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Stellantis

Fusion PSA/FCA : Stellantis sera mis sur orbite le 16 janvier

Tous les voyants sont au vert pour la fusion italo-franco-américaine. Les groupes FCA et PSA vont donner naissance au 4e groupe automobile en volume, et au 3e groupe en chiffre d’affaires, comme prévu d’ici la mi-janvier.

Une fusion approuvée par les actionnaires

99 % ! Le score est un plébiscite, et il est celui des votes des actionnaires des groupes FCA et PSA en faveur de leur fusion. Celle-ci prendra effet le 16 janvier 2021. Les titres boursiers PSA et FCA disparaîtront et laisseront place à la cotation du titre Stellantis à partir du 18 janvier à Paris et Milan, puis le 19 janvier à New York. Soit un peu plus tôt que la fin du premier trimestre 2021, terme final prévu par les deux mariés initialement.

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A cette date, les destins de plus de 400 000 salariés seront unis sous une même bannière, installée aux Pays-Bas pour des raisons de facilité comptable. Stellantis représentera le n°3 automobile en chiffre d’affaires derrière Toyota et Volkswagen (environ 167 milliards d’euros), et le n°4 en production derrière l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi (8 à 8,5 millions de véhicules).

Stellantis : une constellation de 14 marques

Imaginait-on un jour Citroën se retrouver à nouveau lié à Maserati ? Et Opel se rapprocher de Fiat comme lors des années 2000 ? Ou encore Jeep revenir –mutatis mutandis– sous un giron français ? Stellantis va en effet mettre un point final à deux arlésiennes, d’une part le devenir du groupe FCA qui cherchait un partenaire à qui se vendre, de l’autre le devenir du groupe PSA qui, avec prudence après la quasi-faillite des années 70/80, souhaitait devenir un géant mondial. Est-ce à dire que toutes les parties y trouvent leur compte ? Indéniablement selon le professeur Noci de l’école Polytechnique de Milan, pour qui « cette fusion était une question de survie, pour Fiat comme pour PSA. »

Ainsi donc, certains des blasons parmi les plus chargés d’histoire de l’industrie automobile, à savoir les marques Abarth, Alfa Romeo, Chrysler, Citroën, Dodge, DS Automobiles, Fiat, Jeep, Lancia, Maserati, Opel, Peugeot, RAM et Vauxhall, seront ensemble à bord du même bateau. Ou plutôt de la même fusée, Stellantis étant une référence au scintillement stellaire, et son décollage devant être le plus rapide possible pour que les bénéfices d’une telle fusion se fassent au plus tôt. Le montant des investissements à venir dans l’électrique, la décarbonation, les systèmes connectés, ou encore le pilotage autonome rendent nécessaires d’unir autant de marques pour réaliser des économies d’échelle.

La fusion doit, dans les premières années du moins ont promis les deux groupes, ne voir disparaître aucune marque. De même pour les usines qui ne devraient pas être touchées, dans un premier temps… même si le fond Phitrust, critique de la fusion, estime que les usines françaises de PSA pourraient pâtir de l’opération (et perdre des emplois). Les 4 milliards de synergies (comprendre, de bénéfices obtenus par la mutualisation de postes) entre les deux groupes doivent s’obtenir dans un premier temps à 40 % de la conception des modèles, 40 % des achats de matières premières, et 20 % de services internes (marketing, informatique, logistique etc.). Des synergies d’ailleurs supérieures au projet initial d’octobre 2019, qui les fixait à 3,7 milliards d’euros.

Avant les actionnaires, la Commission européenne…

Si le plébiscite actionnarial semblait d’emblée acquis, l’assentiment de Bruxelles à la fusion italo-franco-américaine était tout sauf certain. Il a pourtant été obtenu, le 21 décembre tel un cadeau de Noël en avance pour les dirigeants de Fiat Chrysler et PSA. La commissaire chargée de la concurrence, Margrethe Vestager, a annoncé être « en mesure d’autoriser la concentration entre Fiat Chrysler et Peugeot SA ». Une victoire plus significative qu’il n’y paraît, quand on sait que la précédente méga-fusion européenne (Alstom – Siemens) avait été retoquée par la même commissaire et que celle, franco-canadienne, entre Alstom et Bombardier, n’est autorisée qu’au détriment de plusieurs séparations d’actifs. Cependant, PSA et FCA ont dû mettre de l’eau dans leur vin.

Les deux groupes ont pris des engagements pour « faciliter l’entrée et l’expansion sur le marché des camionnettes utilitaires légères », afin de ne pas être majoritaires dans les segments des Berlingo, Jumpy et Jumper notamment. Cela signifie donc que les modèles devront être partagés avec certains partenaires actuels (Toyota notamment) ou futurs. Un léger mal pour un grand bien, car Mme Vestager indique que « sur les autres marchés où les deux constructeurs automobiles exercent actuellement leurs activités, la concurrence restera soutenue après la concentration ». Aucune cession sèche d’actifs, comme lorsque Renault Véhicules Industriels avait dû lâcher Irisbus à Iveco en 2001, n’est donc à prévoir, même si PSA a tout de même dû céder 7 % du capital de son équipementier historique Faurecia (voir ci-après).

