances européennes dès lors) et miser sur l’hydrogène comme axe de développement.

Bien qu’un peu martial et incantatoire, le discours est maîtrisé, centré sur la filière, détaillé souvent, et pertinent s’agissant des besoins immédiats des consommateurs. On manque de détail concernant l’action au niveau européen, la gestion et le soutien de la filière sur le long-terme (repousser la transition n’est pas une solution), mais l’intervenant maîtrisait son sujet dans un discours rodé et assez réaliste ce qui n’est pas le cas habituellement au RN.

Fabien Roussel représenté par Jacques Baudrier : « Nous ne sommes pas anti-automobile »

C’est l’adjoint à la mairie de Paris en charge de la construction publique, du suivi des chantiers et de la coordination des travaux dans l’espace public qui représente le Parti Communiste Français. Tout un programme quand on sait l’émoi que suscite régulièrement le mouvement « Saccage Paris« . Qu’importe, le début de son intervention est noyé dans un hors-sujet sur les prix de l’essence, avant qu’il ne conclut par la nécessité d’un blocage des tarifs. On en vient au sujet : l’industrie automobile.

Première idée forte : « il n’est pas réaliste de demander aux français de moins se déplacer : c’est une liberté« . Même s’il faut substituer l’automobile autant que possible par des moyens de transport non polluants, en particulier en ville, ou encore instaurer la gratuité des transports publics. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer : « nous ne sommes pas anti-automobiles ». Certes, mais attention au grand écart ! De gratuité il est aussi question pour revoir et rendre gratuit l’accès au permis de conduire.

Côté finances, il faut développer un réseau de recharge très dense et créer 100 000 km de pistes cyclables y compris en zones rurales. Mr Baudrier est favorable aux ZFEm mais si elles sont accompagnées de mesures pour que tous y accèdent. Il voit une solution : revoir le niveau des primes à la conversion et les élargir aux modèles d’occasion, ce qui tombe bien puisque… c’est déjà le cas ! Par ailleurs, un tiers de l’intervention a été consacré aux trains du quotidien, aux métros et aux RER régionaux, intention louable s’il ne s’exprimait pas devant la filière automobile.

On retiendra donc un discours assez peu dogmatique et surtout pondéré de la part du PCF : des objectifs, des caps mais aussi des concessions et des marges de discussion. C’est aussi plus pragmatique qu’EELV ou LFI, pour prendre les partis vers lesquels l’électorat PCF est apparenté.

Et faut de représentants pour les campagnes de Lutte Ouvrière, du NPA (pourtant M. Poutou connait l’industrie automobile pour y avoir travaillé) et Debout la France, on termine avec la FI.

La France Insoumise : Éric Coquerel a des idées sur tout et surtout…

… des idées. Avec un programme clair : réduire le recours à l’automobile, utiliser les énergies alternatives et bien sûr, réduire les consommations d’énergie. Chasse au gaspi, le grand retour en 2022. Comment y parvenir ? Avec un nouveau grand service public de la mobilité, le blocage des prix des carburants, une aide aux plus démunis pour accéder à l’électrique et une proposition originale, soumettre les aides à des critères sociaux. Dommage, c’est déjà le cas mais Éric Coquerel ne le savait peut-être pas.

Ce qu’il sait, en revanche, c’est qu’il faut créer un grand commissariat à la planification et à la conversion écologique. Encore faut-il que ce doux parfum d’ex-URSS connaisse le contexte où il s’inscrit : Mr Coquerel, député La France Insoumise, annonce en introduction qu’il y a 1630 entreprises dans le secteur automobile… alors que celui-ci en compte plutôt 4000 de grande taille et jusqu’à 160 000 si l’on ajoute les services et les PME. Mais revenons à la planification : il faut réduire la croissance des métropoles et réorienter les populations hors des zones urbaines. Comment y arriver ? En mettant à disposition des plus démunis un parc auto à faibles émissions, en favorisant le covoiturage et en misant sur l’utilisation -inattendue, il faut bien le dire- d’essence à base d’huile de synthèse ou de friture recyclée. A-t-on dit à Mr Coquerel que c’était puni par la loi ?

En termes industriel, il faut obliger les sous-traitants à relocaliser en France et accompagner la reconversion des salariés du secteur thermique vers l’électrique et le digital. Côté utilisateur, si les ZFEm dans leur forme actuelle peuvent être remises en cause, pas de tolérance pour les SUV. Il est capital de mettre en place un service public des bornes électriques, équitablement réparties sur le territoire. Sans oublier une prime à la conversion qui doit être limitée aux électriques et rétrofit qui doit être soutenu (seules 10 immatriculations nettes en 2021, on part d’assez bas).

Pour synthétiser ce vaste programme : il y a pas mal de tarte à la crème (moins polluer, rendre aux pauvres en prenant aux riches) mais l’ensemble est ancré dans le réel, bien moins « hors-sol » que celui d’EELV, et répond à des problèmes qui vont se poser. Reste à savoir si les réponses proposées sont appropriées.

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