Le Nouvel Automobiliste
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Renault en Russie : alerte rouge sur Lada

Il se peut que vous en ayez entendu parler ces derniers jours, la guerre de la Russie en Ukraine n’est pas sans conséquence, outre sur les parties prenantes, mais aussi sur l’industrie automobile. Encore une fois, l’objet de notre article n’est pas de relater les origines ou l’évolution du conflit, pas plus que ses conséquences sur les populations ukrainiennes et russes, mais de se focaliser sur l’automobile.

Nous avions déjà fait un premier point il y a deux semaines sur les premières implications directes (ruptures d’approvisionnement, mise à l’arrêt d’usines, renchérissement des cours des matières premières…), à retrouver en détails ici. Aujourd’hui, nous faisons le point sur la situation de Renault en Russie, actionnaire majoritaire du géant local AvtoVAZ, plus connu sous la marque Lada.

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Lada et Renault en Russie, une success story contrariée

Renault s’est très vite intéressé à la Russie, créant la société Avtoframos avec la ville de Moscou en 1998. L’usine, ouverte en 1999 débute alors la production de la Megane Classic puis produit des Clio II et des Megane II tricorps avant l’avènement de la success story mondiale de Renault, la Logan, dès 2005. La part de Renault dans le capital de l’entreprise monte à 96.1 % en 2006 et le Losange en est propriétaire à 100 % depuis 2012.

Outre Avtoframos à Moscou, Renault devient actionnaire de Lada (AvtoVAZ, donc) à hauteur de 25 % dès 2008. La part du Losange monte au fil des ans et le constructeur français détient 68 % du capital d’Avtoframos depuis 2016, et fait de la marque Lada une filiale à 100% de Renault. Avec trois usines (Avtoframos à Moscou, Togliatti, l’usine historique de Lada dans l’oblast de Samara et celle d’IzhAvto à Izhevsk), le groupe français est l’acteur majeur du marché russe et a investi 1,7 milliards d’Euro dans AvtoVAZ depuis 2008.

A noter que les 32 % restants AvtoVAZ sont détenus par Rostec, une agence gérant les participations de l’Etat russe, dirigée par Sergueï Tchemezov, ancien du KGB et proche de Vladimir Poutine. La politique et les affaires ne sont jamais loin.

Lada occupe à lui seul 19,6 % du marché local, tandis que Renault représente 8,9 % du volume, Nissan, 4,3 % et Mitsubishi, 2,4 %. L’Alliance domine donc les débats avec 35,2 % de parts de marchés en ce début d’année 2022. Inutile de dire que la Russie est d’une grande importance pour le constructeur français, dont 15 % du capital est détenu par l’Etat Français. La politique et les affaires ne sont jamais loin. On l’a déjà dit ?

Sous les pressions répétées de l’Ukraine, d’une partie de l’opinion publique, de la gouvernance des entreprises et/ou des Etats, de nombreuses entreprises ont fait le choix de quitter le marché russe (on l’a évoqué ici) tandis que d’autres ont suspendu leurs activités pour de simples raisons logistiques. Ainsi, les constructeurs coréens et chinois sont toujours présents en Russie, tandis que beaucoup d’autres ont mis leurs activités à l’arrêt, comme GM, Ford, VW, Mitsubishi, Toyota, Mazda ou AB Volvo.

A noter que la pression de certains groupes d’influence à l’encontre des entreprises en Russie est bien moins intense vis-à-vis de ces mêmes groupes en Chine. Le contexte n’est certes pas comparable mais on voit que le poids économique des activités dans chaque pays influe fortement sur la capacité à réagir politiquement. Et c’est tout le problème de Renault : quasi absent de Chine, la marque française, en revanche, tire près de 10 % de ses bénéfices de la Russie, son second marché après la France.

Le groupe annonce déjà que sa marge opérationnel passera à 3 % en 2022 contre un peu plus de 4 % attendu, avant le début de la guerre. Et la Russie est un marché qu’elle pourrait bien perdre du jour au lendemain si le contexte politique l’exige.

En jeu, donc, l’usine moscovite (Renault Kaptur, Arkana, Duster et Nissan Terrano), le site de Togliatti (Lada Granta, Xray, Niva, Renault Logan et Sandero) et celui d’Izhevsk (Lada Granta), dont les fabrications sont stoppées depuis mercredi dernier faute de composants disponibles. Le conseil d’administration de Renault a d’ores et annoncé suspendre la production à Moscou, parce qu’elle est sa propriété pleine et entière. Elle pourrait être exposée à un risque de nationalisation confiscatoire par le Kremlin.

En revanche, pour sa participation majoritaire dans AvtoVAZ, Renault met en avant les plus de 40 000 salariés qu’elle possède en Russie et la dépendance très forte au marché local, les exportations étant faibles (moins de 10 % de la production). Pour l’heure, le constructeur dit « étudier toutes les options ». A suivre au gré des négociations entre Renault et le ministère de l’industrie russe dont les discussions devraient aboutir en fin de semaine prochaine. A noter que Renault devrait passer 2,2 milliards d’euros en provision à la fin de ce premier trimestre.

A qui profiterait la situation ?

Dans l’hypothèse où l’Etat russe, via Rostec, reprendrait l’ensemble des parts d’AvtoVAZ, il y a fort à parier que les autorités locales se mettent à la recherche d’un partenaire pour poursuivre le développement de Lada, privé de l’ingénierie de Renault, mais également d’un certain nombre de pièces et de savoir-faire.

L’hypothèse la plus probable, comme le soulignent nos confrères de Challenges, serait l’arrivée d’un investisseur chinois. Et on peut aisément en mesurer l’intérêt : à date, aucun constructeur chinois n’a réussi à prendre significativement pied sur l’immense marché russe (à peine 11 % pour l’ensemble des acteurs réunis), largement dominé par Lada et où les marques de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi sont également bien implantées. En attendant une éventuelle intervention d’un partenaire étranger, le ministère de l’industrie russe annonce vouloir accompagner AvtoVAZ pour produire locale les 20 % de pièces actuellement importées.

Et si ce nouveau chapitre de la guerre économique entre la Russie et une partie de l’Occident profitait de nouveau à la Chine, peu réputée pour ses états d’âmes ? Elle n’a en tous cas pas attendu pour livrer d’autres batailles économiques face à l’Occident, le marché automobile russe pourrait être une prise supplémentaire pour l’Empire du Milieu.

Quoi qu’il en soit, la perte d’AvtoVAZ (après celle d’Avtoframos) et donc, de Lada, serait un grand coup dur pour Renault qui a investi énormément d’efforts et d’argent pour transformer une entreprise moribonde en un acteur rentable et incontournable, servant la stratégie des modèles Global Access de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Lada logo

Sources : Autoblog, Challenges

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