…et d’ultimes pourparlers

Prévue à 50/50, la fusion FCA/PSA ne pouvait pas ne pas tenir compte de l’évolution de la santé économique des deux groupes. D’une part, un FCA obligé de contracter un prêt auprès de l’Etat italien de 6,3 milliards d’euros ; de l’autre, PSA seul constructeur à dégager des bénéfices malgré la pandémie au premier semestre 2020. C’est pourquoi, dès l’été, les termes de l’accord avaient été revus :

  • Les actionnaires de FCA ont vu leur dividende initial baisser de 5,5 à 2,9 milliards d’euros ;
  • PSA a de son côté vendu une partie du capital de Faurecia (7 % des 46 % qu’il possède, soit 308 millions d’euros environ), alors que celui-ci devait être cédé aux seuls actionnaires du groupe français ;
  • Les actionnaires de PSA ne bénéficieront que de la moitié des 39 % restants, l’autre moitié étant attribuée aux actionnaires de FCA.

L’objectif est à la fois d’éviter un conflit diplomatique entre Paris et Rome, et d’assurer aux marchés financiers que Stellantis ne puisse pas acquérir le contrôle de Faurecia, qui produit également des pièces et des services pour d’autres groupes que PSA et FCA.

Par ailleurs, afin de satisfaire aux autorités américaines, la part de DongFeng dans PSA a diminué après un rachat d’actions en septembre par PSA. La famille Peugeot, elle, est montée au capital de PSA et acquis 2 % supplémentaires (sur les 2,5 % que l’accord de fusion lui permet). La détention familiale atteint 14,38 % des actions pour 19,36 % des droits de vote. Au sein de Stellantis, cette participation sera divisée par 2 et les Peugeot ne compteront que pour 7,2 %, soit la moitié du premier actionnaire, le holding Exor (14,4 %) propriété de la famille Agnelli et dont le représentant John Elkann sera le Président de Stellantis. L’on pourrait alors penser que PSA serait en position de faiblesse mais en ajoutant les 6,2 % de BPI France et les 5,6 % de DongFeng, la balance revient bien à PSA avec 19 % du capital au total.

Voilà qui devrait rassurer ceux qui craignent de voir la partie française gobée par la partie italo-américaine, même si cela ne surprend guère dans la mesure où Exor cherche depuis des années à revendre à bon compte ses actifs automobiles. Avec PSA à la barre, revenu des limbes boursières depuis 2014 et à présent groupe le plus rentable au monde, les Agnelli ne seront toutefois pas non plus perdants.

Les futurs visages de Stellantis

Côté organisationnel, les noms des 11 membres du conseil d’administration de Stellantis ont été annoncés. Parmi eux, huit sont membres indépendants, tandis que les trois décideurs-clés seront John Elkann (actuel dirigeant de FCA) qui sera Président, flanqué de Robert Peugeot (FFP, actionnaire de référence de PSA), Vice-Président, et Carlos Tavares (Président du Directoire de PSA) comme PDG. Un léger avantage à PSA donc, pour un type d’opération où l’on craint toujours qu’il y ait un dindon à la fin. Les noms qui seront proposés à la validation des actionnaires seront :

  • John Elkann, Président du conseil d’administration
  • Robert Peugeot, Vice-Président du conseil d’administration
  • Carlos Tavares, Président directeur général
  • Andrea Agnelli (Président de la Juventus de Turin), administrateur non-exécutif
  • Henri de Castries (ex DG d’Axa), administrateur indépendant sénior
  • Fiona Clare Cicconi (DRH d’AstraZeneca), administrateur non-exécutif
  • Nicolas Dufourcq, (DG de BPI France, actionnaire de PSA), administrateur non-exécutif
  • Ann Frances Godbehere, (Royal Dutch Shell), administrateur non-exécutif
  • Wan Ling Martello (ex-Nestlé), administrateur non-exécutif
  • Jacques de Saint-Exupéry, (Groupe PSA), administrateur non-exécutif
  • Kevin Scott (Directeur technique de Microsoft), administrateur non-exécutif.

Cependant, l’analyse du rapport sur la cotation des actions de Stellantis faite par les journalistes d’Automotive News Europe permet de mettre en lumière les coulisses de cette fusion. Cet inventaire, relayé par Motor1 et destiné aux analystes financiers, précise ainsi en page 23 que « PSA est l’acquéreur aux fins comptables et qu’à ce titre, la fusion est comptabilisée comme une acquisition inversée ». Des mots traduits en actes par la présence de 6 membres PSA au conseil d’administration de Stellantis, contre 5 à FCA, sans oublier la direction opérationnelle qui sera occupée par Carlos Tavares. Signalons, au passage, que M. Elkann sera aussi PDG de Ferrari -par intérim pour l’instant.

Vous remarquez l’absence de l’actuel Président du conseil de surveillance de PSA ? C’est normal : Louis Gallois prendra sa retraite à l’issu de la fusion. Quant à Mike Manley, l’homologue de Carlos Tavares chez FCA jusqu’à présent absent des organigrammes, il a été confirmé en tant que futur Directeur général de Stellantis en Amérique. Un choix logique pour assurer la continuité sur place des activités de l’ex-Chrysler, alors que Fiat se retire à petits pas des Etats-Unis et du Canada (un seul modèle au catalogue, la 500X), et que Peugeot compte toujours y revenir d’ici 2023. 

Décollage vers l’infini…

Qu’attendre de cette fusion ? D’abord, un sauvetage de dernière minute pour certaines marques, quasi promises à la disparition, comme Lancia ou Chrysler. Ensuite, un horizon nouveau pour des blasons jadis friands d’international, et qui ont subi des revers de fortune : Fiat, tombé dans la morosité des années 2000 ; Peugeot, de leader européen en 1978 à quasi disparu en 1980 ; Citroën, n°2 mondial dans les années 1930… et jamais plus depuis ; Chrysler, jadis parmi les Big Three, sauvé in extremis par Washington en 2008. La marmite de logos ne saurait d’ailleurs être aussi belle que les histoires qu’ils recèlent, et qui ne demandent qu’à renaître grâce de nouveaux produits. Il suffit de voir la résurrection d’Opel pour mesurer le chemin qui pourrait attendre Alfa Romeo, Abarth, Maserati, Fiat ou encore Lancia en Italie !

Ce seront aussi des portes ouvertes sur le monde, sur les Etats-Unis pour PSA, sur une relance en Europe pour Fiat donc et potentiellement Chrysler, ainsi que de meilleures armes pour espérer se défendre en Amérique Latine et surtout en Chine où seul Jeep semble profitable. En termes de couverture mondiale, la complémentarité est en tout cas réelle. FCA et PSA auront deux pôles majeurs d’activité en Europe (46 % du chiffre d’affaires, près de 25 % de part de marché), et en Amérique du Nord (43 % du chiffre d’affaires).

…et l’au-delà ?

D’ores et déjà, certaines rumeurs insistantes font état d’un choix prédominant aux technologies PSA. FCA a en effet annoncé à ses fournisseurs la fin de ses travaux de recherche sur sa plateforme électrique destinée aux citadines, signe que l’ensemble des nouveaux petits véhicules recourra bien à l’e-CMP d’origine PSA (inaugurée par la DS 3 Crossback et la C4). Une autre plateforme, elle aussi d’origine PSA, a vu le jour l’été dernier : l’e-VMP, évolution de l’EMP2 (C4 SpaceTourer, Berlingo…), qui permettra aux futurs modèles des segments C et au-delà (compactes, berlines, utilitaires) d’être thermique, hybrides ou même électriques, embarquant une batterie permettant jusqu’à 650 km d’autonomie. A terme, les 2/3 des véhicules produits par Stellantis le seront sur base d’e-CMP ou e-VMP.

Quant au tiers restant, il s’agira de bases moins diffusées (Citroën Ami), dédiées aux 4×4 (Jeep / Dodge / RAM / pick-up Peugeot) ou encore de la récente Giorgio, l’architecture propulsion des Alfa Romeo Giulia et Stelvio. Elle pourrait faire le bonheur de DS Automobiles et pourrait devenir réalité avec un prochain grand SUV, possiblement baptisé DS 8 Crossback. Armé de la même base technique que l’Alfa Romeo Stelvio ou que le prochain Jeep Grand Cherokee, il pourrait ainsi être très confortablement motorisé et prêt à se mesurer aux BMW X5 et Mercedes GLE, en priorité sur le marché chinois. A l’inverse, l’accès aux CMP et EMP2/e-VMP permettra de voir assez tôt, comme l’Opel Corsa sur base de Peugeot 208, des modèles générateurs de volumes chez Fiat (Punto ?), Alfa Romeo (SUV Tonale) ou encore Lancia (croisons les doigts !). Cependant, aucune traduction industrielle concrète n’est à attendre avant 2023.

Toujours est-il que PSA a lancé depuis un an maintenant la réflexion sur ces nouveaux produits : Linda Jackson pour la différenciation des marques du groupe PSA, et Yves Bonnefont pour évaluer le potentiel de synergies au sein d’un portefeuille de marques, étudient en effet comment partager toujours plus de composants tout en clonant toujours moins les véhicules, un jeu dans lequel PSA est passé maître, et ce depuis le duo Fiat 242/Citroën C35, héritier de la brève fusion Citroën / Fiat sous la Pardevi dans les années 1970. Une époque qui donna naissance aux collaborations Fiat / PSA dans les utilitaires, embryon du futur Stellantis. Un Stellantis qui bientôt pourra briller dans le ciel de l’industrie automobile. Et peut-être même, un jour, au firmament du capitalisme mondial.

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